Revue
Nouvelle parution
Carnets de textique, n° 8 & 9

Carnets de textique, n° 8 & 9

Publié le par Faculté des lettres - Université de Lausanne (Source : Gilles Tronchet)

Réfléchir au mouvement, avéré ou suggéré, dans un écrit   

Sur le site https://jeanricardou.org/, la section nommée Carnets de textique, dont l'objectif est de rendre accessibles diverses études, initialement présentées dans le cadre de séminaires et d'échanges entre chercheurs, vient d'accueillir deux occurrences ayant pour préoccupation commune de s'interroger sur les phénomènes de mouvements repérables dans bon nombre d'écrits, que leur détection soit effective ou résulte d'un mécanisme illusoire.

De fait, si une impression trompeuse de mobilité peut être obtenue pour des graphismes grâce à un agencement adéquat, il existe bien des cas où sont donnés à observer tantôt le défilement de mots sur un écran, tantôt le déplacement de composants variés, iconiques ou dépourvus de portée représentative. Certes, la textique n'a pour le moment guère abordé les fonctionnements spécifiques à ce type de phénomènes. Aussi, plutôt que d'établir un cadre conceptuel organisé, s'agit-il d'offrir l'amorce d'une recherche et de s'interroger sur la méthode à suivre, tout en esquissant quelques pistes et en incitant quiconque le souhaite à prolonger le travail effectué.

Avec le Carnet n° 8, "Prise en compte du mouvement dans l'écrit", sont réunies deux composantes, d'abord un bref questionnement, par Amandine Cyprès, puis une réponse plus détaillée, par Jean Ricardou, dont l'enjeu principal, en mettant l'accent sur l'aptitude que possèdent divers dispositifs à produire une animation, réelle ou simulée, est de se demander ce qui les distingue des écrits les plus courants, formés d'éléments fixes. Il est notable que la démarche retenue par Jean Ricardou s'applique à restreindre le champ de l'enquête, afin d'analyser avec soin les particularités de l'objet pris en compte. C'est pourquoi il s'en tient à un seul exemple d'écrit, où la spéciale organisation d'éléments immobiles vise à faire croire qu'une animation a lieu. À cette occasion il introduit une conceptualisation permettant d'envisager un résultat où s'accrédite la perception d'un mouvement absent, bref sa représentation réussie. Par ailleurs il prend soin pour finir de préconiser la mise en chantier d'études plus vastes sur l'ensemble de la problématique.

Avec le Carnet n° 9, "Détermination du mouvement" dans l'écrit, c'est dans le droit fil de la recommandation faite par Jean Ricardou que se déploie une recherche consacrée par Sandra Simmons aux diverses modalités que peut prendre le mouvement dans des écrits. Cette enquête, visant à construire un classement raisonné des possibilités, fait appel à un éventail de réalisations élaborées par des plasticiens voire des musiciens contemporains. En effet elle s'appuie sur la conception textique de l'écrit, défini comme une structuration d'éléments qui se distinguent mutuellement par un effet différentiel. Or ce rapport constitutif de l'écrit, comme elle le souligne, n'exclut pas qu'un mouvement fasse évoluer, sans pour autant les supprimer, les distinctions réciproques entre les composants de l'écrit. 

En somme les réflexions qu'additionnent ces deux carnets n'aboutissent pour le moment qu'à une avancée théorique limitée, mais elles ont l'intérêt d'ouvrir sur un domaine d'investigation particulièrement profus et prometteur.