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Topographies de l’asile. Dimensions spatiales des pratiques d’asile (trans)nationales dans les littératures allemande, française et espagnole des XXe et XXIe s.

Topographies de l’asile. Dimensions spatiales des pratiques d’asile (trans)nationales dans les littératures allemande, française et espagnole des XXe et XXIe s.

Publié le par Marc Escola (Source : Theresa Wagner)

Internationale Tagung / Colloque international / Coloquio internacional

Topographies de l’asile

Dimensions spatiales des pratiques d’asile (trans)nationales dans les littératures allemande, française et espagnole des XXe et XXIe siècles 

Université de Passau, les 26 et 27 juin 2026 

Compris comme lieu de refuge et comme geste d’accueil de personnes persécutées ou en quête de protection, l’asile est une constante de l’histoire humaine qui se manifeste de façon singulière dans différents contextes juridiques, religieux et spatiaux. Ce colloque propose de jeter une lumière sur les récits littéraires allemands, français et espagnols qui s’intéressent aux pratiques d’asile et à leurs dimensions spatiales. Le cadre chronologique retenu est celui des littératures des XXe et XXIe siècles.

Dans l’Antiquité, on relève une première forme archaïque du droit d’asile, pratiquée dans des lieux sacrés tels que des temples, des autels ou des mausolées. Les personnes cherchant protection se plaçaient sous la garde des dieux. Le christianisme, ayant repris ce caractère religieux, l’a institutionnalisé dans l’asile ecclésiastique, effaçant ainsi ses origines païennes.[1] À la différence du droit d’asile moderne, qui n’a été établi qu’avec la formation des États-nations européens, la pratique antique concernait principalement un « asile pour criminels ». Il était lié au principe de la vendetta et procurait un refuge temporaire notamment à des personnes ayant enfreint la loi, et non à des persécuté.e.s politiques.[2]

Un fil rouge relie cependant l’Antiquité au droit d’asile contemporain : aucune offre d’accueil n’est inconditionnelle. Chaque société définit les conditions dans lesquelles la protection est accordée. À l’époque moderne, le droit européen, fondé sur la Convention de Genève de 1951, est davantage une tolérance étatique[3] qu’un droit individuel, contrairement à ce que suggère l’article 14 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. La Convention de Genève définit le statut de réfugié et établit les normes de protection sans toutefois instaurer un droit exécutoire. Elle se limite principalement au principe de non-refoulement de l’article 33, qui interdit l’expulsion vers un État où la persécution est probable.[4]

Cette absence de dimension juridique se traduit aujourd’hui par une double dimension spatiale : d’une part, l’espace décisionnel exécutif, et d’autre part, les espaces de contrôle policier et sécuritaire.[5] Historiquement, la notion d’asile est liée à la question de l’espace : où et dans quel territoire se concrétise la relation entre arrivant.e.s et accueillant.e.s ?[6]

Le colloque explore cette articulation entre asile et espace à travers le prisme des études culturelles et littéraires. À la lumière du Spatial Turn, de la Critical Geography, de la Feminist Geography et de la Postcolonial Spatial Theory, l’espace peut être compris comme le produit d’une pratique socialement construite et dynamique. Comment les littératures allemande, française et espagnole des XXe et XXIe siècles localisent-elles et matérialisent-elles les pratiques d’asile ? Quelles institutions sont mises en exergue et quelles esthétiques suscitent-elles ?

Le concept de « topographies de l’asile » englobe les espaces administratifs, les camps, les zones frontalières ou de transit, ainsi que les espaces privés de refuge. L’analyse intègre également les perspectives féministes et intersectionnelles, par exemple sur les expériences genrées des personnes protégées ou la (non-)ségrégation dans les centres d’asile.

Alors que l’Allemagne et l’Espagne ont été des lieux de persécution et d’exil au XXe siècle, ces pays offrent aujourd’hui un refuge à des personnes persécutées pour des raisons politiques. La France, quant à elle, est traditionnellement un pays d’accueil. Une analyse des similitudes et des différences dans la mise en récit littéraire des pratiques d’asile pourrait révéler des enjeux transnationaux et transhistoriques, en prolongeant les débats actuels dans les études littéraires centrées sur la notion d’exil.

Axes de réflexion

1.        Dimensions juridiques et institutionnelles

·       Les figures juridiques dans les espaces mis en récit

·       Les espaces littéraires et la compréhension du droit et de l’asile

·       Spécificités nationales dans les représentations littéraires des pratiques d’asile

2.        Configurations spatiales de l’asile

·       La matérialisation des espaces administratifs, camps, lieux frontaliers et espaces privés

·       La structuration spatiale dans la représentation du pouvoir, du contrôle et de la protection

·       Les catégories de genre, d’origine, d’âge ou autres dans l’organisation spatiale des centres d’asile et dans l’expérience du refuge

3.        Perspectives littéraires et esthétiques

·       Moyens littéraires et narratifs dans la représentation spatiale des procédures d’asile

·       L’investissement symbolique et critique des espaces

·       Les expériences intersectionnelles des personnes protégées

4.        Approches comparatives

·       Comparaisons littéraires des pratiques nationales et contextualisation transnationale et transhistorique

·       La superposition des modèles nationaux à des topographies et stratégies narratives transnationales

Les contributions pourront adopter des perspectives théoriques, analytiques ou comparatives. Le colloque s’adresse en particulier aux jeunes chercheuses et chercheurs en fin de doctorat ou en phase postdoctorale qui s’intéressent aux interfaces entre littérature, espace et pratiques de l’asile.

Nous vous invitons à envoyer vos propositions avec un résumé d’environ 400 mots et une biobibliographie avant le 10 octobre 2025 à :

marina.hertrampf@uni-passau.de

emmanuelle.terrones@univ-tours.fr

wagne328@ads.uni-passau.de

La publication des actes est prévue. Les langues de travail sont l’allemand, le français et l’espagnol (leur maîtrise passive est requise).

Organisation :

Marina Ortrud Hertrampf (Université de Passau), Emmanuelle Terrones (Université de Tours) et Theresa Wagner (Université de Passau)

Bibliographie

Augé Marc, Non-lieux. Introduction à une anthropologie de la surmodernité, Paris, Seuil, 1992.

Bannasch Bettina, Bischoff Doerte, Dogramaci Burcu (dir.), Exil, Flucht, Migration. Konfligierende Begriffe, vernetzte Diskurse?, Berlin/Boston, De Gruyter, 2022.

Bartels Inken et al. (dir.), Umkämpfte Begriffe der Migration. Ein Inventar, Bielefeld, transcript, 2023.

Bischoff Doerte, Komfort-Hein Susanne (dir.), Literatur und Exil. Neue Perspektiven, Berlin/Boston, De Gruyter, 2013.

Bischoff Doerte, « Flucht und Exil in der Gegenwartsliteratur: Begriffsverhandlungen, vernetzte Geschichten, globale Perspektiven », Gegenwartsliteratur. Ein germanistisches Jahrbuch, 20, 2021, p. 29-54. 

Breyer Till, « Asyl als Schwelle. Historische Skizze zu einem politischen Begriff », Merkur. Deutsche Zeitschrift für europäisches Denken, 1, 2023, p. 5-16.

Calabrese Laura, Veniard Marie (dir.), Penser les mots, dire la migration, Louvain-la-Neuve, Academia-L’Harmattan, 2018.

Foucault Michel, Le corps utopique ; suivi de Les hétérotopies, Paris, Éditions Lignes, 2009.

Horn Eva, « Der Flüchtling », dans Horn Eva, Kaufmann Stefan, Bröckling Ulrich (dir.), Grenzverletzter. Von Schmugglern, Spionen und anderen subversiven Gestalten, Berlin, Kadmos, 2002, p. 23-40.

Larraz Fernando, « El lugar de la narrativa del exilio en la literatura española », Iberoamericana, 6, 2014, p. 101-113.  

Mountz Alison, « Where asylum-seekers wait: feminist counter-topographies of sites between states », Gender, Place and Culture, 18, 2011, p. 381-399. 

Noiriel Gérard, La tyrannie du national. Le droit d’asile en Europe 1793-1993, Paris, Calmann-Lévy, 1991.

Nouss Alexis, La condition de l’exilé. Penser les migrations contemporaines, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2015.

———, Droit d’exil. Pour une politisation de la question migratoire, Paris, Éditions Mix, 2020. 

Price Matthew E., Rethinking Asylum. History, Purpose, and Limits, Cambridge, Cambridge University Press, 2010. 

Uerpmann-Wittzack Robert, « Territoriales Asyl, Non-Refoulement und das souveräne Recht zur Grenzkontrolle », dans Etzold Raphaela, Löhnig Martin, Schlemmer Thomas (dir.), Migration und Integration in Deutschland nach 1945, Berlin/Boston, De Gruyter, 2019, p. 99-112.


 
[1] Cf. Price: Rethinking Asylum, p. 26-sqq.
[2] Cf. Horn, « Der Flüchtling », p. 34.
[3] Cf. ibid., p. 35.
[4] Cf. Uerpmann-Wittzack, « Territoriales Asyl, Non-Refoulement und das souveräne Recht zur Grenzkontrolle », p. 103.
[5] Cf. Breyer, « Asyl als Schwelle », p. 6.
[6] Ibid.