
Appel à communications
Croisements culturels franco-autochtones (XVIe-XVIIIe siècles)
Journée d’étude
Organisée dans le cadre des travaux de la Chaire de recherche sur les rapports franco-autochtones dans les Amériques de l’Université York
Montréal, Canada
Vendredi 22 mai 2026
L’histoire des rapports franco-autochtones entre 1534 et 1763 est marquée par une dynamique complexe d’échanges culturels, de transferts de savoirs et de reconfigurations identitaires. Sous le Régime Français, les pratiques d’imitation, d’adaptation et d’appropriation ont joué un rôle central dans les interactions entre Autochtones et Européens, mais aussi dans les relations intra-européennes et entre les différentes communautés des Premières Nations.
Ces métissages peuvent être envisagés comme des stratégies de survie ou d’intégration. Ils se manifestent dans les domaines linguistique, religieux, artistique, juridique et politique, ainsi que dans diverses pratiques quotidiennes. Loin d’être prisonnières de la dialectique imitation/résistance, les sociétés autochtones témoignent d’une capacité d’innovation et de réappropriation créative des coutumes du visiteur. Dans le contexte de la colonisation, l’imitation n’est pas nécessairement synonyme d’adhésion culturelle, mais peut relever d’une stratégie pragmatique de survie ou d’adaptation, afin de faciliter les échanges commerciaux ou de renforcer des alliances diplomatiques. Si l’imitation pouvait aussi être imposée par les autorités coloniales, dans une logique de conversion ou d’assimilation, les Autochtones ont parfois retourné cette logique à leur avantage, en adoptant certains codes européens pour mieux les détourner. Ainsi, la mimiquerie des manières et de l’habillement des Européens tourne parfois chez les premiers peuples à la dérision.
Du reste, l’imitation opère aussi et sans doute davantage du côté Européens, puisque ceux-ci se plient au rituel des Autochtones dont ils embrassent les usages. Ils adoptent non seulement les images figurées, mais également la gestuelle et la langue. Les administrateurs français ne craignent pas de colorer leur langage de nombreux amérindianismes et plusieurs Français adoptent le mode de vie autochtone. Certains historiens parlent alors d’« ensauvagement ». L’intégration des pratiques et des savoirs autochtones dans le quotidien des Européens répond à un souci d’adaptation au pays d’accueil, comme à une nécessité de survie. Les retombées de ce syncrétisme culturel sont multiples, puisque les Français ont importé des pratiques et des savoirs autochtones dans leur quotidien colonial, de même qu’un certain modèle de liberté. Le syncrétisme des pratiques euro-autochtones connaît des répercussions bien au-delà de l’Atlantique, sur la langue et la culture françaises et sur la pensée occidentale. Les cultures, rappelons-le à la suite de Laurier Turgeon, ne sont pas des « entités fermées » (1996 : 21), mais évoluent au gré des interférences et des croisements.
Trente ans après la parution du collectif Transferts culturels et métissages : Amérique/Europe XVIe-XXe siècle coordonné par Laurier Turgeon, Denys Delâge et Réal Ouellet, le temps est venu de reprendre la réflexion à la lumière des plus récentes découvertes archivistiques et avancées de la recherche. Organisée dans le cadre des travaux de la Chaire de recherche sur les rapports franco-autochtones dans les Amériques parrainée par l’Université York, cette journée d’étude vise à interroger les modalités et les enjeux des rapports multiformes qui se tissent entre Français et Autochtones dans l’Amérique française, en mettant en lumière les circulations culturelles et les interrogations qu’elles ont engendrées.
Les communications pourront porter sur les thèmes suivants :
Syncrétismes religieux : réinterprétations autochtones du christianisme, adaptation des rituels catholiques aux usages du pays.
Influences linguistiques : mélange de codes, pidgins, interpénétrations du vocabulaire, appropriation des expressions autochtones par les Européens, francisation des natifs du pays.
Pratiques narratives et discursives : adaptation de récits européens, hybridations narratives et discursives, rituels des prises de parole.
Confluences artistiques et artisanales : adaptation des techniques artisanales, hybridité des artefacts, circulation des objets entre cultures, théâtralité et chorégraphie croisées.
Modèles de gouvernance et protocoles diplomatiques : gouvernance métisse, appropriation des usages et rituels diplomatiques.
Pratiques éducatives : écoles missionnaires, transmission des savoirs, adaptation des méthodes pédagogiques.
Identités hybrides : coureurs des bois, truchements, missionnaires nomades, expatriés autochtones.
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Les résumés d’intention, accompagnés d’une brève notice biobibliographique, devront être envoyés aux deux adresses suivantes : mpioffet@yorku.ca et
petermurvai@gmail.com avant le 30 novembre 2025. De 150 à 200 mots, ils peuvent être rédigés en français ou en anglais.
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Orientations bibliographiques :
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