
Quand le cinéma dialogue avec les autres arts
14 novembre 2025
Université Ibn Zohr, Agadir, Maroc
Ut picturas poesis, le mérite de l’expression latine du poète Horace est d’établir une égalité et une correspondance entre la poésie, art suprême à l’époque, et la peinture, art en voie de reconnaissance artistique ; plus largement, elle permet de jeter les ponts entre les différents arts. Depuis, le croisement des arts est une idée acquise en histoire et théorie de l’art ; les artistes n’ont de cesse de fructifier leurs œuvres en empruntant aux autres arts, ce qui crée une circulation des techniques et des motifs, une irrigation mutuelle qui enrichit les œuvres. Par conséquent, une inter-disciplinarité se crée qui ne peut que se répercuter sur le monde de la recherche universitaire, et profiter à l’analyse filmique de façon générale, sur le plan artistique, philosophique, sémiotique, technique...
Considéré comme un art total, le cinéma est aussi le lieu où se croisent les autres arts qui l’ont précédé ou suivi par la suite. Le cinéma ne cesse de changer de formes, de tisser des liens avec les autres modes d’expression comme l’architecture, la poésie, le théâtre, la bande dessinée, la danse … En brassant ces différents arts, le cinéma continue de jouer sur ses propres particularités (image (tout ce qui est visuel), son (la gamme riche du sonore) et montage (l’art de raconter autrement) pour promouvoir, mettre en avant ce que Wim Wenders appelle l’«emotion picture», autrement dit le cinéma fondé sur l’émotion et sur l’intelligence du ressenti du public.
Ainsi, les intervenants pourront réfléchir à la question cruciale du décor au cinéma ou à celle de la construction de l’espace de façon générale : formes de décors, leur dramatisation, leur figuration, les modes de représentation (réaliste, stylisée, déconstructiviste…), espace architectural vs environnement naturel …
Le but de ce colloque est de s’interroger sur les spécificités de la représentation filmique, complexes et renouvellées à chaque fois que le cinéma croise la voie-la voix des autres arts, et se régénère en s’affirmant comme un art moderne (voir comme le cinéma d’animation a de plus en plus un succès grandissant, comment son langage (les couleurs, le trait du dessin, les techniques du montage en rapport avec la narration filmique …) n’a de cesse de nous surprendre ; ne parle t-on pas du documentaire animé, un genre nouveau à la conquête de son public ?
Il s’agit d’éclairer les indissociabilités et les synergies entre le cinéma et les autres arts : musique et cinéma, photographie et cinéma, théâtre et cinéma, peinture et cinéma, etc. Sont-ils dépendants ou interdépendants ? Identiques ou différents ? Fusionnels ou incompatibles ? du point de vue de la recherche universitaire, que pouvons-nous tirer du croisement du cinéma et des autres arts : des concepts, des approches, des façons différentes de construire des œuvres à l’affût du public …
Le présent colloque tente de soulever la question du croisement du cinéma et des autres arts, en privilégiant le cinéma comme un art accueillant, un art global qui se renouvelle esthétiquement de la rencontre avec les autres arts. On peut commencer par proposer des pistes de recherches à titre indicatif, sans exclure toutefois d’autres axes de réflexion :
AXES DE RECHERCHE, NON EXHAUSTIFS :
A1 : la question de l’intention du cinéaste en dialoguant avec un art précisément ? Quelles significations le film essaie de proposer ? Quelle poétique en découle du croisement du cinéma avec tel ou tel art ? Comment le film, en tant qu’objet artistique de la connaissance sensible, s’en trouve enrichi, modifié ou intensifié, au niveau esthétique ? on citera comme exemple les films de Peter Greenaway, de Roy Anderson ou de Martin Scorcese où les plans sont de véritables tableaux de peinture….
A2 : montrer comment un tableau est incorporé dans le film, dans sa façon de filmer, comment les motifs de l’un et de l’autre se croisent, dialoguent, se « problématisent », tant aux niveaux de la prise de vue que du montage… Il serait intéressant de s’interroger sur les fonctions de la peinture au cinéma, sa place et sa signification dans le film ; rappelons que dans Vertigo d’Alfred Hitchcock, il est question d’un tableau de peinture qui dialogue avec l’ensemble de l’intrigue...
A3 : est-ce que certains arts seraient superposables, comme le cinéma et la peinture, dans une large philosophie de l’image ? alors que d’autres seraient incompatibles comme le cinéma et la poésie, par exemple ? qu’est ce qui intéresse un cinéaste en se saisissant d’un autre art : pourquoi Wenders filme-t-il l’art de la danse d’une Pina Bauch (Pina) ? Pourquoi Fatih Akin réalise-t-il un documentaire sur la musique turque dans Across the Bidge,) ? Bref, quelles sont les répercussions esthétiques et narratives lorsqu’un film s’empare d’un autre art que le cinéma ?
A4 : comment opère la peinture figurative et narrative au cinéma ? Comment opèrerait l’abstrait et le non figuratif au cinéma ? Quels seraient les impacts de l’expressionnisme le plus abstrait sur le cinéma ?
A5 : interroger la place de la musique, de la peinture dans l’énonciation filmique : quels types de peinture ou de musique choisit un cinéaste ? et en quoi cela impacte son film ; par exemple : Burn Out de N. Lakhmari convoque fortement la peinture de Abbès Saladi, alors que Ghost Dog de Jarmusch est traversé, de long en large, par la musique du rap américain…
A6 : Est-ce que tel ou tel type de musique correspond à un genre de films, par exemple dans le western américain ou italien : entre autres, les intervenants réfléchiront sur le rôle déterminant de la musique de Ennio Morricone dans sa collaboration fructueuse avec Sergio Leone, ou plus largement sur celle de Nino Rota - Fellini…
A7 : comment s’inscrit un rythme musical, pictural ou architectural dans le domaine filmique ; par exemple dans Désert de Michaelangelo Antonioni où la fin du film convoque musique (Pink Floyd) et peinture; ou Bow Up du même réalisateur italien et sa référence judicieuse à la photographie … Mais inversement comment les autres arts peuvent s’inspirer du langage cinématographique ; ex : la photographie et la peinture ont su se développer en empruntant des techniques cinématographiques comme le montage, le cadrage ou les jeux de lumière… La photographie mise en scène ne se fait-t-elle pas comme on procèderait sur un plateau de cinéma (maquillage, jeu de lumière, pose du sujet devant la caméra…) ?
A8 : Comment le cinéma japonais exploite les modes d’expression du théâtre japonais dans ses films : jeu de l’acteur chez A. Kurosawa, les décors et costumes chez Mizugoshi, les décors intérieurs et la lumière feutrée chez Ozu …
A9 : que penser des cinéastes peintres, photographes ou musiciens : Wenders, Jarmusch, Antonioni, Hitchcock, Chaplin, Kamal Kamal, Bensaïdi, Belabbès … David Lynch ou Peter Greenaway… comment Godard discute avec la peinture, la littérature (adaptation du Mépris de Moravia) ou les affiches de films ; son travail original sur la citation ou la référence littéraire et cinématographique… Le cinéma de Godard et son travail d’auto-réflexivité est important à souligner… on dira la même chose de Greenaway qui ne cesse de discuter avec le théâtre, l’architecture ou la peinture…
A10 : cinéma et danse : en quoi la danse peut-elle influencer la mise en scène d’un film ? Quelle est la relation entre la danse et la diégèse : quel type de récit, de personnages, de décors le film propose-t-il ? Quels rapports s’établissent entre danse et mouvements de la caméra ?… et qu’en est-il des comédies musicales dans le monde arabe (cinéma égyptien surtout ; Transe de Ahmed Maanouni) ou autre qui ont marqué l’imaginaire du public ?
A11 : Architecture : les grands cinéastes n’ont cessé de construire le récit de leurs films en se référant à l’architecture d’un bâtiment ou de la ville : S. Ray (La Grande ville), Eisenstein (Le pré de Béjine ; Ivan le Terrible), J. Tati (Mon oncle), les films avec B. Keaton, ceux de M. Antonioni… L’architecture, comme le théâtre, multiplie les formes de décors, leur couleur, leur graphique, afin de servir le rythme du film et sa dramaturgie … à ce propos, on pourrait se demander comment le cinéma muet et expressionniste investit les formes et les figures architecturales dans le domaine filmique ?
MODALITÉS DE SOUMISSION :
Les propositions de communication devront comprendre :
- Les coordonnées du chercheur (statut professionnel, établissement, adresse électronique et numéro de téléphone),
- Le titre de la communication,
- Un résumé de 300 mots environ,
- Une notice bibliographique.
Les résumés sont à envoyer par courriel à l’adresse : tabdelaadim@gmail.com
(au format Word, style Times New Roman, 12 points, marge 2,5, interligne 1).
CALENDRIER INDICATIF :
04 juillet 2025
Lancement officiel de l’appel à communication
30 octobre 2025
Date limite de réception des propositions de contribution
03 novembre 2025
Notification des avis du comité scientifique aux auteurs.
14 novembre 2025
Organisation du colloque
CONTACT : tabdelaadim@gmail.com ou bien larslam.publication@gmail.com
COMITÉ DE COORDINATION :
Abdelkerim Oubellella (Univ Ibn Zohr)
Abdelaadim Tahiri (Univ Cadi Ayyad)
Rochdi El Manira (Univ Ibn Zohr)
Adil Elmadhi (Univ Ibn Zohr)
COMITÉ SCIENTIFIQUE
Hammadi Gueroum (Univ Hassan II)
Sanae Ghouati (Univ Ibn Tofail)
Fouad Souiba (Univ Med V)
Youssef Ait Hammou(Univ Cadi Ayyad)
Ayoub Bouhouhou(Univ Cadi Ayyad)
Abdelaziz Amraoui(Univ Cadi Ayyad)
Hamid Alaidouni ( Univ Abdelmalek Saadi)
Adil El Madhi (Univ Ibn Zor)
Abdel kerim Oubella (Univ Ibn Zor)
Hamid Tbatou (Univ Ibn Zohr)
Rochdi Elmanira (Univ Ibn Zohr)
Leila Cherradi (Univ Sorbonne III)
Abdelaadim Tahiri ( Univ Cadi Ayyad)
Rachid Naim( Univ Cadi Ayyad)
Abdellah Sardaoui (Univ Hassan II)
Jamila Annab (Univ Med V)
COMITÉ D’ORGANISATION
Rochdi Elmanira (Univ Ibn Zohr)
Hammadi Gueroum (Univ Hassan II)
Sanae Ghouati (Univ Ibn Tofail)
Fouad Souiba (Univ Med V)
Leila Cherradi (Univ Sorbonne III)
Abdelaadim Tahiri ( Univ Cadi Ayyad)
Rachid Naim( Univ Cadi Ayyad)
Abdellah Sardaoui (Univ Hassan II)
Jamila Annab (Univ Med V))
Adil El Madhi (Univ Ibn Zor)
Abdel kerim Oubella (Univ Ibn Zor)
Doctorants.es LARSLAM
BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE :
André, Emmanuelle, Esthétique du motif, cinéma musique peinture, Paris, Presses Universitaires de Vincennes, 2018.
Aumont, Jacques, L’œil interminable. Cinéma et peinture, éd. Séguier, 1989.
Bazin, André, « Théâtre et cinéma », Qu’est-ce que le cinéma ?, Paris, éditions Cerf, 1987.
Bellour, Raymond et Marin, Louis, Cinéma et peinture. Approches, Paris, P.U.F, 1990.
Alain Bonfand, Le Cinéma saturé. Essai sur les relations de la peinture et des images en mouvement, Paris, PUF « Epiméthée », 2007.
Bonitzer, Pascal, Décadrages : peinture et cinéma, Paris, Cahiers du cinéma/éds de l’Etoile, 1985.
Bouquet, Stéphane (ss. dir.), Danse/cinéma, éditions Capricci, 2012.
Chion, Michel, La musique au cinéma, Paris, Fayard, 2019.
CinémAction N°75 – Architecture, décor et cinéma, Charles Corlet éds. 1995.
Courous, Didier et Louguet, Patrick, « Cinéma et danse », sensibles entrelacs, L’Harmattan, 2013.
Eisenstein, Serguei M., Peinture et cinéma, Bruxelles, éditions Complexe, 1980.
Ishaghpour, Youssef, Opéra, théâtre dans le cinéma d’aujourd’hui, La Différence, 1995.
Mottet, Jean, L’invention de la scène américaine, Paris, L’Harmattan, 1998.
Mouellec, Gilles, Jazz et cinéma, Cahiers du cinéma, 2000.
Moure, José et al., Musiques de films, nouveaux enjeux, Impressions Nouvelles, 2014.
Simond, Clotilde, Cinéma et architecture, la relève de l’art, Aléas, 2009.
Dominique Sipière, Alain J-J.Cohen (dir.), Les autres arts dans l’art du cinéma, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2007.
Théorème N° 10 – « Villes cinématographiques », Ciné lieux, Presses Sorbonne Nouvelle, 2007.
Théorème N° 26 – « Ville et cinéma » espaces de projection, espaces urbains, Presses Sorbonne Nouvelle, 2016.
Patricia-Laure Thivat, « Peinture et cinéma. Picturalité de l’image filmée de la toile à l’écran », Ligeia, n°77-80, 2007.
Luc Vancheri, Cinéma et peinture, Paris, Armand Colin « Cinéma », 2007.