
Comme tout Bruxellois qui se respecte, j'ai en tête quelques expressions en syldave ou en arumbaya : Frêtmo, le stoumpô, czestot on clebcz et bien sûr l'inénarrable Eih bennek, Eih blavek ! Mais que se cache-t-il derrière ces expressions ?
Le lecteur francophone moyen sait peut-être qu'Hergé utilisait ses connaissances dialectales bruxelloises, acquises oralement via sa grand-mère maternelle qui habitait les Marolles. Les comprend-il pour autant ? Le premier travail de fond est celui de Frédéric Soumois dans "Dossier Tintin" (épuisé). L'auteur ne connaît cependant pas suffisamment le flamand de Bruxelles, et ne peut donc développer suffisamment les multiples sources historico-linguistiques de la création hergéenne. Syldave, bordure, bibaro et arumbaya furent allaités aux mamelles de notre riche dialecte brabançon (ma langue maternelle), mais il faut croire que la nourrice avait alterné gueuze, faro, kriek et lambik pour accoucher de wulle gaminne (petites sauvageonnes) aussi différentes les unes des autres !
Les noms de personnages constituent le b.a.-ba de l’exégèse bruxelloise de l’oeuvre d’Hergé, mais une analyse fine peut révéler une richesse insoupçonnée. La topographie est cohérente : ainsi, la capitale de la Syldavie est Klow, à prononcer klouf (fêlé), et répond à Shohôd (au fou), capitale de la Bordurie. Les dialogues s’échelonnent de la transposition simple, tels Wadesmadana (c’est quoi ce bazar ?) à un véritable travail de paléographie lorsqu’il s’agit de comprendre l’arumbaya ou le vieux syldave de la brochure que Tintin lit dans l'avion.
De nombreux termes trouvent dans cet ouvrage une explication inédite : Dimitrieff Solowstensxopztski (Dimitrieff, fils de wallon têtu) ; Kragoniedin (je ne parviens pas à avaler cela). Les travaux préparatoires de Hergé m'ont éclairé sur son processus de création linguistique. Tous les dialogues et les deux versions du cartouche de la miniature du XIVe siècle sont intégralement traduits et justifiés mot à mot, et ce pour la première fois.
Sommaire
Chap. 1 : Tintin, un Brusseleir déguisé
Chap. 2 : Les parlers bruxellois
Chap. 3 : Les noms propres
Chap. 4 : Les techniques de décryptage
Chap. 5 : les langues bibaro et arumbaya
Chap. 6 : Les langues syldave et bordure
Chap. 7 : La notion d'exégèse et ses limites.