Essai
Nouvelle parution
Jules Michelet Mambi Magnack, L'impératif romanesque de Henri Djombo. Jalons pour une poét(h)ique du développement

Jules Michelet Mambi Magnack, L'impératif romanesque de Henri Djombo. Jalons pour une poét(h)ique du développement

Publié le par Faculté des lettres - Université de Lausanne (Source : Jules Mambi)

 L’ouvrage fait une étude complète de l’ensemble de la production romanesque de Henri Djombo, du premier roman Sur La Braise publié en 1999/2000 à Gahi ou L’affaire autochtone en 2022.  

Homme politique, Ambassadeur du Congo dans plusieurs pays européens, et membre du gouvernement congolais pendant de longues années, Djombo est inlassablement engagé dans des combats sur plusieurs fronts : bonne gouvernance, néocolonialisme, dictatures, problématiques écologiques liées la préservation de la biodiversité et le développement durable de son pays… Sa liberté de ton dans les grands débats relatifs aux tares qui minent la société congolaise, quand on sait la réticence des hauts commis d’Etat en Afrique à prendre certaines positions ou à exprimer ouvertement des avis controversés sur certaines questions jugées sensibles, constitue l’un des motifs qui nous a amené à nous intéresser à son œuvre romanesque.

Ce volume propose une analyse de l’évolution de l’écriture de l’auteur tant au plan thématique qu’esthétique. Toute écriture étant porteuse d’une idéologie, l’étude s’emploie, à travers l’interprétation d’indices puisés du texte, à déterminer les postures idéologiques de l’auteur. Nous démontrons que celui-ci met en œuvre une écriture protéiforme qui se tisse entre fiction et réalité sociale. Le procédé de naturalisation romanesque est alors privilégié, relevant ainsi le sentiment nationaliste qui anime l’auteur. Au sens où l’entend Séwanou Dabla, la naturalisation romanesque, qui procède par « l’intertextualité étendue », est à percevoir comme un phénomène d’écriture qui permet de délaisser la simple citation des mots ou de phrases et d’opérer une reprise romanesque du contexte, en l’occurrence historique, à partir de laquelle, univers romanesque et univers social peuvent être rapprochés.  Il s’agit en fait d’une modalité narrative qui renvoie plus globalement à l’arrière-plan social, au contexte historique, avec toutes ses déterminations socio-politiques et culturelles. 

Le volume est constitué de deux grandes parties de deux chapitres chacune. Dans la première partie intitulée « Prose romanesque djomboenne et mise en scène de la réalité postcoloniale », nous retraçons la connivence qui existe entre les univers romanesques et la société de référence de l’auteur. 

Tout d’abord, dans le chapitre 1, nous montrons qu’à travers la construction des titres de ses romans, Henri Djombo préfigure directement ou indirectement les contenus de ceux-ci. Ensuite, dans le deuxième chapitre, « Univers romanesques et radioscopie postcoloniale », nous démontrons que la prose romanesque de Henri Djombo s’inscrit globalement dans la mise en scène de la postcolonie, que Mbembe (2000 : 38) définit comme « cette immense caverne ténébreuse où viendraient se brouiller tous les repères et toutes les distinctions, et se dévoileraient les failles d’une histoire humaine tragique et malheureuse : pêlemêle de demi-création et d’inachèvement, étranges signes, mouvements convulsifs, bref, abîme illimité au creux duquel tout ce qui se fait sous la forme du fracas, de la béance et du chaos primordial ».

Nous dressons la cartographie et la radioscopie des sociétés des différents romans de Djombo, zombifiées et chaotiques, prisonnières des avatars de leur passé marqué non seulement par la domination impérialiste, mais aussi par des attitudes rétrogrades des personnages qui se meuvent dans ces univers.

La deuxième partie que nous intitulons « Dispositif esthétique et idéologique de Henri Djombo » nous offre l’occasion d’analyser les traits esthétiques de l’écriture et de dégager les idéologies que revêtent les choix opérés par l’auteur au triple plan historique, sociopolitique, et humain.

Dans le chapitre 1, « Une écriture protéiforme et transgressive », l’on s’attèle à analyser non seulement les stratégies narratives ambivalentes de Djombo, mais aussi les modes de construction de ses personnages. Nous suivons les itinéraires des personnages, les objectifs qu’ils visent et les implications de toutes ces modalités. Nous nous intéressons également à l’onomastique, notamment aux modes de construction des toponymes et des anthroponymes. Enfin, nous étudions le discours romanesque djomboen qui fédère discours romanesque et social en l’occurrence les métadiscours économique et politique. La prose romanesque djomboenne prend assez souvent la forme d’exposés de sciences de gestion, de planification économique, d’appel au patriotisme et au réarmement moral. Nous notons que les différentes formes d’écriture du romancier congolais sont révélatrices d’un renouveau dans l’écriture romanesque africaine. Enfin, dans le deuxième chapitre « Enjeux idéologiques de la prose romanesque de Henri Djombo », nous recherchons les implications de l’écriture de Djombo. En effet, Il y dénonce le passé colonial traumatique de l’Afrique, mais aussi la pourriture politique, la « pourritique » qui, selon lui, est à l’origine de la stagnation de l’Afrique. Il milite alors pour un Congo et une Afrique plus vivables et moins inhumains, un continent où le bien-être du citoyen est mis en avant de toute action politique. C’est certainement cette posture idéologique qui le pousse, dans Lumière des temps perdus, à mettre en place une vision positive l’Afrique, une Afrique qui change positivement, rompant ainsi avec la vision pessimiste relayée par les romanciers africains.