
WILLIAM CARLOS WILLIAMS
Figure majeure de la poésie contemporaine, William Carlos Williams est né en 1883 à Rutherford, une bourgade du New Jersey proche de la ville de Paterson et de New York. Il s’est attaché tout au long de son œuvre à inventer une forme de poésie entièrement nouvelle, apte à rendre compte de la spécificité de l’expérience américaine et attentive à la vie des gens ordinaires. Son père et sa mère avaient été élevés dans les Caraïbes, respectivement en République dominicaine et à Porto Rico. Ils parlaient espagnol entre eux, si bien que cette langue fut la première dans laquelle baigna le jeune Williams dont la vie resta marquée par un soubassement culturel pluriel. Pédiatre et médecin généraliste à Rutherford où il exerça de 1910 à 1951, Williams écrivait parfois ses poèmes sur des feuilles d’ordonnance, entre deux visites à ses patients. Mais le point essentiel est que son métier lui permettait d’observer les conditions d’existence concrètes de ses semblables, nourrissant son projet poétique tout en aiguisant sa conscience sociale et politique. Sa poésie trouvait pour une large part son impulsion première dans les circonstances locales. « J’étais déterminé à utiliser le matériel que je connaissais », disait-il, revendiquant ainsi une poétique américaine du documentaire. Marqué à ses débuts par l’imagisme et proche d’Ezra Pound, Williams participa au seuil des années trente à l’émergence de l’objectivisme. À partir de 1944, il travailla à Paterson, son maître-livre publié de 1946 à 1958 et dont on a pu dire qu’il s’agissait d’un « art poétique pour l’Amérique contemporaine ». En dépit de l’importance de ses innovations dans l’idiome américain et de ses expérimentations formelles, William Carlos Williams ne bénéficia que d’une reconnaissance assez tardive. Le prix Pulitzer de poésie lui fut décerné en mai 1963, deux mois après sa mort, pour son recueil Tableaux d’après Breughel publié l’année précédente. À l’automne de sa vie, il était cependant devenu une référence majeure pour la Beat Generation, mais aussi pour l’École de New York, la Renaissance de San Francisco et pour les poètes du Black Mountain College.
YVES DI MANNO
Dans le même numéro, un cahier est consacré à Yves di Manno. Poète et traducteur d’Ezra Pound, William Carlos Williams, George Oppen et Jerome Rothenberg, Yves di Manno a toujours prêté une attention passionnée aux formes multiples de la vitalité poétique d’hier et d’aujourd’hui. Ses écrits critiques et son activité d’éditeur en témoignent également. Son œuvre riche de reliefs subtils est celle d’un poète inquiet mais ouvert à toutes les propositions formelles, d’un voyageur perplexe traversant le jour en en sondant la fine doublure de rêves et de légendes nocturnes.
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