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Ce que Berlioz entendait. Sonorités et pratiques orchestrales à la charnière des XVIIIe et XIXe siècles (Lyon et Saint-Etienne, 2026)

Ce que Berlioz entendait. Sonorités et pratiques orchestrales à la charnière des XVIIIe et XIXe siècles (Lyon et Saint-Etienne, 2026)

Publié le par Faculté des lettres - Université de Lausanne (Source : Matthieu Cailliez)

Appel à communications

Ce que Berlioz entendait
Sonorités et pratiques orchestrales à la charnière des XVIIIe et XIXe siècles

Colloque international – 19-21 mars 2026 – Lyon et Saint-Étienne

Nous proposons d’entrer dans l’univers auditif du XIXe siècle à travers une oreille particulièrement aguerrie : celle du compositeur, critique et chef d’orchestre Hector Berlioz (1803- 1869). Ce choix présente de nombreux intérêts : il offre une matière riche et bien documentée et tire profit d’une personnalité très attentive aux transformations du siècle et aux bouleversements dans la façon d’écouter (auxquels le compositeur participe). Il nécessite toutefois certaines précautions, car la perception qu’a Berlioz des phénomènes sonores est certainement très particulière : expérimentateur chevronné et « inventeur de l’orchestre moderne », il fait preuve d’une sensibilité extrême à cette organisation sonore complexe que l’on appelle l’orchestre, et à ses évolutions. Au gré de ses multiples activités parisiennes et de ses voyages en Italie, en Allemagne, en Angleterre ou en Russie, Berlioz a l’occasion d’entendre des orchestres dans des contextes très variés et des répertoires parfois bien antérieurs à sa naissance. La manière dont les orchestres sonnent de son vivant résulte de pratiques orchestrales dont l’évolution se poursuit depuis le milieu du XVIIIe siècle.

Le colloque envisage l’étude de l’orchestre comme manifestation d’un phénomène sonore, réunion d’instruments et d’instrumentistes, ensemble de musiciens jouant seul ou accompagnant un spectacle, à partir des occasions qu’a eues Berlioz d’entendre des orchestres tout au long de sa vie à la symphonie comme à l’opéra et à l’église. Cette vision large de l’orchestre, comme entité peu définie (au départ), permet de passer au-delà des considérations génériques et d’éviter les préconçus – souvent anachroniques – sur ce qu’est un orchestre, et sur la manière dont il devrait sonner.

Au-delà du quotidien de Berlioz dans lequel se déploie tout d’abord l’exploration, on souhaite étudier les pratiques et modalités d’exécution musicale dans tous les contextes où un orchestre est sollicité pour des représentations publiques : outre le quoi, quand et où, il s’agit d’éclairer, pour chaque exécution d’œuvre entendue par Berlioz, le comment . À ce titre, le regard des spécialistes du répertoire et de l’orchestre du dernier tiers du XVIIIe siècle est extrêmement précieux : on ne peut pas comprendre l’évolution dans les interprétations des œuvres de Gluck, Piccinni, Grétry, Salieri, Méhul… si l’on ne questionne pas comment leur musique sonnait au moment des premières exécutions. Qu’est-ce que Berlioz a réellement entendu lors de la représentation des Danaïdes de Salieri le 9 novembre 1821 à Paris, et dans quelle mesure cette œuvre ne sonnait-elle déjà plus comme en 1784 ? Il faudra aussi interroger naturellement la musique des compositeurs qu’il cite le plus souvent, comme Beethoven, mais aussi Spontini, Rossini, Weber, Meyerbeer… Par exemple, qu’est-ce que Berlioz a entendu à Francfort où il a assisté à une représentation de Fidelio en décembre 1842 ? Comment sonnait la Symphonie italienne de Mendelssohn le 13 mars 1848 à l’Exeter Hall de Londres ? Autant d’interrogations propices à de nombreux travaux dans les domaines de l’acoustique et de l’organologie historique.

Enfin, l’exploration ne se limite pas aux faits objectivement documentables : elle s’étend aussi aux perceptions. L’enquête nous emmène dans la tête de Berlioz : grâce à ses nombreux écrits mais aussi aux traces laissées par ses activités de compositeur , il est possible de se demander, de façon assez précise, non seulement ce qu’il a entendu, mais encore comment il l’a perçu. Cette démarche est exploitable à plus large échelle, dans tous les écrits et mémoires des auditeurs du temps.

Finalement, il s’agit de former le point de départ d’un réseau d’étude de l’évolution du son de l’orchestre, qui d’une part montrera les mécanismes de rétroaction constants entre ce que le compositeur entend et ce qu’il compose, et d’autre part dressera une cartographie des pratiques orchestrales en Europe à l’époque où le son devient peu à peu un paramètre capital du processus de création et de réception.

Les propositions de communication pourront s’inscrire dans les pistes suivantes (possibilité de croiser plusieurs pistes, liste non exhaustive) :

Travaux précis sur la manière dont Berlioz a fait sonner les orchestres comme chef (pour ses œuvres et celles d’autres compositeurs), et sur les éventuelles répercussions de cette activité sur ses propres compositions orchestrales. Travaux précis sur les conditions d’exécution pour toute œuvre entendue par Berlioz au cours de son existence faisant intervenir un orchestre. Dans le sillage des travaux réalisés en pratiques historiquement informées, les matériels d’orchestre, traités et écrits seront étudiés afin d’en savoir davantage sur les modalités d’exécution. Les effectifs, dispositions et usages seront tout particulièrement observés.   Travaux précis sur l’histoire des pratiques d’ensemble au sein d’une institution donnée, prenant en compte les questions de lieu, d’effectifs, mais aussi de disposition et de direction… Au-delà des orchestres symphoniques constitués ou des nombreux orchestres rattachés à un théâtre, l’introduction progressive de nouveaux instruments dans l’offre pédagogique du Conservatoire de Paris et d’autres conservatoires français ou européens, en plein essor du vivant de Berlioz, pourra également être interrogée. Travaux précis sur un corpus ou un compositeur particulièrement relu entre les XVIIIe et XIXe siècles (prenant en compte les questions d’effectifs, de disposition, de direction…). Travaux plus généraux sur la constitution puis la standardisation progressive du son de l’orchestre : comment l’orchestre trouve-t-il progressivement une nouvelle définition, au travers de l’évolution des pupitres qui le composent et de leurs fonctionnalités ? Comment les textes (traités d’orchestration, correspondances, encyclopédies, critiques) et les sources musicales conservées sont-ils témoins de cette évolution ? Comment cette évolution s’articule-t-elle dans l’espace européen ? Peut-on par exemple mettre en évidence la constitution d’un son orchestral spécifiquement français, de Rameau à Berlioz, parallèlement au développement de l’orchestre dans le monde germanique initié par l’École de Mannheim et le classicisme viennois ? Travaux plus généraux sur le répertoire : observer comment émergent les grands genres orchestraux en lien avec le développement des orchestres qui les portent. À côté de la symphonie et des formes concertantes, la musique sacrée, l’opéra et les genres incluant d’autres formes d’art comme la danse seront également examinés, de même que la réception qui leur est offerte. L’orchestre représente également une matière sonore que les compositeurs se mettent bientôt à sculpter. Les récits plus ou moins techniques peuvent-ils nous guider sur l’écoute que les auditeurs, compositeurs et interprètes contemporains prêtent à l’orchestre et la réception qu’ils en font ? Quels enjeux s’articulent autour de ces sonorités ? Réflexions sur la notion de timbre et sur ses liens avec l’évolution de la facture instrumentale (possibilité de prendre des cas concrets très précis, tels que l’élargissement progressif de la famille des percussions ou les multiples instruments à vent développés par Adolphe Sax) : comment la facture instrumentale en plein essor entre-t-elle en dialogue avec la construction de l’orchestre ? La plupart des nouveaux instruments à l’époque de Berlioz font leur apparition dans les ouvrages lyriques, avant d’être introduits, parfois avec plusieurs décennies de retard, dans le répertoire symphonique. Ce décalage mériterait une étude à part entière. Élargissement des corpus : les supports que représentent le conducteur et les réductions pour clavier et réalisations de piano-chant se construisent au fur et à mesure du XVIIIe siècle, sans pour autant faire l’objet à ce jour d’études importantes. Il s’agit de se demander comment se mettent en place ces objets, comment ils se transforment et comment ils sont les témoins d’une évolution de l’orchestre lui-même. 

Le colloque vise à rassembler des méthodologies larges, que ce soit l’analyse de partition, l’étude du vocabulaire, l’histoire de l’édition, le travail sur la réception ou encore l’observation des correspondances. De nombreux domaines peuvent nourrir les réflexions (par exemple la littérature, l’histoire de l’écoute, l’histoire sociale des pratiques de spectacle…).

Les propositions (entre 500 et 1500 mots), accompagnées d’une brève notice biobibliographique de l’auteur, devront être envoyées avant le 12 mai 2025 conjointement à : celine.carenco@univ-lyon2.fr julien.garde@univ-tlse2.fr matthieu.cailliez@univ-st-etienne.fr