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Nourrir, se nourrir à travers l'Histoire (Monastir, Tunisie)

Nourrir, se nourrir à travers l'Histoire (Monastir, Tunisie)

Université de Manouba

Laboratoire de recherches : Etudes Maghrébines, Francophones, Comparées et Médiation culturelle

Colloque International

 Les 9 -10 et 11 Mai 2025, à la Maison de la Culture de Lamta

Nourrir, se nourrir à travers l’Histoire

                                 « Que l’agneau de notre Aïd chancelle / Sous le poids de nos poivre et sel. » — Salah Garmadi

 « Dans l’histoire de l’alimentation…mille années n’apportent guère de changement. » A. Maurizio

 La longue histoire des goûts, des traditions, des rituels, des découvertes, des manières de se nourrir a été traitée par  l’anthropologie, l’ethnologie,  la sociologie, la  géographie, la littérature, la linguistique…L’alimentation n’est plus un sujet anecdotique .Manger, cet acte qui pourrait sembler anodin , banal constitue désormais une pratique culturelle, patrimoniale dont la compréhension est un  seuil idéal pour saisir l’organisation , l’évolution et les métamorphoses d’une communauté .Les pratiques alimentaires jouent le rôle de marqueurs identitaires et occupent une place centrale dans le processus de différenciation sociale. Fernand Braudel a depuis les années 1970 dépassé l’Histoire vue d’en haut, en introduisant un autre cadre et un autre esprit qui ont animé les Annales (Revue fondée par Marc Bloch et Lucien Febre). Il avait posé les bases scientifiques d’une étude historique de l’alimentation : « le secteur de l’histoire alimentaire est l’un quelconque des domaines de la recherche et de l’interprétation historiques. Et il est justifiable (  ) des mêmes hypothèses , des mêmes interprétations, des mêmes présentations que les plus classiques et les plus prospectés de nos habituels domaines. » J.L. Flandrin et M. Montanari ont proposé un autre angle pour prolonger l’apport de la socio-anthropologie. Dans leur ouvrage consacré à l’Histoire de l’alimentation (1996, p.14), ils ont affirmé « la centralité de leur objet de recherches, sa position stratégique dans le système de vie et de valeurs des diverses sociétés, la possibilité, donc, de partir de ce lieu central, d’embrasser d’un coup d’œil toutes les variables possibles. »

L’alimentation nous apprend autant sur l’homme que les faits historiques. Au fil des siècles, les cueilleurs, pêcheurs, paysans, nomades, voyageurs, géographes, médecins, chercheurs ont arraché de nombreux secrets à la nature. Cela a donné combien de cultures ! Aux temps préhistoriques, l’aspect carné de la nourriture a été vérifié par des spécialistes grâce aux nouvelles technologies et aux études des restes fossiles. On constituait déjà des provisions hivernales à partir de chair salée ou fumée.  L’élevage puis l’agriculture vont marquer les temps néolithiques. On passe d’un mode de vie fondé sur la chair, la pêche et la cueillette à un mode de vie structuré autour de   l’élevage et de l’agriculture. Les céréales (blé, orge, froment) vont constituer la base alimentaire des sociétés depuis l’Antiquité jusqu’à des époques avancées de l’ère contemporaine. Hippocrate met en valeur les efforts de l’homme : « C’est par sélections successives qu’(il) a appris à cribler, à monder, à macérer, à faire cuire, bouillir, rôtir, a composé des mélanges et tempéré par des substances plus faibles ce qui était fort et intempéré, se réglant en toutes choses sur la nature et sur ses forces. »

Comprendre les racines, la genèse, les fondements, les méthodes de notre alimentation justifient la légitimité scientifique du premier colloque international sur le goût et l’implication de la Faculté des Lettres, des arts et des humanités de Manouba dans la fondation de l’Ecole du Goût et du festival des produits du terroir, en collaboration avec l’Association de Sauvegarde de la ville de Lamta. Les colloques organisés depuis une dizaine d’années : L’eau et le sel (2013), Tout sucre tout miel (2014), Blé, orge …et dérivés (2017), Le doux et l’amer (2019), Nourritures, chansons et boissons (2018), Fruits de mer, fruits de terre (2022), Les mots à la bouche (2023), Manger bien manger (2024) … confirment le développement significatif et la valorisation du Patrimoine matériel et immatériel méditerranéen. A Carthage comme à Rome, la nourriture était un pont, un port, un grenier, un comptoir, un champ ouvert, un grenier à convoiter, des semences à emprunter et à prêter, des sources à préserver, des secrets à transmettre…L’échange continu est la règle : tout bouge et dans le mouvement tout voyage : les saveurs, les couleurs, les plantes, les techniques, les costumes et les bijoux et même les recettes de cuisine.

Nous souhaitons établir une permanence historique à travers les âges, tout en soulignant les progrès réalisés et les pertes regrettables des usages anciens. Cela ne concerne pas uniquement les particularités locales et régionales, mais touche les richesses culinaires qui évoluent au cours des siècles. Ce ne sont pas les nourritures nostalgiques provenant de lecteurs d’un passé mythifié conduisant à des interprétations folkloriques, mais des approches interdisciplinaires, critiques du plaisir de table qui est de toutes les civilisations, de toutes les conditions, de toutes les rives et de tous les pays.

Que mangeaient nos ancêtres les Berbères ?  Que cachaient les fonds de cuisine carthaginois ? Avait-on mangé autant avec le nez qu’avec la bouche ? Quels étaient les usages alimentaires d’un pot de terre ? Comment donnait-il du goût aux aliments ? La hiérarchie des aliments et leur évolution dans le temps avaient-elles introduit la différence et préparé le partage ? Le caviar en Europe était une nourriture médiocre au Moyen Age et servait seulement à nourrir les volailles. Le garum romain n’a plus cours depuis longtemps. Le plus délicieux se faisait à partir du scomber dans les rivages de Carthage. La Bsissa , c’était la polenta ou l’alphilon, le gruau d’orge des Grecs, le gofio des Guanches, le saouiq des Arabes. Pour Ernest-Gustave Gobert médecin et préhistorien, la Bsissa est une nourriture préhistorique dont l’ancienneté remonte au néolithique. La route du poivre et des épices a donné à la Méditerranée et à l’Orient un nom et une réputation, des siècles durant.  Les aliments entre eux s’opposent, s’ajoutent, se complètent.

Comment se nourrit-on dans les romans historiques ? Les linguistes travaillent-ils sur les traditions culinaires, les marques des terroirs, les traditions et le savoir-faire des plats relevés, le langage des coquillages et des crustacés ? Les historiens ont–ils enfin mis la nourriture à l’école de la vie ? Quel plaisir de changer notre filet, note Fernand Braudel, pour peut-être changer de pêche !

Les propositions de participation doivent être envoyées conjointement aux adresses mail suivantes avant le 20 avril 2025 : 

habib.salha@yahoo.fr  abenmahjouba@gmail.com

Comité d’organisation :

 Ibtihel Ben Ahmed, Ilhem Saida, Wafa Bsaies, Issam Maachaoui, Hanène Harrazi, Mhamed Sayadi.     

Comité scientifique :

 Habib Ben Salha (Université de Manouba), Abbès Ben Mahjouba (Université de Manouba), Jalel El Gharbi (Université de Manouba), Amor Ben Ali (Université de Manouba), Badreddine Ben Henda (Université de Tunis El Manar), Hamdi Hemaïdi (Université de Manouba), Adel El Khidr (Université de Manouba), Moncef Taieb (Université de Manouba), Khaled Abid ( Université de Manouba), Faicel Chérif (Université de Manouba ),Meriem Dhouib,(Université de Manouba) , Alfonso Campisi ( Université de Manouba) , Foued Laroussi ( Université de Rouen),Simona Modreanu (Université de Iaşi, Roumanie), Abdelouahed Mabrour (Université Chouaïb Doukkali, El Jadida), Amel Maafa (Université 8 mai 1945, Guelma, Algérie), Olivier Guerrier (Université ToulouseII-JeanJaurès,France), Patrick Voisin (Classes Préparatoires aux ENS Paris et Lyon, Pau), Nabil Grissa (Université de Manouba).

Informations :

- Le colloque aura lieu à Monastir les 9, 10 et 11 mai 2025.

- Une visite de la ville de Lamta, près de Monastir, est prévue dans le cadre de la foire des produits du terroir. 

- Les frais de participations sont de 100 euros. Ils incluent l’hébergement, la restauration, le transport entre Monastir et Lamta.

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Bibliographie succincte : 

J.L Flandrin, M. Montanari (Dir.), Histoire de l’alimentation, Fayard, 1996

Fernand Braudel, La Méditerranée et le monde méditerranéen, Armand Colin, 1949 ; Grammaire des civilisations, Flammarion, 1993

Dix-huitième siècle, Aliments et cuisine, numéro 15, 1983

Jean- Claude Golvin , Salles Catherine, Voyage chez les empereurs romains, Actes sud, 2006

Alfred Gottschalk, Histoire de l’alimentation et de la gastronomie depuis la Préhistoire jusqu’à nos jours, Editions Hippocrate, 1948

E.Jacob Heinrich, Histoire du pain depuis 6000 ans, Seuil ,1954

J.Tulard (  Dir.),  Jean Viaux, Peut-on écrire l’Histoire de la gastronomie ? Peut-on faire confiance aux historiens ? PUF, 2006

Paul Aries, Une histoire politique de l’alimentation : du paléolithique à nos jours, Max Milo, 2016

Sihem Debbabi  Missaoui, Le Manger et le boire dans le Patrimoine arabe, Editions Université de Manouba, 2008

Z.Ben Jemaa, La cuisine tunisienne. Patrimoine et authenticité, Simpact, 2010

Eric Birlouez, Que mangeaient nos ancêtres : de la Préhistoire à la première guerre mondiale, Ouest- France- Rennes, 2019

Marie-Claire Fredéric, Ni cru ni cuit : histoire et civilisation de l’aliment fermenté, Alma Editions, 2014

Pierre Ennès, Mabille Gérard, Philippe Thiébaut, Histoire de la table ; les arts de la table des origines à nos jours, Flammarion, 1988

Louis Albertin, Essai de la cuisine arabo-andalouse, L’Harmattan, 2017

Manger au Maghreb : du Moyen Age à nos jours, Horizons maghrébins, Presses universitaires du Midi, P 1, 2007 et P 2, 2009

Petite histoire de la viande : fabrique et représentation de l’antiquité à nos jours, Presses universitaires de Rennes, 2017

Dictionnaire des cultures alimentaires, PUF, 2018

Atlas de l’alimentation, CNRS Editions, 2018

Le désir et le goût : une autre histoire, Presses universitaires de Vincennes, 2003

Françoise Argod-Dutard, Patrick Voisin, Les Mille et un mots des mets et des vins. Histoire culturelle- Dictionnaire français et francophone, Féret, 2019.