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Figures et discours prophétiques (Doctorales Sorbonne Université)

Figures et discours prophétiques (Doctorales Sorbonne Université)

Publié le par Esther Demoulin (Source : Mélissa Thiriot)

Figures et discours prophétiques

Sorbonne Université - Doctorales de l'ED3 - 22 mars 2025

Amphithéâtre Milne Edwards

Appel à communications pour la journée d’étude sur le sujet « Figures et discours prophétiques », organisée par les doctorants de l’école doctorale III de Sorbonne Université et destinée aux doctorants et jeunes docteurs.


« Il faut convenir que c’est un méchant métier que celui de prophète » – Voltaire

L’activité prophétique renvoie à la fois à une fonction sociale, à un certain rapport au monde,  et à un type de discours singulier. Etymologiquement, le prophète est celui qui parle « avant », qui prédit, mais il est surtout celui qui parle « à la place de » la divinité qui l’a choisi pour être  son porte-parole auprès des hommes. Il joue donc un rôle essentiel d’interprète de la parole  divine, ou, plus largement, d’un ensemble de signes indéchiffrables pour le commun des 
mortels. Mais parce que « l’homme du message authentique est l’homme du message impopulaire » (Frye, 1984 : 187), le prophète se heurte à la méfiance, voire à l'hostilité de son 
auditoire.

Quant à la prophétie, la parole du prophète, même si elle parle du temps présent, elle est bien  souvent perçue par ses contemporains comme anachronique – le prophète est « celui qui parle  à contre-temps » (Di Pede, 2021). En raison de son but pragmatique, à savoir émouvoir ses  auditeurs ou ses lecteurs afin qu’ils s’amendent, la prophétie implique la mise en œuvre des  ressources expressives et pathétiques du langage, ce qui la rapproche de la poésie. Ce rapport  privilégié et paradoxal au langage distingue le prophète du mage ou du devin (Neher, 2004) et  en fait une figure pleinement littéraire.

De l’intertexte au procédé dramatique

Alors que le prophétisme constitue un phénomène anthropologique et religieux d’importance 
en Europe jusqu’au XVIe siècle (Rayne-Michel et Ingegno, 2014), la prophétie s’impose aussi  comme un objet littéraire incontournable, en tant qu’intertexte et que modèle rhétorique. Les prophéties (bibliques généralement) font l’objet de pratiques de citation et d’imitation variées, de la parodie aux discours les plus graves. Par ailleurs, tout comme elle dramatise le temps  historique, la prophétie dramatise le temps de la fiction romanesque ou théâtrale à travers  certaines figures qui permettent d’annoncer les évènements à venir : personnages clairvoyants,  motifs (comme celui du songe), figures rhétoriques, etc.(Bournonville et Charles, 2018).

L’avènement de l’écrivain-prophète

La mise à distance progressive du discours religieux dans les sociétés européennes conduit à une laïcisation de la figure du prophète, qui passe du domaine religieux au domaine moral, avant de s’incarner, au XIXe siècle, dans la figure de l’écrivain-prophète. Celle-ci connaît plusieurs variantes, plus ou moins politisées, du « mage romantique » (Bénichou, 1988), guide de l’humanité, au poète visionnaire, inspiré, dont héritent les avant-gardes du début du 
XXe siècle. Ces derniers n’entretiennent pas un rapport privilégié avec une divinité, mais un rapport singulier au monde et au langage. « Tout le monde est prophète » résume Apollinaire, et plus seulement quelques élus. Hors d’Europe, les littératures francophones nourrissent
volontiers l’imaginaire prophétique d’autres figures magico-religieuses folkloriques (Chanson, 2009).

Prophétisme et eschatologie

Parallèlement à ce renouvellement de la figure prophétique, le discours eschatologique  trouve une nouvelle vigueur à la fin du XIXe siècle. Le pamphlétaire adopte la posture du 
prophète de mauvais augure, porteur d’une « vision crépusculaire du monde » (Angenot, 1982 : 337), quand les littératures d’anticipation et de science-fiction transportent sur le terrain politique et scientifique les discours prophétisant la fin d’un monde…

Cette journée d’étude vise à explorer la diversité des formes que peuvent prendre les figures et les discours prophétiques dans la littérature, que l’on considère le phénomène socioanthropologique du prophétisme, le prophète en tant que type, personnage historique ou littéraire, la prophétie en tant qu’objet textuel, genre littéraire, modèle rhétorique ou figure du  discours.

On pourra ainsi traiter le sujet selon les axes suivants, ou d'autres encore : 
- Prophètes et politique
- Postures prophétiques de l’écrivain
- Rhétorique et stylistique du discours prophétique
- Parole prophétique, parole poétique
- Les personnages de prophète
- Prédire, prophétiser : de la prolepse narrative à la littérature d’anticipation.

Les propositions de communication, d’une longueur de 400 mots maximum, devront être anonymisées, et sont à faire parvenir avant le 17 janvier 2025 à l’adresse suivante : 
doctoralesed3@gmail.com
Les communications feront l’objet d’une publication en ligne sur Hypotheses.
La journée d’étude aura lieu exclusivement en présentiel et en français. Les frais de déplacement et de séjour ne seront pas pris en charge.

Bibliographie indicative

Sciences-sociales

NEHER André (2004), Prophètes et prophéties : l’essence du prophétisme [1955], Payot.
VAUCHEZ André (dir.) (2011), L’intuition prophétique : enjeu pour aujourd’hui, Seuil.
VAUCHEZ André (2012), Prophètes et prophétisme, Editions de l’Atelier.
RAYNE-MICHEL Servane et INGEGNO Marie Valeria (2014), « La prophétie », Questes, revue pluridisciplinaire d’études médiévales. URL : https://journals.openedition.org/questes/3383

Bible et littérature

DI PEDE Elena (2021), « Le prophétisme biblique. Une source d'inspiration en littérature », dans Danièle Henky (dir.), Prophètes et voix prophétiques dans l'œuvre de Jean Giono
Classiques Garnier, p. 23-40.
MASSON Jean-Yves (2016), notice « Prophètes », dans La Bible dans les littératures du monde, Sylvie Parizet (dir.), Editions du Cerf.
FRYE Northrop (1984), Le Grand Code, Seuil.

Histoire littéraire

ANGENOT Marc (1982), La parole pamphlétaire : contribution à la typologie des discours modernes, Payot.
BENICHOU Paul (1988), Les Mages romantiques, Gallimard.
BOURNONVILLE Coralie et CHARLES Lise (dir.) (2018), « ‘‘Une espèce de prédiction’’ : dire et imaginer l’avenir dans la fiction d’Ancien Régime », Colloques fabula. URL : https://www.fabula.org/colloques/sommaire5632.php
CHANSON Philippe (2009), « Le magico-religieux créole comme expression du métissage thérapeutique et culturel aux Antilles française », Histoire et missions chrétiennes, n°12, p. 27-51. URL : https://doi.org/10.3917/hmc.012.0027.
JACQUEMIER Myriam et DAUPHINE James (dir.) (2000), « Littérature et prophéties à la Renaissance », Babel, n°4. URL : https://journals.openedition.org/babel/99
LETOURNEUX Matthieu et BAREL-MOISAN Claire (dir.) (2023), « Les Temps de L’Anticipation », Belphégor. Littératures populaires et culture médiatique, vol. 21, n°1. URL : https://journals.openedition.org/belphegor/5085 
MEUREE Christophe et WATTHEE-DELMOTTE Myriam (2015), « Écrivains et postures prophétiques au regard de l’histoire immédiate. I - L’écrivain, par-delà le prophète empêché », 
dans Pour un récit transnational, Yolaine Parisot et Charline Pluvinet (dir.), PU de Rennes. URL : https://books.openedition.org/pur/52562?lang=fr
PRAT Michel et SEBBAH Alain (dir.) (2006), Fictions d’anticipation politique, PU de Bordeaux. URL : https://books.openedition.org/pub/27476?lang=f