Exister à la marge
Journée d’étude des doctorant/e/s et jeunes chercheur/euse/s en sciences humaines et sociales
Université Le Havre Normandie – 25 avril 2025
Après le succès de la journée « Sortir de l’impasse » en 2024, l’université Le Havre Normandie se propose à nouveau d’accueillir doctorant/e/s et jeunes chercheur/euse/s en sciences humaines et sociales de tous horizons afin d’échanger autour d’un sujet interdisciplinaire :
« Exister à la marge »
En effet, les disciplines de sciences humaines et sociales se heurtent à l’existence de frontières, visibles ou non, qui limitent l’accès de la périphérie au centre, la périphérie souvent traitée comme marginalisée par rapport à un centre vu comme un faiseur de normes. Au-delà de cette périphérie, la marge est aussi un espace blanc, libre et non déterminé, par rapport à un espace écrit où tout est déjà inscrit dans un cadre prévu.
À travers le thème de l’existence à la marge, il s’agit donc d’interroger les fondements qui articulent l’évolution à la marge et ce depuis différents points de vue (politiques, géographiques, culturels, artistiques, historiques, littéraires, juridiques, etc.). Ce sujet ouvre donc de multiples pistes de réflexion, parmi lesquelles :
I) Existence et marge : définitions
La marge s'inscrivant comme un synonyme d'une certaine frontière semble aussi signifier un écart ou une distance basée sur des critères construits par un groupe ou une entité tant dans une dimension spatiale que sociale. Cependant, il est essentiel de faire la différence entre être "en marge " ou " à la marge " de cette entité. En effet, il semblerait qu'être en marge serait être en dehors du groupe tout en s'y rapportant alors qu'être à la marge signifie être proche dudit groupe sans en faire partie.
En ce sens, être à la marge c'est construire une série de valeurs politiques ou encore culturelles qui se différencie des valeurs sociétales qui font consensus. Ce dernier crée la marginalisation de tout groupe n'acceptant pas cet ensemble de valeurs.
Une chose peut aussi être considérée comme marginale, auquel cas elle sera considérée comme secondaire. Dans ce sens, exister à la marge signifie aussi occuper une position, souvent d’infériorité, dans une hiérarchie (économique, sociale, culturelle). En psychologie sociale, par exemple, on peut appartenir à un endogroupe ou un exogroupe, ce qui contribue au positionnement d’un individu dans une hiérarchie.
Mais, les disciplines en sciences humaines et sociales soulèvent de nombreuses questions :
Quelles sont les différentes définitions de cette marge selon les disciplines ? Le droit définit- il la notion ou au contraire la dessine-t-il en creux, par son absence des textes ? Quels sont les facteurs qui la définissent ? Puis, la marge se définit-elle toujours par la loi ? En effet, que dire du cas du marginal au sens large du terme qui choisit de vivre en marge de tout cadre sociétal et donc législatif ? De fait, sur quels éléments peut-on définir la marge lorsque celle-ci réfute le droit et le recours à une définition juridique ?
II) Exister à la marge, être / subir la marge
Cet axe a pour but de réfléchir à la manière dont on vit à la marge, que ce soit une marge subie ou choisie, questionnant alors l’agentivité face à cette marge. Exister à la marge met en perspective la nature même de la marginalité et les mécanismes par lesquels elle est imposée ou choisie. La position marginale, qu'elle soit perçue comme une contrainte ou appréhendée comme une liberté, interroge les relations entre les composantes de la société et entre les sociétés. À partir de là, la marge peut être imposée par un ensemble de normes et de stéréotypes qui structurent la hiérarchie sociale, impliquant une exclusion de ceux qui ne s'y conforment pas.
Cependant, la marge n'est pas seulement subie. En effet, elle est parfois revendiquée telle une fierté : fierté de la différence ou encore du non-conformisme. Historiquement, il est aisé de penser aux différents mouvements des fiertés comme la plus connue étant la “ Marche des fiertés ” célébrée annuellement dans de multiples villes et pays à travers le monde. Puis, en termes de protection juridique, ce sont les luttes des personnes LGBTQIA+ qui ont permis le développement des droits et libertés incluant droits civils et politiques et les libertés publiques.
Aussi, en matière de transition écologique, les initiatives citoyennes jouent un rôle important pour expérimenter des modèles de production et de consommation vertueux, à la marge du modèle dominant. Leurs innovations créent de nouvelles institutions, élaborent de nouvelles normes qui peuvent modifier, à terme, la structure du monde qu’ils habitent.
Des questions subsistent et tenteront de trouver une réponse à travers cette réflexion interdisciplinaire :
Comment exister quand on est à la marge ? La position victimaire serait-elle la seule issue ? Quel lien entre la marge et la hiérarchie sociale ? La personne qui existe à la marge, est-elle nécessairement une victime aux yeux de la société et de son propre point de vue ? Ne peut-elle percevoir et concevoir cette marge comme une force, une ligne de crête sur laquelle elle s'appuie pour se construire elle-même ainsi que son modèle de société et son utopie ou dystopie de vie ? Par son existence, la marge suffit-elle à questionner ce qui est fait norme ?
III) Exister en marge : résister à la marge / agir contre les marges
Que l’existence à la marge soit volontaire ou non, elle conduit de manière sine qua non à une marginalisation des individus. Ce statut de marginal, subi ou revendiqué, entraîne une résistance face aux normes établies qui peut prendre plusieurs formes. En effet, la position active de la résistance contre la marge, que celle-ci soit visible ou invisible, peut apparaître comme une césure dans le statut de victime ou d'objet de la marge. Les sujets deviennent acteur.ices de leur destin, repoussant les marges préexistantes et on peut alors constater que ce combat consiste parfois davantage à déplacer la marge plutôt qu’à l’effacer, comme une forme d’intégration de la marginalité. Au contraire, la résistance contre la marge peut se traduire par l’assomption de ce statut marginal, comme une volonté de conserver une existence marginale contre un principe majoritaire. Néanmoins, on peut se demander si exister à la marge signifie nécessairement être en / une minorité, a fortiori lorsque le statu quo est déstabilisé et remis en question par le plus grand nombre.
L’existence à la marge s’exprime de manière multiple selon les disciplines. Dans le domaine juridique, on peut notamment penser au droit des minorités ou encore aux individus qui existent en dehors des marges de la loi. Les marges peuvent également être envisagées sous l’angle territorial, tant du point des espaces en marge (centre/périphérie ; urbain/rural, etc.) (Candelier- Cabon et Gaudin, 2017), que de l'expression de la marginalité dans l’espace (Egon et Laslaz, 2020 ; Peltier, 2023). Les études des migrations montrent que les marges ne sont, pour les personnes migrantes irrégularisées, pas seulement vécues dans les espaces frontières en périphérie du territoire national, mais que ces marges se multiplient au sein d’espaces internes au territoire (Fauser, 2024). On peut retrouver des réflexions similaires dans les champs littéraires et artistiques, notamment dans les littératures coloniales et postcoloniales. Dans ces disciplines, la question de la marginalité peut aussi se manifester au travers du personnage marginal comme figure de l’anti-héros ou de l’anti-héroïne.
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Modalités de soumission :
Les propositions de communication, de 400 à 500 mots, sont à envoyer avant le 20 janvier 2025. Elles devront faire figurer en préambule une courte biographie et devront mentionner :
Nom, prénom, adresse électronique, laboratoire, champ disciplinaire et université d’origine. Les propositions de communication sont à adresser à :
angelina.giret@univ-lehavre.fr jordan.white@univ-lehavre.fr
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Calendrier :
20/01/2025 : Réception des propositions
13/03/2025 : Retour des évaluations
25/04/2025 : Journée d’étude
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Bibliographie
Bailleux (A.) (dir.) et. al., Le droit en transition. Les clés juridiques d’une prospérité sans croissance, Presses de l’Université Saint-Louis, Bruxelles, 2020, 594 p.
Candelier-Cabon (M.), Gaudin (S.) (2017), La France des marges, Rennes, Presses universitaires de Rennes. « Didact Géographie », p.324. DOI : 10.3917/pur.cande.2017.01. URL : https://shs.cairn.info/la-france-des-marges--9782753555372?lang=fr
Egon (A.) Laslaz (L.), « La ZAD de Roybon face à Center Parcs. Occuper l’espace pour résister
», Géocarrefour [En ligne], 94/4, mis en ligne le 22 novembre 2020, consulté le 19 novembre 2024. URL : http://journals.openedition.org/geocarrefour/16396 ; DOI : https://doi.org/10.4000/geocarrefour.16396
Fauser (M.) 2024. “Mapping the Internal Border through the City: An Introduction.” Ethnic and Racial Studies 47 (12): 2477–98. doi:10.1080/01419870.2024.2344693.
Garrait-Bourrier, Anne (dir.). De la norme à la marge. Écritures mineures et voix rebelles. Clermont-Ferrand : Presses Universitaires Blaise Pascal, 2010.
Lagneau (A.), « Écologie sociale et transition. Entretien avec Vincent Gerber », Mouvements 2013/3, n°75, p. 77.
Licata L. (2007). La théorie de l’identité sociale et la théorie de l’autocatégorisation: le Soi, le groupe et le changement social. Revue électronique de Psychologie Sociale, n°1, pp. 19-33.
Molho A., Ramada Curto D. (Ed.) (2007). Finding Europe, Discourses on Margins, Communities, Images.
Pelletier (M.), Iten (J.-L.), Tourbe (M.) (dir.), La marge en droit public, Mare & Martin, Paris, 2016, 166p.
Peltier (E.), De marge en marge, les mobilités au centre du quotidien des femmes « roms ». Géographie. Université Paris-Est, 2023. Français. ⟨NNT : 2023PESC2004⟩