Colloque international 27 et 28 mars 2025 : Écrire la nature : du symbolisme à l’écopoétique. Littérature/littérature de jeunesse Session 2 : « Le Feu »
Appel à communication
Colloque international 27 et 28 mars 2025
Écrire la nature : du symbolisme à l’écopoétique. Littérature/littérature de jeunesse
Session 2 : « Le Feu »
Organisé par : Kvĕtuše Kunešová, Université Hradec Králové, République tchèque, Bochra Charnay et Thierry Charnay, Alithila Université de Lille, France
Le symbolisme du feu est extrêmement puissant et tout comme l’eau, très ambigu. Gaston Bachelard en délimite ainsi les contours : « Le feu est l’ultra-vivant. Le feu est intime et il est universel. Il vit dans notre cœur. Il vit dans le ciel. Il monte des profondeurs de la substance et s’offre comme un amour. Il redescend dans la matière et se cache, latent, contenu comme la haine et la vengeance. Parmi tous les phénomènes, il est vraiment le seul qui puisse recevoir aussi nettement les deux valorisations contraires : le bien et le mal [1]».
Les quatre éléments – dont l’eau abordée lors du colloque de l’année 2024 – se retrouvent au centre de notre réflexion y compris pour l’année 2025. Cette fois, nous avons choisi d’étudier le feu en le considérant dans un premier temps comme l’antagoniste de l’eau. Or, cet élément soulève de nombreuses questions. En effet, tandis que l’eau, considérée comme principe féminin (elle est une condition nécessaire de la vie selon les sciences naturelles), le feu, conventionnellement principe masculin, est, selon Héraclite, « principe de tout échange, manque et saturation en même temps » représentant effectivement et sans aucun doute le moteur et l’essence de la vie telle quelle.
Le feu est au cœur de la vie humaine et la vénération dont il a été l’objet se poursuit encore aujourd’hui à travers des festivités et rituels païens divers tels les feux de la Saint-Jean et des fêtes du solstice d'été. Ces vestiges rappellent ainsi en permanence, l’importance du feu à la fois dans la vie quotidienne mais également dans l’imaginaire de l’être humain.
Dans l’antiquité gréco-romaine, le feu est associé à la puissance divine, Zeus est le maître de la foudre, Vulcain le dieu du feu et de la forge etc. ; dans les cultures de l’Afrique de l’Ouest, la caste des forgerons est à la fois admirée et crainte car elle détient le pouvoir sur les éléments et maîtrise le feu. Dans les religions monothéistes, il est l’instrument du châtiment divin et de sa justice immuable. Il est également la métaphore de la purification du corps et de l’âme et relève d’une symbolique de la créativité et de la force génératrice et régénératrice. Comme l’écrit Gilbert Durand « Le feu est le plus farouchement purificateur des souillures terrestres [2]».
La littérature a trouvé dans ce riche substrat une ressource infinie pour parler de la nature mais aussi pour peindre les émotions humaines.
La passion, état orageux de l’âme humaine, ainsi que d’autres émotions violentes, se situe du côté de l’imaginaire du feu touchant l’homme et son psychisme dont les exemples littéraires ne manquent pas : brûler d’amour fait souffrir autant que brûler de haine ou de colère. Ainsi, la passion amoureuse dans Le Feu (1900) de Gabriele D’Annunzio sert-elle d’anti-pôle de Le Feu (1916) d’Henri Barbusse ; il en est de même pour Marguerite Yourcenar qui, dans son recueil Feux, rassemble des nouvelles, de proses lyriques et poétiques autour de l'amour et de ses déclinaisons.
Le mythe de Prométhée a nourri l’imaginaire humain et s’est déployé dans diverses créations littéraires et artistiques, il revêt des connotations aussi diverses que contradictoires. Les études à ce propos ne manquent pas et il est fastidieux de les énumérer. Notons toutefois, comme le souligne Estelle Mauranne, que « Eschyle mais aussi Hésiode, Johann Wolfgang von Goethe, Percy Shelley, André Gide, comptent parmi les auteurs qui ont fixé et assuré la permanence du mythe de Prométhée[3] ».
Le feu est souvent associé à la guerre comme dans Le Feu (1916) d’Henri Barbusse (sous-titré Journal d'une escouade) ou encore L’Incendie, de Mohamed Dib (2002). Jules Verne pour sa part mêle histoire et fiction dans L’archipel de feu, roman historique qui relate la guerre d’indépendance des îles grecques dans les années 1820.
Le feu est présent dans divers genres littéraires comme la science-fiction avec l’œuvre à succès de Joseph-Henri Rosny aîné La guerre du feu, (1930) transposé maintes fois à l’écran ou, dans la même veine, Ray Bradbury qui publie Fahrenheit 451, roman d’anticipation dystopique (USA en1953 et France 1955). Il ne faut pas oublier non plus que le manipulateur du feu, celui qui le maîtrise, bénéficie parfois d’un beau portrait tel celui inventé par Hervé Bazin dans l’un de ses plus beaux et plus émouvants romans L'huile sur le feu (1992).
Dans un registre poétique, Dante consacre son premier volume de la Comédie divine à l’enfer, Chapman et Leconte de Lisle écrivent de beaux poèmes dédiés à la canicule ou au feu. En bref, ce thème ne cesse d’intéresser les artistes et ce quel que soit le genre dans lequel ils le traitent. Le feu est fascinant, inquiétant, dévastateur mais il peut aussi susciter la rêverie, la méditation et suggérer des instants paisibles en renvoyant à l’univers familial ou à la veillée de contage traditionnel, par exemple.
De son côté, la littérature de jeunesse n’est pas en reste puisque de multiples maisons d’édition se sont approprié ce patrimoine culturel et l’ont adapté et transposé en des médias divers variables en fonction de l’âge des lecteurs. Ainsi, les ouvrages autour de la thématique du feu ne manquent pas. De nombreux documentaires ont vu le jour destinés à des lecteurs d’âges différents. Beaucoup de maisons d’édition en ont fait des collections : Nathan, Didier jeunesse, Gründ, etc. Du côté de la fiction, la production est florissante également ; on note essentiellement, la reprise du mythe de Prométhée, le voleur de feu. La transposition de ce texte fondateur passe par des genres divers tels que l’album[4] et la BD[5], dont le manga[6], sans compter les multiples récits où le pompier est la figure héroïque qui combat le feu et sauve des vies[7], l’occasion pour les auteurs et les éditeurs de transmettre une somme de valeurs et de stéréotypes largement partagés.
Il semble aussi nécessaire de prolonger les recherches du côté de l’écopoétique du feu, de la littérature environnementale autour du feu, notamment parce que les catastrophes naturelles fréquentes et violentes (inondations, crues, incendies de forêts) provoquent un état de crise mondial permanent qui génère un imaginaire de la catastrophe où les relations humaines ainsi que les interactions entre les êtres vivants et leurs milieux sont vacillants et remis en cause, contraignant à des formes nouvelles d’appréhension de l’environnement. Les fictions inventent alors des mondes postapocalyptiques suite à des destructions, des anéantissements de l’univers actuel par les méga-feux qu’ils soient nucléaires ou autre, ou annoncent la fin du monde comme l’écrit le poète René Lapierre :
« Il n’y a rien à espérer
Rien à voir sinon l’aggravation
Du pire. La fin de notre histoire
A déjà commencé [8]».
Il est certes évident que le champ d’étude du feu en littérature et en littérature de jeunesse dépasse largement le cadre que nous venons d’esquisser et que ce colloque visera à explorer. À titre indicatif, pourront être examinés les axes suivants :
- Le feu et le foyer
- Le feu destructeur
- Le feu, créateur de la lumière
- Le feu spirituel / inspirateur
- L’ardeur de la flamme, l’image de la vivacité
- L’écopoétique du feu
Les propositions de communication (titre, résumé de 2000 caractères maximum (espaces comprises), mots clés, et références bibliographiques seront accompagnées d’une brève biobibliographie de 1500 caractères (espaces comprises) maximum comprenant : statut, établissement et équipe d’accueil ainsi que les principales publications récentes.
Les propositions sont à envoyer, au plus tard, le 15 janvier 2025 à l’adresse suivante :
hradeclitteraturejeunesse@gmail.com
Une réponse sera adressée aux contributeurs, retenus par le Comité scientifique, au plus tard le 24 janvier 2025.
Comité d’organisation
Kvĕtuše Kunešová, Faculté de Pédagogie, Département de langue et littérature françaises, Université Hradec Kralové, République tchèque
Bochra Charnay, ALITHILA, Université de Lille
Thierry Charnay ALITHILA, Université de Lille
Comité scientifique
Bochra Charnay, Université Lille, ULR 1061 ALITHILA
Thierry Charnay, Université Lille, ULR 1061 ALITHILA
Kvĕtuše Kunešová, Faculté de Pédagogie de l’Université de Hradec, République tchèque
[1] Gaston Bachelard, Psychanalyse du feu, Gallimard, Folio/Essais, 1992 [1949], p. 17.
[2] Gilbert Durand, Champs de l’imaginaire, Textes réunis par Danièle Chauvin, Grenoble, ELLUG, 1996, p. 24
[3] Estelle Mauranne, « Permanence et métamorphoses des mythes de Prométhée et du Diable ». Littérature comparée et correspondance des arts, édité par Michèle Finck et Yves-Michel Ergal, Presses universitaires de Strasbourg, 2014, https://doi-org.ezproxy.univ-artois.fr/10.4000/books.pus.3149.
[4] Pénélope Jossen, Le feu, l’École des loisirs, 2014.
[5] Sylvie Baussier, Auriane Bui (ill.), La mythologie en BD, tome 11 Prométhée, Casterman, 2019.
[6] Atsushi Ohkubo, Fire force, 34 tomes, Kana, 2017-2024.
[7] Tadayoshi Yamamoto, Au feu les pompiers, L’école des loisirs, 1992.
[8] René Lapierre, La carte des feux, éditions les herbes rouges, Montréal, Canada, 2015, p. 186.