Création, transmission et réception : les arts du spectacle durant la guerre civile libanaise, 1975-1990 (Univ. Paris Cité)
Appel à communications
Journée d’études
Création, transmission et réception : les arts du spectacle durant la guerre civile libanaise (1975-1990)
Date : Jeudi 10 avril 2025
Lieu : Université Paris Cité, 5 rue Thomas Mann, 75013
Dans le contexte actuel du Liban, et à l’occasion du 50ᵉ anniversaire du déclenchement de la guerre civile libanaise, cette journée d’étude a pour objectif d'explorer les transformations artistiques engendrées par cette période tumultueuse. Nous proposons de réfléchir à la création artistique durant le conflit, ainsi qu'à la transmission et la réception des œuvres produites pendant la guerre, en mettant l’accent sur les arts du spectacle – notamment le théâtre et le cinéma.
Le 13 avril 1975 est une date ancrée dans la mémoire collective, marquant le début de la guerre civile libanaise. Ce conflit, qui s’achève en 1990, a plongé le Liban dans un cycle de violences ayant profondément transformé non seulement la société, mais aussi les modalités d’expressions artistiques du pays. De ce fait, cette journée d’étude souhaite analyser comment les conditions extrêmes propres à la guerre ont influencé et façonné la création artistique et comment, en retour, ces œuvres ont été reçues et transmises au-delà des frontières temporelles et géographiques, palliant au manque d’une histoire unifiée de ce conflit.
La guerre civile libanaise a surgi à un moment où le théâtre et le cinéma libanais commençaient à trouver leur propre voix. Le théâtre, notamment grâce à des figures pionnières comme Antoine Moultaqa et Mounir Abou Debs, entamait une phase d’ouverture vers l’Europe dans les années 1960, présentant des œuvres européennes et amorçant un dialogue entre traditions locales et influences extérieures. Cependant, dès le début du conflit, cette dynamique s'est modifiée : le théâtre de l'absurde, souvent en langue arabe, a pris le dessus, permettant aux dramaturges de s'adresser directement à un public traumatisé par la guerre, tout en reflétant les bouleversements psychologiques et sociaux. Ainsi, cette période voit la montée en puissance d'un théâtre local aux préoccupations et aux sensibilités renouvelées, marquant un recul net de l'influence européenne.
Parallèlement, le cinéma libanais des années 1960 commençait à se libérer du modèle égyptien, pour interroger plus directement l’identité libanaise à travers les films de réalisateurs tels que Georges Nasser. La guerre civile eut toutefois un effet dévastateur sur la production cinématographique : studios détruits et infrastructures paralysées obligent de nombreux cinéastes à s’exiler. Malgré cela, une nouvelle génération de réalisateurs tels que Borhane Alaouié (1941 - 2021), Maroun Baghdadi (1950 - 1993), Randa Chahal Sabag (1953 - 2008), Jean Chamoun (1942 - 2017) et Jocelyne Saab (1948 - 2019) a émergé, porteuse d’un cinéma du témoignage et de la résistance. Leurs œuvres, tournées dans des conditions difficiles, ont capté les réalités brutales de la guerre et ont permis à la fois de documenter et de questionner la situation du pays, en direct.
La relation directe du public avec les arts du spectacle, tels que le théâtre et le cinéma, constitue ainsi des voies d'accès privilégiées pour comprendre les conséquences de la guerre sur la création artistique libanaise, ainsi que sur la manière dont les œuvres produites durant et après le conflit ont été reçues, interprétées et transmises.
Les communications s'articuleront autour de deux axes principaux :
La création artistique durant la guerre
Le premier axe interroge la création artistique durant la guerre civile libanaise. Ce volet vise à étudier les films et les pièces de théâtre qui ont émergé malgré — ou peut-être grâce à — l’environnement conflictuel et les conditions de vie précaires. En dépit des destructions physiques et du climat de terreur omniprésent, ces œuvres ont été des moyens d'expression essentiels pour des artistes qui, souvent, ont vu dans la guerre non seulement une épreuve à surmonter, mais une source d'inspiration et de transformation artistique.
Dans ce cadre, plusieurs questions se posent, sans prétendre à l'exhaustivité :
- Comment les contraintes matérielles (manque de ressources, destruction des infrastructures, exil des artistes) ont-elles influencé les formes esthétiques des films et des pièces de théâtre ?
- Comment la violence quotidienne a-t-elle été transposée sur scène ou à l’écran ?
- De quelle manière les artistes ont-ils détourné ou adapté des styles et genres pour raconter une réalité fragmentée ?
- Quel rôle a joué l’art comme espace de dialogue ou de dénonciation, dans un contexte où l’expression politique directe était souvent impossible ou dangereuse ?
La réception et la transmission des œuvres durant et après la guerre
Le second axe questionne les façons dont les œuvres ont été transmises et reçues, tant pendant la guerre qu'après sa fin. Assister à une pièce de théâtre ou visionner un film en lien avec un contexte actuel ne suscite pas les mêmes réactions de la part du public. Créer en temps de guerre implique un rapport immédiat à la réception, car le public concerné manque du recul nécessaire pour apprécier pleinement la portée historique de l'œuvre. Dans un pays comme le Liban, où une histoire unifiée n'a pas été écrite, ces œuvres acquièrent une dimension de témoignage en transmettant aux nouvelles générations les réalités du conflit. La diffusion de ces œuvres et la conservation de leurs archives deviennent essentielles à plusieurs égards, en prenant le relais des structures étatiques pour préserver la mémoire de la guerre. Examiner les modalités actuelles de transmission, ainsi que la circulation de ces œuvres et la création d'initiatives individuelles et d'associations (comme Nadi Lekol Nas, l'association Jocelyne Saab, Umam D&R, etc.), permettrait d'analyser de manière privilégiée la transmission et la réception des œuvres créées en temps de guerre, tout en garantissant leur pérennité.
Plusieurs questions peuvent être soulevées :
- Comment le contexte de guerre influe-t-il sur les modes de réception d’une œuvre (où et comment étaient présentées ces œuvres) ?
- Quel rapport entretenait le public libanais à des œuvres transposant leur réalité ?
- Comment la censure a-t-elle affecté la diffusion des œuvres artistiques pendant et après la guerre civile libanaise ?
- Comment ces œuvres deviennent-elles des archives dans le contexte libanais ?
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Modalités de soumission :
Les propositions de communication, d’une longueur de 300 à 500 mots, accompagnées d’une courte biographie de l’auteur (150 mots), sont à envoyer avant le 31 décembre 2024 à : hala.habache@etu.u-paris.fr et michael.issa-elhelou@etu.unicaen.fr.
Les communications ne devront pas dépasser les 20 minutes. Une réponse sera communiquée avant le 14 février 2025. Les frais de déplacement seront à la charge des participants.
Comité d’organisation :
Hala Habache (Université Paris Cité, CERILAC)
Michael Issa El Helou (Université de Caen, LASLAR)
Comité scientifique :
- Frédérique Berthet, Professeure des universités en études cinématographiques et directrice adjointe du CERILAC, Université Paris Cité.
- Valérie Vignaux, Professeure des universités en études cinématographiques et directrice adjointe de l’École doctorale Normandie Humanités ED 558.
- Marianne Noujaim, Professeure associée en études théâtrales, Université Saint-Joseph de Beyrouth, IESAV.
- Hady Zaccak, Cinéaste, enseignant et coordinateur des études fondamentales à l'IESAV, Université Saint-Joseph de Beyrouth.
- Mathilde Rouxel, Docteure en études cinématographiques associée à L'IREMAM (CNRS-Aix-Marseille Université) et programmatrice.
Bibliographie indicative :
ABOU KHALIL, Michel. Art et conflit : L’impact du théâtre au Liban. Genève : Slatkine Reprints, 2022.
BEDJAOUI, Ahmed et SERCEAU, Michel (dir.), Les cinémas arabes et la littérature. Paris : L’Harmattan, 2019.
COLLECTIF. Le livre pour sortir au jour de Jocelyne Saab. Marseille : éditions commune, 2023.
EL HORR, Dima. Mélancolie libanaise : le cinéma après la guerre civile. Paris : L’Harmattan, 2016.
EL KHOURY, Tania. « Les cinémas libanais et leurs publics ». L'Homme & la Société, 2004/4 n° 154, pp. 131-144. https://doi.org/10.3917/lhs.154.0131.
FAYAD, Gaëlle. L’économie du cinéma libanais : Production et distribution. Paris : L’Harmattan, 2021.
HATEM, Nizar. « Fractales d’enfance dans la guerre du Liban ». NAQD, 2017/1 N° 35, pp. 185-213. https://doi.org/10.3917/naqd.035.0185.
JARJOURA, Katia. « Cinéma libanais : les enfants chaos ». La pensée de midi, 2007/1 N° 20, pp. 124-133. https://doi.org/10.3917/lpm.020.0124.
KORKOMAZ, Joseph. Présence du cinéma libanais. Paris : L’Harmattan, 2019.
LECERCLE, François (dir.), Théâtres de la guerre. Paris : Klincksieck, 2001.
ROUXEL, Mathilde. Jocelyne Saab : la mémoire indomptée. Beyrouth : Dar An-nahar, 2015.
SAID, Khalida. Le théâtre au Liban (1960-1995). Beyrouth : Festival International de Baalbeck, 1998.
SALHAB, Sabine. « Esthétique de la “ligne verte” dans le cinéma libanais de la guerre civile à nos jours ». Les Cahiers de l'Orient, 2012/2 N° 106, pp. 75-89. https://doi.org/10.3917/lcdlo.106.0075.
WESTMORELAND, Mark. « Cinematic Dreaming : On Phantom Poetics and the Longing for a Lebanese National Cinema ». Text, Practice, Performance, IV, 2002, p. 33-50.
YAZBECK, Elie. Regard sur le cinéma libanais. Paris : L’Harmattan, 2013.
ZACCAK, Hady. Le cinéma libanais : Itinéraire d’un cinéma vers l’inconnu (1929-1996). Beyrouth : Dar el-Machreq, 1997.