
À distance des polémiques, l’autrice propose d’embrasser la complexité de la question pluriséculaire de la censure en s’intéressant à son actualisation, en apparence paradoxale, dans les démocraties libérales. En déplaçant les stratégies concrètes de la contestation sur le terrain symbolique, les nouvelles censures sont le symptôme d’une société qui a remplacé la lutte des classes par les guérillas culturelles. Le prix d’un tel glissement pourrait être exorbitant : délaissement du traitement objectif des inégalités, dégradation des médiations symboliques, bureaucratisation croissante des choix publics. En montrant la complexité et la richesse de ce champ critique, on voit pourtant qu’il est possible, loin des anathèmes et de toute violence, de renouer avec un débat raisonnable et informé, autant soucieux de combattre les discriminations que de résister aux phénomènes de polarisations et d’amnésie intellectuelle.
—
Sommaire
Les deux lames du ciseau
Chapitre 1. Censures horizontales
Censure vs inclusion
Censure vs libération de la parole
« Good censorship » ?
Censurer les censeurs ? Censures en cascade et censurophobie
Chapitre 2. Toile de fond théorique
Michel Foucault : critique de la censure-contrôle
Pierre Bourdieu : censure discursive et autocensure
Le recentrement symbolique des luttes
Nouveau paysage critique
Censure associative ou dissociative ?
Chapitre 3. Censure gestionnaire et neutralité répressive
L’argument de l’ordre public
Arsenal normatif
Nomocratie et censure du politique
Chapitre 4. Censures concurrentielles
Culture numérique et consumérisme social
Des censures performatives
Polarisation et apodioxis
Guerre des visibilités
Censures algorithmiques
Chapitre 5. Nouvelles corrections
Consulting ou censure ?
Ad usum delphini
Contextualiser ou corriger ? Le mouvement « Museums are not neutral »
Démonumentaliser ? La statuoclastie
Chapitre 6. Nouvel iconoclasme ?
Ambivalence de nos peurs : l’exemple du trigger warning
Censure et théorie des représentations incitatrices
Peur de l’ambivalence
Conclusion
—
Normalienne, agrégée de lettres et diplômée de sciences politiques, Isabelle Barbéris est maître de conférences habilitée à diriger des recherches en Lettres et Arts (Université Paris Cité). Elle travaille depuis plusieurs années sur les tensions identitaires, politiques, économiques et symboliques, qui affaiblissent le secteur public culturel. Derniers ouvrages parus : Panique identitaire (Puf, 2022), L’art du politiquement correct (Puf, 2019).