En 2005, les doctorant-es de l’Université Sorbonne Nouvelle consacraient le premier numéro de la revue de littérature générale et comparée TRANS- à l’examen critique des « Comparatismes contemporains ». Les 20 ans de la revue TRANS- nous donnent l’occasion de nous tourner à nouveau vers ces propositions. La revue invite donc ses contributeurs et contributrices à un nouvel état des comparatismes contemporains, dont, depuis 2005, elle s’est efforcée de refléter les dynamiques, en rendant compte de la diversité des approches mobilisées par les jeunes chercheurs et chercheuses de la discipline, ainsi que des programmes universitaires, en France et à l’étranger. À quelles redéfinitions du comparatisme, de ses méthodes, et de ses enjeux, assiste-t-on ? Comment notre discipline renouvelle-t-elle la pensée de l’altérité, de la relation, et du rapport d’étrangeté ?
Cet appel s’inscrit d’abord dans l’actuelle réflexion épistémologique sur les apports de la « littérature générale et comparée », doublée d’une évaluation réflexive du geste comparatiste. Au tournant de l’année 2005, le premier numéro de la revue TRANS- a paru dans un contexte de réorientations épistémologiques du comparatisme, qu’encourageait la nécessité de perspectives planétaires à l’ère de la globalisation. Le développement des « approches critiques » dont le comparatisme est porteur a en effet conduit à un déplacement des questionnements qui s’étaient centrés, depuis près d’un demi-siècle, sur la « crise » permanente de la discipline. Il a permis d’alimenter, par la suite, un débat sur les fondements d’une critique qui soit authentiquement comparatiste. Ainsi, si les State of the Discipline Reports publiés chaque décennie par l’ACLA témoignent de l’ouverture croissante du comparatisme aux aires culturelles extra-européennes, nourrie d’apports postcoloniaux et décoloniaux, le dernier rapport en date attire particulièrement l’attention, du fait de l’affichage prononcé de sa dimension prospective, ouverte aux « futurs » de la discipline.
Cette parution résonne avec celle de nombreux « états des lieux » de la discipline en France et à l’étranger, qui ont œuvré, ces dernières années, au renouvellement de ses objets et de ses méthodes. Les six volumes du Comparatisme comme approche critique, parus chez Classiques Garnier à la suite du XXe congrès de l’AILC, ont aussi témoigné de la richesse des derniers apports de la littérature générale et comparée, qu’il s’agisse de penser les relations avec l’ancien ou avec l’autre (au prisme d’enjeux de traduction et de transferts culturels), ou encore les rapports de la littérature avec les discours qui l’avoisinent (notamment ceux des sciences humaines et techniques). Cette parution, remarquable du fait de son ampleur et de son ambition, permet de prendre la mesure de la diversité des approches comparatistes. Ces constats renouvelés de la vitalité et de la pluralité des approches comparatistes nous semblent par ailleurs refléter les potentialités politiques et éthiques de notre discipline, laquelle engage une éthique de l’attention aux expressions étrangères, aux formes poétiques marginales et celles en devenir, ainsi qu’à la langue comme lieu d’engagement. La nécessaire audace du geste critique n’est pas en reste dans cette réflexion : le discours de Jean Bessière, président sortant de l’Association Internationale de Littérature Comparée, proposait par exemple un véritable plaidoyer pour des « démarches cognitives ouvertes », et prenait la défense d’une « indécidabilité dynamique », à même de garantir la vitalité de nos approches et l’extension des approches transdisciplinaires de ses objets. Nul doute qu’à l’heure de l’éclatement spatio-temporel du vivre-ensemble, des remises en cause des notions d’altérité et de pluralisme, le comparatisme s’impose comme point de passage essentiel pour la compréhension des œuvres littéraires, mais aussi du monde dont il affronte les enjeux.
En réponse à cet appel, les propositions d’intervention pourront répondre à plusieurs orientations, citées ci-dessous (la liste n’est pas exhaustive) :
- Les savoirs comparatistes, à partir d’une approche métacritique de l’apport de nouveaux outils d’analyse (par exemple numériques), de nouveaux concepts proposés par des glossaires théoriques, ou des relectures actuelles de terminologies plus anciennes ; plus largement, la place des analyses formelles et thématiques au sein du comparatisme comme pratique interdisciplinaire. Dans quelle mesure ces apports théoriques et critiques permettent-ils de renouveler l’appréhension de problématiques centrales depuis la naissance du comparatisme, ou bien ayant nourri ses développements récents (littérature et politique, éthique de l’interprétation, croisements entre Gender Studies et littérature, Subaltern Studies, etc.) ?
- Enseignements, diffusions, médiations, incluant l’inscription institutionnelle et éditoriale des nouvelles dynamiques de recherche de la discipline (sites Internet, ressources, sociétés savantes et groupes de recherche, etc.) ; les interactions de la littérature avec les différentes expressions et praxis artistiques et culturelles.
- Le comparatisme selon les universités et les pays où il est pratiqué. On pourra d’abord réfléchir, dans le sillage des dossiers « Universités invitées » portés par la revue TRANS, aux différentes manières d’approcher la discipline hors d’Europe et dans les espaces postcoloniaux (Asie, Amérique latine, Afrique), afin de cerner les mutations du comparatisme international et les moyens envisagés pour décentrer les perspectives hégémoniques. On pourra également envisager les reconfigurations de la discipline en Europe, en lien avec le champ émergent des Comparative European Studies. Assiste-t-on à des regroupements entre universités et laboratoires de recherche nationaux, ou à des divergences au sein des discours comparatistes ? Quelles actions entreprendre face à la pluralité des attitudes ? Quel est l’intérêt du facteur linguistique dans l’unité ou la diversité des approches comparatistes au sein des universités ? Par ailleurs, existe-t-il des aires culturelles ou linguistiques qui soient encore dans l’angle mort des études comparatistes ?
- Les approches critiques des transferts culturels et du cosmopolitisme. Quels pourraient être les nouveaux embranchements des études comparées à l’ombre de la tension entre la littérature-monde et la présumée « suppression des frontières » d’un côté, et les héritages culturels et les marqueurs identitaires composites de l’autre côté ? Quelles valeurs politiques et éthiques la discipline comparatiste engage-t-elle dans ce contexte ? Cet axe peut aussi embrasser de nouvelles approches critiques du plurilinguisme et de la traduction, envisagée de manière dynamique comme espace privilégié des transferts culturels et comme zone de conflits et de tensions.
En regard de ces réflexions, le numéro 32 de la revue TRANS- accueillera également une sélection d’articles développant une recherche en littérature générale et comparée. Ces articles, dont les thématiques et problématiques abordées sont libres, seront sélectionnés sur la rigueur de leur méthodologie, enrichie d’un regard critique sur leur propre démarche comparatiste.
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Les propositions d’articles (3000 signes), accompagnées d’une brève bibliographie, doivent être envoyées le 15 novembre 2024 au plus tard, en fichier .DOC ou .RTF à l’adresse lgcrevue@gmail.com. En fichier séparé, le collaborateur/la collaboratrice enverra sa présentation personnelle. Les articles retenus seront à envoyer pour le 15 mars 2025.
Nous rappelons que la revue de littérature générale et comparée TRANS- accepte les articles rédigés en français, anglais, espagnol et italien. Le Comité évalue les propositions selon leur pertinence par rapport à l’appel, l’originalité de leur corpus, leur approche comparatiste ou leur qualité de réflexion théorique sur le thème proposé. Les articles ayant fait l’objet d’une publication antérieure (article, ouvrage, chapitre d’ouvrage), y compris dans une autre langue, ne seront pas retenus.