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Appels à contributions

"Histoire / histoires". Appel à contributions pour le numéro 16 / 2024 de la Revue Roumaine d’Études Francophones

Publié le par Marc Escola (Source : Cristina Petras)

Histoire / histoires

Le rapport à l’histoire peut être envisagé sous d’innombrables angles et dimensions – l’histoire comme objet, comme perspective, mais aussi du point de vue de sa mise en discours pour n’en donner que quelques exemples.

Qu’il s’agisse de la manière dont l’histoire a été reflétée dans la littérature, de l’inscription historique de la littérature dans une époque, dans un courant de pensée, ce qu’on appelle communément histoire littéraire, de la naissance de certains genres (ou micro-genres) littéraires, entre littérature et histoire les liens ont été depuis toujours très serrés. Que l’on pense à l’Antiquité et à ses héros, à l’ épopée chantant leurs prouesses et vaillance, au désir perpétré au fil des siècles de dire ou d’écrire le monde selon une perspective historique, et tout le lot d’événements et déboires, régimes politiques et idéologies que l’histoire a semés  à travers le parcours de l’humanité, on se retrouve à l’intérieur d’une sphère sémantique où la littérature – comme terre de naissance de toutes les histoires du monde – et l’Histoire, la grande, comme on la nomme (malgré ses petitesses ou bassesses) disent et écrivent notre parcours humain sous les angles les plus divers, que ce parcours se décline sous la forme de l’existence, de la survivance ou de la résilience. Et la mise en récits de nos vies se fait sous des modalités parfois prédictibles, parfois imprévisibles, souvent étonnantes, teintées d’originalité, tantôt de subjectivité, tantôt d’objectivité, le génie faisant de temps en temps irruption. Pratiquement jamais dans l’histoire de son existence, la littérature n’a été séparée de l’histoire. À une exception près, au XIXe siècle, lorsque la doctrine de l’Art pour l’Art a voulu opérer une démarcation nette, une séparation des données. Mais l’histoire de cette tendance en littérature n’a pas été longue, car difficile à soutenir. De manière quasiment constante ces deux notions qui fondent la culture se retrouvent mêlées, tressées, car là où il y a histoires il y a aussi littérature (écrite ou orale), la substance de la littérature étant souvent empruntée à l’histoire, que l’on parle de héros, d’événements, du temps dans son devenir, ou d’une toile de fond sur laquelle évolue l’humanité. Et les arguments de cette imbrication à multiples enjeux, nuances et perspectives, pourraient longuement se poursuivre. 

« On nomme littérature la fragilité de l’histoire », avait écrit Patrick Boucheron, tandis que selon le titre d’un célèbre ouvrage de nos temps, signé Yvan Jablonka, on apprend que L’histoire est une littérature contemporaine. Histoire et littérature vont ensemble, entre l’Histoire et les histoires comme formes et sources de littérature, une dynamique se met en place et tout un mécanisme se laisse étudier selon les lois de sa propre production, de ses enjeux et portées, d’un renouvellement imposé par les conditions changeantes de son existence. 

De quelle Histoire passée à travers le tissu textuel des histoires les plus diverses pourrait-on parler en l’an 2024, lorsque les épreuves que traverse l’humanité se multiplient et semblent susciter non seulement une attention spéciale, mais surtout la tâche du regard objectif et de l’attitude responsable, voire l’urgence du témoignage ? Qu’il s’agisse des dimensions politiques ou sociales, écologiques ou sanitaires, économiques ou culturelles de notre histoire contemporaine, d’une certaine déchéance des figures politiques, de la fin de certains régimes, ou de diverses formes de domination ou de violence qui perdurent et se manifestent malgré une tendance du discours politique à nier la réalité, la littérature garde un rôle central dans la transmission de l’Histoire. 

À son tour, la langue porte l’empreinte de l’Histoire : l’époque, les événements, les décisions politiques y laissent des traces indélébiles (abandon de tel alphabet en faveur d’un autre, action de telle politique linguistique favorisant telle variété / langue aux dépens d’une autre, plus largement influence des idéologies politiques sur les politiques linguistiques, etc.). Ces facteurs externes agissent sur la langue, déterminant des changements à des degrés différents. Plus récemment, un événement comme la pandémie (comme à une autre époque la première guerre mondiale) a donné lieu à la création ou à la mise en circulation d’une série de mots et de discours qui méritent qu’on s’y arrête. Si, selon Rosier, « [l]es mots se chargent d’histoires, comme ils se font les porte-paroles des conflits sociaux », certains véhiculeront ensuite une valeur argumentative qu’il conféreront aux événements avec chaque emploi ultérieur, ayant des conséquences sur le plan de la construction discursive. 

Si l’on en vient à la perspective historique, en linguistique, étudier la langue dans sa dimension historique a depuis longtemps intéressé (étymologie, linguistique historique, diachronie). Si la dichotomie entre linguistique synchronique et linguistique diachronique s’est avérée très vite insuffisante pour rendre compte de la manière dont il faut envisager le fonctionnement de la langue, son dépassement s’est justement réalisé par la prise en compte de l’histoire, de la dynamique langagière, du changement dans la conception de Coseriu (le changement ayant été conçu comme un déplacement de la norme dans les limites permises par le système). 

À défaut de faire une véritable histoire de la langue, c’est l’approche en micro-diachronie qui est favorisée aux différents niveaux de la description linguistique, les mécanismes de changement ayant été soumis à l’examen (analogie, grammaticalisation, pragmaticalisation, lexicalisation, cooptation, constructionnalisation, etc.).

Il s’agit aussi de scruter la manière dont l’histoire est mise en discours, écrite, représentée par les historiens eux-mêmes. Leur pratique – du moins dans une perspective traditionnelle – peut être comparée avec celle des écrivains : c’est bien un récit, mais différent à certains égards du récit du fiction (voir Barthes). Le discours des historiens, discours spécialisé à part, car grâce à cette démarche l’histoire en vient à être représentée, est indissociable de l’analyse de discours. 

Le numéro 16 de la Revue Roumaine d’Études Francophones invite à (re)visiter le rapport à l’histoire sous ses différents aspects, en littérature, en linguistique et en didactique du FLE. Les contributions pourront emprunter les axes de réflexion suivants, non-exhaustifs :

Littérature

La littérature de nos jours – perspectives historiques contextuelles

L’Histoire dans la littérature : thèmes, enjeux et modes de représentation

Personnalités historiques au miroir de la littérature

Écrire l’histoire contemporaine – modes et poétiques renouvelées

Écrivains-historiens ou historiens-écrivains face à la réalité 

Écrire, témoigner, réinventer – de l’Histoire aux histoires qui racontent notre monde

La littérature – de l’Histoire au texte, via le contexte

Histoire-histoire(s), un duo producteur de littérature

L’Histoire à l’épreuve de la fiction

Avatars du roman historique

Réécrire les grands événements de l’histoire

Écrire les désastres – une histoire contemporaine

Linguistique

Des événements aux mots et discours et retour : quand l’Histoire investit la langue

Mots / discours (autour) de la pandémie

Les humanités numériques et les approches en histoire de la langue – la micro-diachronie

Comment modéliser le changement linguistique – regards sur les mécanismes internes de changement

La grammaticalisation encore et encore : nouvelles perspectives, remises en question, reconsidération du modèle

Contes de tradition orale : quel type de récit ?

Comment on écrit l’histoire : le discours de l’historien dans tous ses états

Didactique du FLE

Approche historique des méthodes d’enseignement / apprentissage en didactique du FLE

Comment apprendre à conter

Enseigner le récit

Penser l’histoire en didactique du FLE

Histoires à faire apprendre des leçons de vie

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Bibliographie (sélection)

Abouda, Lotfi, Skrovec, Marie (dir.), Langages, 226 (Micro-diachronie de l’oral), 2022. 

Barthes, Roland, « Le discours de l’histoire », Studies in Semiotics / Recherches sémiotiques, 6(4), 1967, p. 65-75.

Béguelin, Marie-José et al. (dir.), Langages, 196 (Réanalyse et changement linguistique), 2014.

Benveniste, Émile, « Les relations de temps dans le verbe français », in Problèmes de linguistique générale, Paris, Gallimard, 1966.

Blanchot, Maurice, L’écriture du désastre, Gallimard, 1980.

Boucheron, Patrick, L’Entretemps : Conversations sur l’histoire, Verdier, coll. « Histoire », 2012.

Boucheron, Patrick, Quand l’histoire fait dates : Dix manières de créer l’événement, Seuil, 2022.

Certeau, Michel de, L’écriture de l’histoire, Gallimard, 1975.

Coseriu, Eugenio, Synchronie, diachronie et histoire.  Texto! 2007 [en ligne] [traduit par Thomas Verjans]. Disponible sur : . (Consultée le 10 août 2024).

Dostie, Gaétane, Pragmaticalisation et marqueurs discursifs. Analyse sémantique et traitement lexicographique, Éditions Duculot, 2004.

Gefen, Alexandre, L’idée de littérature. De l’art pour l’art aux écritures d’intervention, Corti, 2022.

Genette, Gérard, Fiction et diction, Seuil, coll. Poétique, 1991.

Jablonka, Ivan, L’histoire est une littérature contemporaine. Manifeste pour les sciences sociales, Seuil, 2014.

Jouve, Vincent, La poétique du roman, SEDES, 1997.

Krieg, Alice, « La dénomination comme engagement. Débats dans l’espace public sur le nom des camps découverts en Bosnie », Langage et société, 93, p. 33-69.

Lyotard, Jean-François, La condition postmoderne, Minuit, 1979.

Marchello-Nizia, Christiane et al., Grande Grammaire Historique du Français, vol. 1, Walter de Gruyter GmbH, 2020.

Marchello-Nizia, Christiane, Grammaticalisation et changement linguistique, De Boeck-Duculot, 2006.

Meillet, Antoine, « L’évolution des formes grammaticales », in Linguistique historique et linguistique générale, Paris, Librairie Honoré Champion, 1958.

Nadeau, Maurice, Le roman français depuis la guerre, Gallimard / NRF/ Idées, 1963.

Perrot, Michelle, Les Femmes ou les silences de l’Histoire, Flammarion, 1998.

Ricœur, Paul, Temps et récit, 1. L’intrigue et le récit historique, Seuil, 1991 [1983].

Rieuneau, Maurice, Guerre et révolution dans le roman français, Klincksieck, 1974.

Rosier, Laurence, « Mots et discours de la pandémie. Petites réflexions sociolangagières », La Revue Nouvelle, 8, 2021, p. 35-43.

Schlieben-Lange, Brigitte, Idéologie, révolution et uniformité de la langue, Mardaga, 1996.

Veniard, Marie, « Les désignations du conflit du Golfe dans la presse : un miroir du conflit sur le terrain ? », Dialogisme et nomination (Cassanas, Armelle et al., éds), Publications de l’université Montpellier 3, 2004, p. 99-111.

Weinrich, Harald, Le temps : le récit et le commentaire, traduit de l’allemand par Michèle Lacoste, Limoges, Lambert-Lucas, 2012.

Responsables du numéro : 

Liliana Foșalău, Université Alexandru Ioan Cuza, Iași

Cristina Petraș, Université Alexandru Ioan Cuza, Iași

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Modalités de soumission  

Le texte de l’article, rédigé en français, comportera entre 25 000 et 30 000 signes (notes et espaces y compris). Il sera impérativement accompagné 

- du titre de l’article et du résumé en anglais tous les deux (100-125 mots) ; 

- de 7-10 mots-clés, en anglais ; 

- d’une bio-bibliographie (100-125 mots) 

Les textes seront envoyés aux personnes de contact ci-dessous. 

Personnes de contact : 

Liliana Foșalău : lilifosalau@yahoo.com

Cristina Petraş : petrasac@yahoo.com 

Calendrier

Date limite de soumission des textes : 15 novembre 2024 

Date d’envoi des notifications aux auteurs : 15 janvier 2025 

Date de parution du numéro : mars 2025

 

Consignes aux auteurs  

Présentation générale de l’article

• Fichier attaché, texte saisi sous Word, police Times New Roman, taille 11 ; le fichier doit porter votre nom.  

• Le texte comportera entre 25 000 et 30 000 signes (notes et espaces y compris).

• Les notes (taille de caractères 10) seront faites en numérotation continue, en bas de page. Commencez le texte de la note par majuscule, en intercalant une espace après la référence de note en bas de page.

• On utilisera le système traditionnel de renvoi bibliographique (appel de note dans le texte, référence en note de bas de page), ainsi que les notations usuelles (op. cit., art. cit., éd. cit., ibid.).

Les références seront reprises dans la bibliographie à la fin de l’article. 

Corps de texte

• Les caractères italiques sont réservés aux titres d’ouvrages, aux titres de revues (par convention éditoriale) et aux mots en langues étrangères (y compris a fortiori, a priori, etc.). 

• Les majuscules seront accentuées. 

• Les vers pourront soit garder leur disposition originale, soit être juxtaposés et séparés d’un trait oblique : / 

• Le soulignement est à proscrire.

• Les caractères gras seront réservés aux sous-titres.

• Citations toujours entre guillemets à la française («... »), quelle que soit la longueur. Utiliser des guillemets à l’anglaise ("...") dans un passage déjà entre guillemets. Pour les guillemets à la française ne pas oublier de créer des espaces insécables entre les guillemets et le mot. 

• Les citations de plus de 200 signes, espaces comprises, seront isolées du corpus du texte sans guillemets. 

• Toute modification d’une citation (suppression, adjonction, remplacement de mots ou de lettres, etc.) par l’auteur du texte est signalée par des crochets droits [...].

• Toutes les citations dans une langue autre que le français doivent être traduites dans le texte ou en notes.

• Toujours utiliser des espaces insécables avant les signes doubles (; : ? ! %).

Bibliographie (placée à la fin de l’article) :

• Nom, Prénom, Titre (en italiques), lieu d’édition, éditeur, année d’édition [et si nécessaire : volume (vol.), tome (t.)].

Ex. Deroy, Louis, L’emprunt linguistique, Paris, Les Belles Lettres, 1956.

• Nom, Prénom, « Titre de l’article » (entre guillemets), Titre de la revue (en italiques), n° (espace avant le chiffre), date, page (s).

Ex. Dumont, Paul : « Francophonie, francophonies », Langue française, 85, 1990, p. 35-47.

• Nom, Prénom, « Titre de l’article » (entre guillemets), dans Nom, Prénom (éd.), Titre du volume collectif (en italiques), lieu d’édition, éditeur, année d’édition, page (s).

Ex. Flikeid, Karin, « Origines et évolution du français acadien à la lumière de la diversité contemporaine », dans Mougeon, Raymond, Beniak, Edouard (éd.), Les origines du français québécois, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1994, p. 275-326.

 

 * La Revue Roumaine d’Études Francophones (RREF) est la publication annuelle de l’Association Roumaine des Départements Universitaires Francophones (ARDUF). Elle publie des recherches portant sur les manifestations linguistiques, littéraires, culturelles, discursives de la francophonie, autour des trois axes suivants : Littérature ; Linguistique ; Didactique. La revue comporte aussi les rubriques Entretiens, Comptes rendus et Notes et documents. La Revue Roumaine d’Études Francophones est indexée dans : ERIH PLUS, EBSCO, Index Copernicus International Master List, DOAJ, OAJI (http://arduf.ro/revue-roumaine-detudes-francophones).