« Il y a des jours comme ça, ici : Venise se contente de se souvenir d’elle-même et le touriste erre, désemparé, au milieu de ce cabinet fantastique dont l’eau est le principal mirage. » (Sartre)
On n’échappe pas à Venise, les textes rassemblés ici en sont la preuve. Otto Julius Bierbaum, poète du Jugendstil, mais aussi chantre du modernisme, consent à abandonner temporairement son automobile pour s’y arrêter ; il y perçoit sans passéisme la fin d’un monde qui contraste avec les promesses de liberté des modernes. Ernst Bloch quant à lui, refoulant les troubles de son temps, s’attarde sur le calme de la nuit dans la sérénissime, hantée par les fantômes de son passé glorieux ; Venise est toujours autre qu’elle-même, tendue vers un futur utopique inconnaissable. « Venise, c’est là où je ne suis pas », affirme enfin Sartre depuis sa fenêtre sur les canaux vénitiens, où il voit se dissoudre son individualité au gré du ressac. Loin du décor aseptisé par le tourisme de masse, Venise devient, à travers ces trois auteurs, une source inaltérable pour la pensée.
Sommaire :
Otto Julius Bierbaum – « Un détour obligé par Venise » (1903)
Ernst Bloch – « L’Italie et la porosité » (1925)
Ernst Bloch – « La nuit italienne de Venise » (1934)
Jean-Paul Sartre – « Venise de ma fenêtre » (1953)