« Jusqu’au siècle actuel, l’essentiel de l’humanité vivait dans de petites communautés. Ce que chacun faisait pouvait n’affecter qu’un petit nombre de personnes. Mais les conditions ont changé. Nous pouvons produire des effets réels, bien que faibles pour chacun, sur des milliers ou des millions de personnes.
Nous pourrions penser que c’est permis parce que les effets sur chaque personne une à une seront infimes ou imperceptibles. Si nous le pensons, ce que nous ferons sera souvent bien pire pour tous pris globalement.
La vérité est-elle déprimante? Je la trouve libératrice et consolatrice. Quand je croyais que mon existence était celle d’un ego, je me sentais prisonnier de moi-même. Ma vie ressemblait à un tunnel de verre à travers lequel je me déplaçais de plus en plus vite chaque année et au bout duquel se trouvaient les ténèbres.
Quand j’ai changé de conception, les parois du tunnel ont disparu. Je vis maintenant au grand air. Il existe encore une différence entre ma vie et celle des autres personnes, mais elle est moindre. Je me soucie moins du reste de ma propre vie et plus de la vie des autres. »
Ce livre est devenu un classique contemporain de l’éthique dont la richesse continue de structurer une bonne partie des débats philosophiques. Grâce à une argumentation tout autant inventive que minutieuse, Derek Parfit met en question nombre de nos idées sur la rationalité, l’éthique ou bien encore la nature des personnes et de nos obligations envers les générations futures.
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On peut lire sur en-attendant-nadeau.fr un article sur cet ouvrage :
"L’embarrassant M. Parfit", par Richard Figuier (en ligne le 10 septembre 2024).
Comme tous les philosophes de l’éthique depuis Nietzsche, Derek Parfit (1942-2017), a concentré toute son énergie à montrer, voire démontrer, que l’on pouvait « savoir si l’on n’est pas dupe de la morale », selon la célèbre formule d’ouverture de Totalité et infini d’Emmanuel Levinas : il voulait rendre pensable une convergence entre objectivité des jugements moraux, juste attitude à l’égard de nous-mêmes et souci des générations futures. L’occasion de nous intéresser à ce penseur singulier d’Oxford nous est offerte par la traduction d’un livre paru il y a quarante ans, Reasons and Persons, et depuis considéré comme un grand classique de la philosophie morale de langue anglaise.