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Le rire entre

Le rire entre "kitschisation" et artialisation. Colloque international et pluridisciplinaire en hommage à Milan Kundera

Publié le par Marc Escola (Source : Rym Kheriji)

Université de Manouba

Faculté des lettres, des arts et des humanités 

Département de français

LE RIRE ENTRE « KITSCHISATION » ET ARTIALISATION

COLLOQUE INTERNATIONAL ET PLURIDISCIPLINAIRE EN HOMMAGE À MILAN KUNDERA

13, 14 et 15 février 2025

Le rire a été remis au goût du jour dès la fin du XXe siècle et durant les deux premières décennies du XXIe siècle. Comme le soulignait Jacques le Goff en 1997, « le titre est à la mode, études et colloques lui sont ici et là consacrés et, comme souvent, la mode exprime une reconnaissance de l’intérêt émergeant d’un thème dans le paysage scientifique et intellectuel. »1 Plusieurs colloques (Jean Birnbaum, dir. Pourquoi rire ? 2011 ; Rire en Islam : L’humour et la culture arabo-musulmane, Fès, Maroc, 2015 ; etc.), ouvrages (Georges Minois, Histoire du rire et de la dérision, 2000 ; Hubert Gignoux, Un rire, essai d’histoire subjective de la comédie, 2001 ; Philippe Arnaud, Le Rire des philosophes, 2017 ; Laure Flandrin Le Rire, enquête sur la plus socialisée de nos émotions, 2021 ; etc.) et essais (Sylvie Paillat, Métaphysique du rire, 2014 ; Alain Vaillant, La Civilisation du rire, 2016 et L’Empire du rire, 2021 ; David Le Breton, Rire, 2018 ; Bernard Sarrazin, Le Rire et la mort de Dieu, 2020 ; etc.) lui ont été consacrés. 

Le rire continue encore ces dernières années à susciter la réflexion autour d’axes qui multiplient ses fonctions et ses modalités. À titre d’exemples, du côté français, on peut citer les tous derniers « Penser le rire » en mars 2020 à l’université de Nanterre, « Les formes nationales du rire. Territoires, frontières et circulations des cultures comiques» en mai 2022 à l’université de Nanterre aussi et « Savoir rire », en octobre 2023 à l’université Paris 13. D’un autre côté, il a été popularisé grâce au discours médical qui met en valeur ses effets thérapeutiques. On lui consacre alors des instituts, des formations, des cycles de séances de yoga où un public se déplace spécialement pour le pratiquer sous la houlette d’instructeurs spécialisés un peu partout dans le monde2. Le rire peut donc être artificiellement provoqué sur commande. Mais on ne rit pas de la même manière et pour les mêmes raisons partout : il est question par exemple de « Savoir rire en Chine »3 ; ce qui veut dire que le rire peut être également codifié, institutionnalisé. En dehors de la littérature, le rire a son mot à dire, sans aucun doute, puisqu’il est avant tout lié à la vie sociale d’où il tire sa fonction première (Bergson, Le Rire, 1940).   

Toutefois, il semble que la question du rire n’a pas été résolue. Avec les années qui passent depuis le début du XXIe siècle, le rire et ses acceptions ne cessent de subir des fluctuations en rapport avec l’air du temps. Ils ne cessent non plus d’être remis en question, quitte à ce que plusieurs formes de censure veuillent le structurer, voire le contraindre à respecter des frontières à ne pas franchir, et ce aussi bien dans le cadre privé que dans l’espace public. L’organisation d’un colloque qui tente de rassembler les derniers travaux qui ont été consacrés au rire (notamment en anthropologie et en philosophie) et de voir comment la littérature française et les littératures francophones de l’extrême contemporain l’exploitent peut mettre en lumière d’autres pistes de recherche non encore envisagées. C’est aussi l’opportunité de s’interroger sur les pouvoirs du rire à une époque où il devient si difficile de rire. Que peut en effet le rire ? On peut également s’interroger sur les pouvoirs qui manipulent le rire et ses fonctions : « l’accord catégorique avec l’être a pour idéal esthétique un monde où la merde est niée et où chacun se comporte comme si elle n’existait pas. Cet idéal esthétique s’appelle le kitsch. C’est un mot allemand qui est apparu au milieu du XIXe siècle sentimental et qui s’est ensuite répandu dans toutes les langues. Mais l’utilisation fréquente qui en est faite a gommé sa valeur métaphysique originelle, à savoir : le kitsch, par essence, est la négation de la merde ; au sens littéral comme au sens figuré : le kitsch exclut de son champ de vision tout ce que l’existence humaine a d’essentiellement inacceptable » écrivait Milan Kundera dans L’Insoutenable légèreté de l’être. Cette définition du kitsch, aujourd’hui encore, semble tout à fait pertinente et pourrait révéler des pistes de recherche pour comprendre pourquoi le rire suscite toujours des polémiques libertaires ou liberticides. C’est ce que nous appelons « kitschisation » du rire. Le rire est-il désormais condamné à « nier la merde » et à « exclu[re] de son champ de vision tout ce que l’existence humaine a d’essentiellement inacceptable » ? D’un autre côté, l’introduire en tant que composante d’une esthétique reviendrait à le présenter comme une forme d’art, « où le génie de l’art en impose à la nature aveugle » (Alain Roger, 1997), ce qui nous amène à son « artialisation » (concept développé par Alain Roger qui cite à son tour Charles Lalo, 1912, et Montaigne, Essais III-5, ayant eu recours avant lui au verbe « artialiser »). Cette artialisation permettrait-elle d’extraire le rire de la trivialité, sorte d’enclave socio-culturelle où l’on pense qu’il était relégué ? Ou, au contraire, le limiterait-elle dans une sorte de piège sclérosant ?  

Puisque ce colloque est un hommage à Milan Kundera, pour qui le rire est avant tout un catalyseur de réflexions sur le monde et l’être humain, il serait intéressant de voir comment d’autres écrivains y ont recours dans leurs œuvres et à quelles fins. La contribution de chercheurs explorant différents domaines est d’autant plus enrichissante pour le débat. La philosophie et l’anthropologie par exemple sont à même en effet de mettre en lumière les deux axes proposés dans le titre de ce colloque et/ou d’établir un lien entre eux : la « kitchisation » et l’artialisation du rire gagneraient de ce fait à être étudiées des points de vue sociologique, métaphysique, esthétique. Ce colloque se veut donc pluridisciplinaire autant pour la pertinence des propos que pour souligner l’hommage à Milan Kundera dont l’œuvre se situe au croisement de la littérature, de la philosophie, de l’ontologie et de l’art. Il n’est cependant pas obligatoire de présenter des propositions sur l’œuvre de Milan Kundera. Nous sollicitons la participation de chercheur.e.s dont les études portent sur les littératures, aussi bien française que francophones ou comparée, la philosophie, l’anthropologie et les arts inscrits exclusivement ou partiellement dans la période contemporaine.

1 Le Goff Jacques. « Une enquête sur le rire ». In : Annales. Histoire, Sciences Sociales. 52ᵉ année, N. 3, 1997. pp. 449-455; doi : https://doi.org/10.3406/ahess.1997.279579 https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1997_num_52_3_279579.

2 https://institutdurire.ca/, https://www.formation-yogadurire.fr/, https://ecoledurire.com/, https://www.facebook.com/yogaduriretunis, https://ecoledurire.com/lecole-internationale-du-rire/trouvez-un-intervenant-professionnel/ecole-du-rire-dans-le-monde/, etc.

3 https://journals.openedition.org/terrain/15157

Axes de réflexion

Il y a principalement trois axes qui peuvent être envisagés de divers points de vue : littéraire, linguistique, sémiotique, anthropologique, philosophique, artistique. 

- La « kitschisation » du rire ou comment une expression physique humaine devient l’objet d’un idéal esthétique édulcoré et édulcorant. 

- L’artialisation du rire : le rire est-il transformé par une mouvance qui en fait un art ? D’un autre côté, dans quelle mesure et à quelles fins le rire suscite-t-il la créativité dans les domaines artistiques ?  

- Le rire entre kitsch et art ou, selon une description de Philippe Arnaud, « un rire tenu de naviguer entre Charybde et Scylla au risque de se fracasser sur les écueils du factice ou du conventionnel ».

Délais de rigueur

- Publication de l’appel : 1er juillet 2024. 

- Dernier délai d’acceptation des propositions : 30 octobre 2024. 

- Réponses du comité d’organisation : 30 novembre 2024. 

- Programme prévisionnel : 20 décembre 2024. 

- Programme définitif : 20 janvier 2025. 

- Envoi des articles dans leurs versions finales avant le colloque : 1er février 2025. 

- Tenue du colloque : 13-14-15 février 2025 : deux jours et demi de communications clôturés par une table ronde pluridisciplinaire durant la troisième après-midi. 

- Publication des actes : nov/déc 2025 (prévision).

Conditions de participation

- Le transport (aérien ou terrestre) des participant.e.s n’est pas pris en charge.

- Inscription : 300 DT (équivalant à 90 euros) / 200 DT (équivalant à 60 euros) pour les jeunes chercheur.e.s non affiliés à des institutions. Ces frais d’inscription incluent la prise en charge de la restauration durant le colloque et de l’hébergement dans un hôtel (4 nuitées en demi-pension).

- La proposition de communication (environ 300 mots) comportant le prénom, le nom, l’affiliation, un titre et un résumé suivis de 6 mots-clés ainsi qu’une courte notice biobibliographique (environ 150 mots) sont à envoyer en deux fichiers Word séparés et nommés respectivement Prénom NOM Résumé et Prénom NOM Bio (feuille de style: Times New Roman, taille de police 12, alignement justifié, interligne simple, alinéa 0,5) jusqu’au 30 octobre 2024 à l’adresse suivante : colloque.rire.2025@gmail.com      

Comité d’organisation 

- Mme Rym Kheriji (Université de Manouba).

- Mme Ahlem Ghayaza (Université de Manouba).

- Mme Imen Gharbi (Université de Manouba).

- M. Bessem Aloui (Université de Manouba).

- M. Farouk Bahri (Université de Manouba).

Comité scientifique

- M. Philippe Arnaud (ENSAAMA Académie de Paris).

- Mme Thouraya Ben Amor (Université de Manouba).

- M. Abbès Ben Mahjouba (Université de Manouba).

- Mme Inès Ben Rejeb (Université de Manouba).

- M. Olivier Guerrier (Université de Toulouse Jean-Jaurès / Institut universitaire de France).

- M. David Le Breton (Université de Strasbourg / Institut universitaire de France).

- Mme Simona Modreanu (Université Alexandru Ioan Cusa de Iași).  

- Mme Hela Ouardi (Université de Manouba).

- M. Pierre Schoentjes (Université de Gand).

- Mme Jouda Sellami (Université de Manouba).

- M. Mustapha Trabelsi (Université de Sfax).

- M. Alain Vaillant (Université de Paris Nanterre).

- Mme Farah Zaïem (Université de Manouba).

Responsable du colloque

Rym Kheriji : rym.kheriji@flah.uma.tn / rym.kheriji@yahoo.fr