Le n. 45, juin-juillet 2024 d'Interculturel Francophonies, revue semestrielle sur les cultures et littératures nationales d'expression française, publiée par l'Alliance Française de Lecce et dirigée par Andrea Calì (università del Salento), vient de sortir. Cette livraison, Oser (tout) dire: Ananda Devi ou de la condition de l'écriture?, a été coordonnée par Odile Cazenave (Boston University) et Emanuel Bruno Jean-François (Pennsylvania State University).
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D’hier à aujourd’hui, Ananda Devi n’aura eu de cesse d’oser dire et écrire, tissant au cours des six dernières décennies une œuvre riche et protéiforme, considérée à présent comme majeure dans le paysage littéraire francophone contemporain. Par leur exploration assidue des réalités complexes de l’humain, et plus largement du monde vivant, tant dans leurs dimensions les plus spectaculaires que dans leurs recoins les plus cachés, les textes de l’écrivaine mauricienne nous amènent ainsi à nous interroger sur la place et la fonction qu’occupe l’audace dans l’acte d’écrire. Entre autres, que signifie, pour Devi, « l’oser dire » aussi bien dans la mécanique que dans la pratique de l’écriture? La démarche se limite-elle à une tentative de représentation de l’indicible, de l’intime ou encore des souffrances et inégalités auxquelles sont sujets ses personnages? Ou alors sert-elle plus encore de véritable condition sine qua non au cheminement littéraire de l’auteure, permettant d’une part à l’ensemble de son œuvre d’avancer et de se renouveler, tout en nous donnant à voir, d’autre part, l’itinéraire d’ensemble qui lie entre eux les destins de personnages et d’écrivain·e·s en quête d’affranchissement? Face aux expressions de la violence dans ses formes diverses, comment Devi s’y prend-elle par ailleurs pour aller au bout de cet « oser tout dire », un acte qui implique nécessairement le dévoilement de l’autre comme de soi? S’il s’agit là de quelques-unes des principales interrogations que soulève le présent volume, les différentes contributions ici réunies abordent toutes, d’une manière ou d’une autre, les dimensions saillantes d’une œuvre dont le parcours, les continuités et qualités intrinsèques sont indissociables de l’« oser dire ». Aussi, en réponse à cette démarche de Devi, universitaires et écrivain·e·s – tou·te·s lecteur·trice·s de Devi – nous convient, dans ce numéro d’Interculturel Francophonies, à des lectures plus « intimistes » qui « osent », elles aussi, renouveler les perspectives, que ce soit à travers des thématiques ou des mises en relation de textes issus de l’œuvre dévienne, jusqu’ici peu étudiées.
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Sommaire
Odile Cazenave – Emmanuel Bruno Jean-François, Au cœur / corps de l’intime: retours sur l’œuvre d’Ananda Devi
Françoise Lionnet, Respiration et oppression: appels d’air d’Aimé Césaire à Ananda Devi
Eric Disbro, Intimités queers chez Ananda Devi: intermédiaires immortelles et osmoses charnelles dans Solstices et L’Ambassadeur triste
Charly Verstraet, Dans les décombres: lire le roman socio-environnemental chez Ananda Devi
Karaleigh Saar, Révolte féminine: interpellation, assujettissement et mobilité dans Le Rire des déesses
Valérie Magdelaine-Andrianjafitrimo, Résonances entre Francis Bacon et Ananda Devi: peindre et écrire la « sombre transparence »
Jeanne Jégousso, La poétique d’Ananda Devi: écrits de l’éclat et de l’obscur
Usha Rungoo, Entre corpus et cadavre: pour une discursivité matérielle du corps dans Fardo
Marie W. Larose, Corps de l’excès: isolement, cannibalisme et subjectivité dans Manger l’autre d’Ananda Devi
Eileen Lohka, Ananda Devi: un si long désir d’écrire
Annie Ferret, Ananda Devi, la boue ou le ciel
Umar Timol, La femme qui me parle
Sami Tchak, Ananda Devi ou la profanation du sanctuaire
Ananda Devi, Vanille Bourbon
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