Images de Chateaubriand sous la Monarchie de Juillet (1830-1848) et premières images posthumes (1848-1914)
« Images de Chateaubriand sous la Monarchie de Juillet (1830-1848)
et premières images posthumes (1848-1914) »
Colloque de la Société Chateaubriand
Vendredi 11 et samedi 12 octobre 2024
Paris (lieu à confirmer)
Responsable : Samantha Caretti
Après une première journée d’études consacrée aux images de Chateaubriand sous la Restauration, la Société Chateaubriand a souhaité prolonger ses réflexions aux années qui ont suivi, à savoir celles de la Monarchie de Juillet jusqu’à envisager les années qui succèdent à sa mort et qui restent marquées par les premières lectures des Mémoires d’outre-tombe. Ainsi, cent années d’images seront considérées au sein de notre étude afin d’envisager Chateaubriand dans toute sa dimension kaléidoscopique et dans la continuité du siècle : après « l’homme de la Restauration possible[1] », père du romantisme ayant délaissé la littérature pour la politique, nous découvrirons l’homme de la monarchie de Juillet impossible, « aïeul » littéraire encore « debout[2] » ayant délaissé la politique pour l’écriture des Mémoires de sa vie, amenées à devenir les Mémoires d’outre-tombe. Enfin, à partir de l’analyse des premières images posthumes de Chateaubriand, nous proposerons un premier tombeau à celui que la postérité honorera au rang de mort illustre, figure patrimoniale dont la vie agitée attisera pour longtemps les curiosités et dont les Mémoires d’outre-tombe vont progressivement s’affirmer comme l’œuvre sublime, mais aussi modèle littéraire aussi admirable qu’écrasant. Loin de prétendre à l’exhaustivité, ces journées d’études souhaitent enrichir la connaissance de Chateaubriand par l’étude de ses représentations et de la réception de son œuvre, continuant ainsi à ouvrir de nouvelles perspectives critiques.
Les communications proposées pourront porter sur l’une des images suivantes de Chateaubriand à l’époque de la Monarchie de Juillet (1830-1848) et de sa postérité (1848-1914) comme autant d’axes possibles à aborder :
Images de Chateaubriand sous la monarchie de Juillet (1830-1848)
Vendredi 11 octobre 2024
- Chateaubriand opposant politique à la monarchie de Louis-Philippe
Après avoir vécu une première Révolution, Chateaubriand en connaît une nouvelle qui, elle aussi, fera tomber les Bourbons pour placer sur le trône, le roi Louis-Philippe. Tout en offrant de la Restauration un bilan partagé, il ne s’engage pas moins avec ferveur pour ces Bourbons que l’on attaque jusqu’à bannir et clame la légitimité d’Henri V, fils de la duchesse de Berry. Chateaubriand devient rapidement un farouche opposant de la Monarchie élective en place. Ainsi choisit-il d’affirmer son indépendance, en « [sortant] en paix du monde politique », comme il était sorti « en paix du monde littéraire[3] » sous la Restauration. Il continue cependant de se mêler des affaires politiques par l’écriture de brochures, telles que De la Restauration et de la Monarchie élective (1831) et sa suite, De la nouvelle proposition relative au bannissement de Charles X et de sa famille (1831), ou encore Mémoire sur la captivité de la duchesse de Berry (1833).
- Chateaubriand, le grand ancêtre littéraire
Le père du romantisme des années de la Restauration a vieilli et fait désormais figure de grand ancêtre littéraire dont la présence honore parfois les salons du temps, particulièrement celui de Juliette Récamier à l’Abbaye-aux-Bois. Soucieux de fixer son image à la postérité, Chateaubriand poursuit la publication de ses œuvres complètes : après l’entreprise pionnière éditoriale de Ladvocat (1826-1831), suivront notamment celles de Furne (1832-1834) et de Pourrat frères entre 1836 et 1839. Ces initiatives invitent à la réévaluation de l’œuvre de Chateaubriand qui apparaît écartelée entre deux esthétiques, néoclassique et romantique.
- Chateaubriand vieillissant
À soixante ans, Chateaubriand sent plus douloureusement le passage du temps et ne cesse d’écrire, dans sa correspondance, comme dans ses discours politiques et préfaciels à ses œuvres complètes, la litanie de sa mort, envisageant son « court avenir[4] » fait d’ « heures flétries et ridées[5] » et un avenir tout aussi « incertain au-delà de [sa] tombe[6] ». La préparation de son tombeau, littéraire et réel, devient alors une préoccupation constante et d’autant plus obsédante que Chateaubriand a vu et voit mourir ses proches et ses contemporains. Voici alors venu le temps de la retraite littéraire et politique, le temps des dernières amours de la fugitive Hortense Allart à la fidèle Juliette Récamier, le temps du déclin moral et physique qu’il vit comme une injustice, mais aussi le temps des dernières œuvres, la Vie de Rancé (1844) et les Mémoires (1848), chacune à leur manière testaments littéraires sublimes incessamment renouvelés.
- Chateaubriand mémorialiste
La disponibilité politique nouvelle de Chateaubriand l’invite à retourner aux Mémoires de [sa] vie dont il avait poursuivi, puis interrompu la rédaction sous la Restauration. Les événements donnent cependant une nouvelle orientation à ce projet qui prendra alors le nom de Mémoires d’outre-tombe. Le mémorialiste entend mêler à l’histoire de sa vie, celle de son temps qu’il pense désormais connaître mieux que jamais. Celui qui déplorait n’être plus qu’une « inutile Cassandre » dans son discours de démission à la Chambre des Pairs du 7 août 1830 n’en affirme pas moins « [pénétrer] plus hardiment dans l’avenir que personne[7] » et ses dernières années seront consacrées à l’écriture de ce monument littéraire, destiné à ne paraître qu’après sa mort.
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Premières images posthumes de Chateaubriand (1848-1914)
Samedi 12 octobre 2024
- Chateaubriand, le mort illustre
La mort de Chateaubriand constitue un événement national en France suscitant de nombreux témoignages des contemporains et articles dans la presse de l’année 1848. On pleure et loue alors en Chateaubriand les diverses images qui se sont associées à lui de son vivant, à présent cristallisées : « l’écrivain de génie[8] », le « père de la littérature moderne[9] », « un homme rempli de sentiments religieux[10] », « un royaliste ardent[11] » en même temps qu’un « démocrate de cœur et d’instinct[12] ».
- Chateaubriand, auteur des Mémoires d’outre-tombe
Après sa mort, de l’œuvre de Chateaubriand, ce sont les Mémoires d’outre-tombe qui vont bientôt s’imposer comme son « titre de gloire[13] », au point d’effacer ses autres productions. La réception de l’œuvre connaîtra plusieurs phases : la première à la mort de l’auteur, puis une seconde à la faveur de la nouvelle édition proposée par Edmond Biré dès 1898.
- Chateaubriand, témoin d’une génération
Avec la mort de Chateaubriand, c’est toute une génération et un temps qui disparaissent. L’actualité éditoriale (publication de lettres inédites, études sociales et littéraires) s’intéresse autant à l’écrivain qu’à ses proches et à ses contemporains qui, au fur et à mesure des décennies, accèdent, à la faveur de la distance temporelle, au rang de personnages historiques voire littéraires, objets de la fascination des critiques et écrivains, de Sainte-Beuve à Émile Faguet en passant par Agénor Bardoux.
- Chateaubriand, figure politique clivante
À l’occasion du cinquantenaire de sa mort, Chateaubriand comme homme politique fait l’objet d’une vive controverse : s’opposent plus particulièrement Charles Maurras, accusant l’influence néfaste du romantisme sur son action, et Emmanuel Beau de Loménie, auteur d’une thèse consacrée à la carrière politique de Chateaubriand de 1814 à 1830.
- Chateaubriand, modèle littéraire incontesté et importun
Après sa mort, des diverses images de Chateaubriand qui étaient autrefois en vigueur, c’est celle de l’écrivain qui va l’emporter sur celles de l’homme politique, du journaliste et de l’historien, s’imposant comme un modèle d’écriture, particulièrement dans les histoires littéraires et manuel scolaires où l’auteur incarne le XIXe siècle. Au début du XXe siècle, des études de son œuvre s’efforcent d’apporter de nouveaux éclairages littéraires, esthétiques, moraux et psychologiques. L’admiration n'empêche nullement la réaction d’une nouvelle vague d’écrivains qui tentent de prendre leurs distances avec ce modèle incontesté mais bien encombrant, d’Émile Zola à Anatole France en passant par Alphonse de Lamartine ou Gustave Flaubert. À travers Chateaubriand, on s’en prend à la fois au père littéraire et au romantisme dont il est devenu, plus ou moins malgré lui, le symbole.
- Chateaubriand, figure patrimoniale
Sa notoriété s’étend bien au-delà, faisant de Chateaubriand une figure patrimoniale à part entière, renommée qui s’exprime dans la production de statues à son effigie, tel le buste en pierre de la rue du Bac réalisé l’année de la mort de l’écrivain par le sculpteur Gambier ou encore le monument d’Aimé Millet à Saint-Malo érigé en 1875. Chateaubriand, plus qu’un modèle littéraire, accède au rang des grands hommes qui ont fait l’histoire de la France.
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Modalités de communication et calendrier
Les propositions retenues seront présentées sous la forme de communications de 25 minutes maximum ; elles feront l’objet d’une publication au sein du Bulletin de la Société Chateaubriand.
Les propositions de contributions (titre envisagé et résumé de 3000 signes espaces comprises environ), accompagnés d’une brève notice bio-bibliographique, sont à adresser avant le 25 juin 2024 à :
Samantha Caretti – samantha.caretti@laposte.net
Réponse du comité : 8 juillet 2024
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Comité scientifique :
Marguerite Artaud du Boishamon, Sébastien Baudoin, Guy Berger, Samantha Caretti,
Béatrice Didier, Nicolas Perot, Jean-François Potton, Aurelio Principato, Bernard Puybertier,
Olivier Tort, Henry Zipper de Fabiani.
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Bibliographie indicative :
« Chateaubriand et la politique », Les Cahiers de la Maison de Chateaubriand, n°8, décembre 2018, actes du colloque organisé par Guy Berger, Hervé Robert et Olivier Tort (voir plus particulièrement Robert, Hervé, « Chateaubriand et ses contradicteurs dans le débat public de l’année 1831 », p. 149-210).
André-Vincent, Philippe, Les Idées politiques de Chateaubriand, Montpellier, Imprimerie de la Presse, 1936.
Beau de Loménie, Emmanuel, La Carrière politique de Chateaubriand de 1814 à 1830, Paris, Plon, 1929.
Bercegol, Fabienne, La Poétique de Chateaubriand : le portrait dans les « Mémoires d’outre-tombe », Paris, Honoré Champion, 1997.
Bercegol, Fabienne, Glaudes, Pierre et Roulin, Jean-Marie (dir.), Chateaubriand, nouvelles perspectives critiques, Paris, Classiques Garnier, 2020.
Berchet, Jean-Claude, Chateaubriand, Paris, Gallimard, 2012.
- et Berthier, Philippe (dir.), Chateaubriand mémorialiste : colloque du cent cinquantenaire, 1848-1998, Genève, Droz, 2000.
- et Berthier, Philippe (dir.), Chateaubriand, le tremblement du temps, colloque de Cerisy [13-20 juillet 1993], Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 1994.
- et Berthier, Philippe et Clément, Jean-Paul, Chateaubriand, « Les Mémoires d’outre-tombe », 4e partie, Paris, SEDES, 1990.
Bertier de Sauvigny, Guillaume de, Chateaubriand homme d’État, Cristel, 2001.
Biré, Edmond, Les Dernières années de Chateaubriand, 1830-1848, Paris, Garnier, 1902.
Bouchet, Thomas, Chateaubriand et la révolution de 1830, Paris, La Fabrique éditions, DL 2022.
Broglie, Gabriel de, La Monarchie de Juillet : 1830-1848, Paris, Fayard, 2011.
Changy, Hugues de, Le Mouvement légitimiste sous la Monarchie de juillet : 1833-1848, Presses universitaires de Rennes, 2004.
Chenot, Bernard, « La pensée politique de Chateaubriand », Mercure de France, août 1950.
Charléty, Sébastien, Histoire de la monarchie de Juillet : 1830-1848 [1921], Paris, Perrin, 2018.
Clément, Jean-Paul (dir.), Chateaubriand visionnaire, Paris, éditions de Fallois, 2001.
- Chateaubriand : biographie morale et intellectuelle, Paris, Le Grand livre du mois, 1998.
- Chateaubriand politique, De l’Ancien Régime au Nouveau Monde, Paris, Hachette-Pluriel, 1987;
- Grands écrits politiques de Chateaubriand, Paris, Imprimerie nationale, « Acteurs de l’Histoire », 1993.
Diaz, José-Luis, « Le sourire du fantôme. Le sacre de l'écrivain selon la IVe partie des Mémoires d'outre-tombe », Cahier textuel, n°6, numéro spécial « Chateaubriand », février 1990, p. 81-98.
Didier, Béatrice, Chateaubriand : une identité trinitaire, Leiden ; Boston : Brill-Rodopi, 2019.
- Chateaubriand, Paris, Ellipses, 1999.
Diéguez, Manuel de, Chateaubriand ou le poète face à l'histoire, Paris, Plon, 1963.
Durry, Marie-Jeanne, La Vieillesse de Chateaubriand, Paris, La Revue universelle, 1933.
Giraud, Victor, « La Carrière politique de Chateaubriand », Revue des deux mondes, 1er avril 1928.
- « Chateaubriand après 1830 », Revue des deux mondes, 15 avril 1928.
Lachat, Jacob, Le Passé sous les yeux. Chateaubriand et l’écriture de l’histoire, Paris, Vrin/EHESS, coll. « Contextes », 2023.
Levaillant, Maurice, Chateaubriand, Madame Récamier et les Mémoires d’outre-tombe, d’après des documents inédits, Mesnil, Firmin-Didot, Paris, Delagrave, 1936.
Robert, Hervé, La Monarchie de Juillet, Paris, CNRS éditions, DL 2017.
Rosia, Ivanna, Les Masques de Chateaubriand : Liberté et contraintes de la représentation de soi, Christelle Jacques, Josiane Tourres et Claire Vovelle (trad.), Paris, Classiques Garnier, 2012.
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[1] De la Restauration et de la Monarchie élective ou réponse à l’interpellation de quelques journaux sur mon refus de servir le nouveau gouvernement, Paris, Le Normant fils, 24 mars 1831.
[2] Sainte-Beuve, « Dix ans après en littérature », Revue des Deux Mondes, 1er mars 1840 [repris dans Portraits contemporains, Michel Brix (éd.), Paris, PUPS, 2008, p. 770].
[3] De la Restauration et de la Monarchie élective, op. cit.
[4] Ibid.
[5] « Préface », Études ou discours historiques, Paris, Lefèvre, 1831.
[6] Ibid.
[7] Ibid.
[8] L’Union, 5 juillet 1848.
[9] Le Corsaire, 5 juillet 1848.
[10] La Démocratie pacifique, 6 juillet 1848
[11] Le Populaire de 1841, 13 août 1848
[12] Le Charivari, 6 juillet 1848.
[13] Le Charivari, 6 juillet 1848.