Morte le 2 avril 2024 à l’âge de 90 ans, l’écrivaine guadeloupéenne Maryse Condé a reçu un hommage national à la Bibliothèque nationale de France le 15 avril, qui lui a été rendu par le président de la République et un certain nombre de proches et d’artistes. Se demander si elle aurait apprécié cet honneur n’est pas d’une grande utilité, mais comprendre les raisons pour lesquelles la réponse aurait sans doute été oui n’est pas négligeable. Maryse Condé a accueilli avec joie la reconnaissance dont elle a fait l’objet ces dernières années, en particulier au moment de la réception du prix de la nouvelle Académie suédoise en 2018 (créé parce qu’un juré du Nobel était éclaboussé par un scandale sexuel et que le prix Nobel n’avait pas pu être proclamé cette année-là).
Maryse Condé voulait le Nobel : je le sais d’autant mieux que j’ai écrit deux fois à l’Académie Nobel pour expliquer les raisons pour lesquelles elle méritait de l’avoir et le monde avec elle. Le lobby agissant en faveur de Maryse Condé était puissant, et il sollicitait partout des lettres de professeurs d’université pouvant parler pour elle (c’est la procédure fixée par l’Académie Nobel). Elle voulait le Nobel sans doute un peu pour elle-même, mais surtout pour la fierté des femmes noires, pour ériger en modèle l’intensité de ses combats, la beauté de ses héroïnes, le refus des assignations. Elle qui n’a cessé d’interroger dans son œuvre les déplacements des Noirs, l’héritage de la colonisation et de l’esclavage, pouvait être aussi bien touchée par le fait que des établissements scolaires portent son nom, à Sarcelles ou à la Désirade, l’une des îles de la Guadeloupe. Enfin, cette consécration a permis selon elle d’attirer l’attention sur sa terre natale ; après la cérémonie officielle de remise du prix en décembre 2018 à Stockholm, elle se rend en Guadeloupe pour remercier la région d’avoir soutenu sa nomination parmi les quatre finalistes du prix de la Nouvelle Académie de littérature : moment de célébration et de conciliation important dans la relation ambivalente qu’elle a entretenue toute sa vie avec les Antilles. […]