« Je m’efforçais de mettre mes pieds où elle avait mis les siens et cela m’obligeait à faire de grands pas pénibles. Parfois mes bottes trop grandes collaient à la boue. J’arrachais mon pied de la botte, la botte à la boue, je la remettais. J’essayais de la rattraper. Elle allait loin devant avec la lampe, et moi j’étais dans le noir à patauger. »
La narratrice, Marie, jeune bâtarde, parle de sa mère. Sa mère, c’est Génie la folle, cette fille de bonne famille qui, déshonorée, s’est faite domestique agricole. Sa mère, c’est ce mutisme terrible qui encaisse la rudesse d’une vie rurale semée de secrets. Collée à une ombre, Marie suit et attend, sans cesse, dans la crainte d’être abandonnée. Dans un style poétique désarmant et naïf, avec la pudeur de ceux qui ont trop souffert, la jeune Marie évoque avec ses yeux d’enfant le froid monde du dehors. Résiliente, portée par un amour immense, elle transforme la boue en beau. Poignant tableau dans lequel coexistent la bassesse de l’âme et la plus grande pureté, le roman d’Inès Cagnati est une déflagration.