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Interdits corporels et expression terminologique : entre droit, religion et société (Nancy)

Interdits corporels et expression terminologique : entre droit, religion et société (Nancy)

Publié le par Marc Escola (Source : Clara Valli)

“Interdits corporels et expression terminologique : entre droit, religion et société”,

Nancy, les 13-14 février 2025

Organisé par

Nejmeddine KHALFALLAH (Laboratoire LIS, Université de Lorraine)

Les Instances politiques, juridiques et religieuses entendent bien définir, par les normes prescriptives, les modalités de présence du corps dans l’espace public, son rôle et ses limites. Entre protection et contrôle, la corporalité se voit assiégée par ces dispositions qui se justifient par un idéal moral, reposant lui-même sur un système de valeurs inhérent à chaque culture. 

La codification de ces interdits, bien que pouvant prendre différentes formes, a comme constante l’élaboration d’un discours normatif à la terminologie spécifique. Qu’il s’agisse de la justice et de ses textes de loi, ou de la société et de ses tabous qu’elle peine parfois à nommer, ces Instances légitiment les contraintes en les formulant dans des notions et expressions consacrées : outrage aux bonnes mœurs, attentat à la pudeur…

Ce colloque international se veut un espace de réflexion au sein duquel les interdits concernant l’apparition blâmable ou immorale du corps dans l’espace public seront examinés. Il entend également déconstruire la terminologie propre à ces mêmes interdits corporels afin de comprendre les mécanismes par lesquels on les nomme, les décrit et les traduit.

Les discours idéologiques définissant la nature même de l’interdit dans les sphères religieuses, juridiques et sociales y seront questionnés, analysés et critiqués. En effet, la présence du corps, l’appréciation de sa sacralité mais aussi la délimitation de ses désirs et libertés sont régies par des principes prohibitifs énoncés dans ces discours, dont les postulats théoriques sont formulés en regard de la réalité sociale dans 
laquelle ils évoluent. 

Cet angle d’approche permet l’analyse de corpus vastes, englobant toutes sortes de textes normatifs issus d’instances diverses. Aussi bien des jugements, codes, textes de loi, manifestes philosophiques, pamphlets, articles de presse, énoncés religieux ou encore productions artistiques de toutes les aires culturelles pourront être abordés. L’ère temporelle couvrira elle l’époque moderne, allant de la période des indépendances et de l’émergence des États modernes jusqu’à nos jours. L’objet d’une telle délimitation est d’analyser les modalités récentes de la présence corporelle à travers lesquelles les pouvoirs, de toutes natures confondues, contrôlent et exposent le corps, le méprisent ou le transcendent.

Il est question in fine de mettre en lumière les logiques internes qui régissent ces conditions contradictoires et les arguments qu’elles mobilisent. Certaines normes sociales, juridiques et religieuses, n’ont d’autres motivations que de dominer le corps ou d’en empêcher le déploiement dans l’espace public en limitant ses actions. Le pouvoir aspire finalement à imposer un modèle corporel idéal qui se conforme aux normes, n’apparaissant que selon les principes agréés par l’autorité : un corps qui se met à son service tout en limitant ses propres désirs.

Quant aux champs de l’interdit, il est envisageable d’aborder l’ensemble des domaines au sein desquels l’autorité s’immisce afin de réguler la présence du corps. Aussi, les tabous sexuels, les prescriptions hygiéniques, les interdits alimentaires, les injonctions vestimentaires, les sanctions corporelles, les violences physiques (coups, blessures, homicides, meurtres…), les phénomènes de réification du corps humain (vente d’organes ou d’éléments du corps humain, conventions de mère porteuse), etc., sont tous des faits susceptibles d’être analysés, en mettant l’accent sur la logique prohibitive, ses finalités et ses limites.

Première édition à Nancy (13-14 février 2025)

Lors de cette première édition, les constructions des interdits corporels seront abordées à travers les textes de loi (codes et jugements), les fabrications terminologiques et les représentations artistiques qui décrivent ces tabous et indiquent les modalités de leur transgression. Notre approche demeure ainsi résolument sociolinguistique, puisqu’elle entend mettre à nu les mécanismes adoptés par les langues et sociétés afin de traiter ces questions, en se focalisant sur l’analyse des thèmes, des textes et des termes. Ainsi, aussi bien l’analyse des images que celle des représentations et des référents culturels mettant en lumière leur pouvoir, permettant tantôt de renforcer cette interdiction tantôt de s’en émanciper, seront favorisées.

Cette approche est également diachronique, étant donné qu’elle suit l’évolution historique des discours et de ses transformations au fil des époques. Nous entendons finalement faire ressortir leur nature relative et instable à travers l’analyse des changements néologiques, des extensions sémantiques ou encore des mutations de certains référents, objets de cette réflexion commune.

Ce colloque mettra de cette façon en évidence les mécanismes par lesquels les langues, cultures et civilisations disent, lisent et traduisent les notions relatives à la corporalité en vue de la contrôler et de régir les modalités de sa présence dans l’espace public.

Les disciplines invitées sont le droit, les sciences du langage, l’anthropologie, l’histoire de l’art, ainsi que toute autre domaine permettant de mettre ces notions en perspective et en harmonie afin d’examiner les conditions du déploiement corporel dans nos sociétés, ainsi que celui des noms qui les évoquent. Nous espérons faciliter la rencontre des spécialistes de la question pour élaborer un cadre théorique cohérent et global pouvant dépasser les simples taxinomies selon l’espace, le temps ou les registres.

Axes proposés

1. Terminologique : Les termes élaborés par les Instances autoritaires dans le but d’interdire ne sont nullement innocents. Ces noms sont chargés de connotations négatives, voire diabolisées afin de légitimer l’incrimination du corps. Les champs connotatifs se rallient ainsi aux processus prohibitifs et en font partie. C’est une autre manière, pour la langue, d’être au service des pouvoirs. Ces dénominations sont-elles spécialisées ou ordinaires, perlocutoires ou neutres, idiomatiques ou libres ? Se fondent-elles sur des sources sacrées ou temporelles ? Sont-elles de facture savante ou populaire ?


2. Juridique : On classe traditionnellement parmi les droits de la personnalité ceux qui protègent l’intégrité physique, tels que l’inviolabilité et l’indisponibilité du corps humain, ou encore le principe de l’autonomie personnelle fondé sur l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme, Néanmoins, dans certaines conditions strictes, il peut être porté atteinte à ces principes, notamment quand ces droits entrent en conflit avec l’ordre public.


3. Artistique/littéraire : Cet axe a pour objectif d’analyser les cultures visuelles et discursives de toutes aires chrono- culturelles et géographiques confondues afin d’appréhender les modalités selon lesquelles les interdits sont représentés dans les domaines des Arts et des Lettres. Il s’agira de mettre en lumière les procédés matériels, visuels, littéraires ou performatifs qui contournent, taisent ou s’émancipent des interdits. Toutes les formes d’expressions artistiques (peinture, sculpture, théâtre, musique, écriture, performance, entre autres) sont susceptibles d’être étudiées afin de montrer comment l’art répond aux interdictions imposées par les autorités ou comment, au contraire, il les affirme et les renforce à travers certains canons esthétiques ou littéraires spécifiques.


4. Traductologique : Il s’agit ici d’analyser les pertes et les ajouts qui adviennent lors du processus de traduction et de circulation des notions ou des concepts d’une langue à une autre. Les interdits ne sont pas universels, hormis l’inceste. Leur dénomination se produit grâce aux catégories néologiques propres à chaque culture. Infidèle et trompeuse, la traduction provoque inévitablement des pertes et/ou des rajouts sémantiques, des asymétries notionnelles que la juritraductologie, relative à l’interdit, pourrait décortiquer.

Modalités de soumission

Vous pouvez envoyer vos propositions de communication en français ou en anglais à l’adresse suivante avant le 15 juin 2024 :
interditscorporels@gmail.com

Nous vous prions de respecter les normes suivantes :
- Un résumé (500 mots maximum)
- Nom et prénom, affiliation(s) académique(s) de l’auteur
- Un court CV (1 page)
- Titre de la communication, mots-clés (5 maximum) et bibliographie sommaire
Frais d’inscription : 30 euros.
Une sélection d’articles sera réunie dans un volume collectif. Les supports textuels et/ou visuels choisis par 
les participants devront ainsi être impérativement communiqués au comité scientifique préalablement.

Calendrier

- Date limite de soumission des propositions : 15 juin 2024
- Notification aux auteurs : 1 juillet 2024
- Soumission d’articles : 30 octobre 2024
- Dates du colloque : 13-14 février 2025

Comité d’organisation

Thaïs BIHOUR (Office National des Combattants et des Victimes de Guerre, France)
Amélie BELLEZZA (Université de Lorraine, France)
Nejmeddine KHALFALLAH (Université de Lorraine, France)
Clara VALLI (Université de Lorraine, France)
Comité scientifique
Thaïs BIHOUR (Office National des Combattants et des Victimes de Guerre, France)
Amélie BELLEZZA (Université de Lorraine, France)
Gilles GAUTHIER (Université de Laval, Canada)
Nejmeddine KHALFALLAH (Université de Lorraine, France)
Sylvie MONJEAN-DECAUDIN (Université de la Sorbonne)
Hoda MOUCANNAS (Université Libanaise, Liban)
Ons TRABELSI (Université de Lorraine)
Laurena TOUPET (Université de Lorraine)
Clara VALLI (Université de Lorraine, France)
Catherine WERMESTER (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
Rima LABBAN (Université de Montpellier)

Références bibliographiques

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BODIOU Lydie, MEHL Véronique et SORIA Myriam (dir.), Corps outragés, corps ravagés de l'Antiquité au Moyen Âge, actes des journées d'études organisées à Poitiers et à Lorient les 15-16 janvier et 6 mars 2009, Turnhout : Brepols, 2011. 528 p.
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CANGUILHEM Georges, Le normal et le pathologique, Paris : Presses universitaires de France, 1972, [édition remaniée de thèse de Médecine, Strasbourg, 1943]. p. 224
CANTARELLA Eva, Les peines de mort en Grèce et à Rome : origines et fonctions des supplices capitaux dans l'Antiquité Classique, Paris : Albin Michel, 2000. 320 p.
CATHERINE Aurore, CAYOL Amandine, LARRALDE Jean-Manuel (dir.), Le corps humain saisi par le droit : entre liberté et propriété, actes issus du Colloque organisé par le Centre de recherche sur les droits fondamentaux et les évolutions du droit de l’Université Caen-Normandie, Caen : Presses universitaires de Caen, 2017. 213 p.
CHAUVAUD Frédéric, Corps saccagés : une histoire des violences corporelles du siècle des Lumières à nos jours, Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2009. 313 p.
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DELEUZE Gilles, « Post-scriptum sur les sociétés de contrôle », in Pourparlers 1972-1990, Paris : les Éditions de Minuit, 1990. 249 p.
DETREZ Christine, La construction sociale du corps, Paris : Éditions du Seuil, 2002. 257 p.
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ELIAS Norbert et SCOTSON John L., Logiques de l’exclusion, Paris : Fayard, 1997. 278 p.
FASSIN Didier et MEMMI Dominique (dir.), Le gouvernement des corps, Paris : École des hautes études en sciences sociales, 2004. 269 p.
FOUCAULT Michel, Surveiller et punir : naissance de la prison, Paris : Gallimard, 1975. 318 p.
FOUCAULT Michel, « La gouvernementalité », cours « Territoire, sécurité, population », in Dits et écrits, tome III, 1976-1979, Paris : Gallimard, 1994. 834 p.
GENARD Elsa et ROSSIGNEUX-MEHEUST Mathilde (dir.), Routines punitives : les sanctions du quotidien : XIXe-XXe siècle, Paris : CNRS Éditions, 2023. 398 p.
GOFFMAN Erving, Stigmate : les usages sociaux des handicaps, Paris : les Éditions de Minuit, 1975. 175 p.
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