Appel à communications
Journée d’étude annuelle Marguerite Duras
Vendredi 18 octobre 2024
Université de Lille (ALITHILA) – Société internationale Marguerite Duras
Les couples littéraires de Marguerite Duras
Journée organisée par Florence de Chalonge (Université de Lille)
et Esther Demoulin (Université de Lille, Access ERC)
Université de Lille – Maison de la recherche
Dans l’entretien qu’elle accorda à Suzanne Horer et Jeanne Socquet en 1973, Marguerite Duras déclara avoir été « ensevelie sous les conseils des hommes qui [l]’entouraient[1] ». On est alors en plein Mouvement de Libération des Femmes qui est vécu, par Duras, comme un moment de rupture et de transformation de son rapport au couple. Car elle a plutôt, jusque-là, vécu sa carrière littéraire dans une forme, plus ou moins classique, de conjugalité : avec Robert Antelme (1936-1942), Dionys Mascolo (1943-1956), puis Gérard Jarlot (1957-1963). À tel point que les relations amoureuses de Duras – ou l’absence de celles-ci – pourraient servir à penser certaines bornes de son œuvre littéraire et cinématographique.
En 1997, Colin Davis s’étonnait du peu d’attention critique suscitée par le dialogue entre L’Espèce humaine et La Douleur, avant de revenir sur la critique de l’humanisme d’Antelme à laquelle s’était livrée Duras dans son recueil de 1985[2]. Près de 20 ans plus tard, le constat reste inchangé : les collaborations de Duras avec ses conjoints restent, à l’exception de la période « Yann Andréa », assez peu étudiées. Ces relations ont pourtant donné lieu à des entreprises communes qui mériteraient autant d’études approfondies, qu’il s’agisse des éditions de la Cité Universelle créées par Duras et Antelme en 1945, de la participation de Duras à la revue Le 14 juillet fondée par Dionys Mascolo en 1958 ou bien des adaptations et scénarios co-écrits avec Gérard Jarlot[3].
Cette journée d’étude propose donc d’examiner avec la sociologie du genre et de la littérature, la médiatisation/dissimulation par Duras de ses couples littéraires ; avec la poétique, les dialogues à l’œuvre entre les écrits de Duras et ceux d’Antelme, Mascolo, Jarlot et Andréa, et/ou avec la génétique, les traces manuscrites, encore inexplorées à l’IMEC, de ces collaborations duelles.
Ce faisant, il ne s’agit nullement de contribuer à « l’assignation à “résidence sexuée” des femmes[4] » en ramenant l’œuvre de Duras à la plate influence des hommes avec lesquels elle a partagé sa vie, mais bien d’interroger l’œuvre durassienne à l’aune de cette institution du couple d’écrivains qui a reconfiguré l’espace intellectuel d’après-guerre. Il y a derrière le couple littéraire bien davantage qu’un simple voyeurisme racoleur ou un autobiographisme démodé, mais bien une collaboration aux enjeux spécifiques[5].
Différents axes d’étude pourront être envisagés, sans exclusivité :
— les œuvres littéraires et cinématographiques écrites en collaboration ;
— les dialogues intertextuels entre les œuvres de Duras et celles d’Antelme, Mascolo, Jarlot et Andréa ;
— le fonctionnement des relectures réciproques au sein des couples littéraires de Duras ;
— les stratégies de médiatisation ou d’invisibilisation du couple au sein des péri- et paratextes durassiens ;
— les formes d’entremise littéraire réciproque au sein des couples littéraires de Duras ;
— les enjeux sociologiques, poétiques et stylistiques de la transposition fictionnelle du couple dans l’œuvre de Duras ;
— la pensée durassienne du couple telle qu’elle figure explicitement dans ses essais ou implicitement dans ses œuvres littéraires et cinématographiques.
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Les propositions de communications (un titre et un résumé), avec une courte bio-bibliographie, ainsi que toutes les demandes de renseignements concernant la journée, sont à adresser à Florence de Chalonge (florence.de-chalonge@univ-lille.fr) et Esther Demoulin (esther.demoulin@fabula.org) avant le 30 juin 2024.
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Bibliographie indicative
Andréa Yann, M. D., Paris, Minuit, 1983.
—, Cet amour-là, Paris, Pauvert, 1999.
—, Ainsi, Paris, Pauvert, 2000.
Antelme Robert, L’Espèce humaine, Paris, La cité universelle, 1947 ; réédition Paris, Gallimard, 1957.
« Autour de Robert Antelme. Témoignages – Entretiens », Lignes, n° 21, 1994, p. 175-202.
Bogaert Sophie, « Notice de L’Homme menti », dans Œuvres complètes, t. III, éd. Gilles Philippe, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2014, p. 1878-1881.
Chalonge Florence de, « Marguerite Duras : les noms de Yann », dans Yves Baudelle et Elisabeth Nardout-Lafargue (dir.), Nom propre et écritures de soi, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2011, p. 87-102.
Davis Colin, « Duras, Antelme and the Ethics of Writing », Comparative Literature Studies, vol. 34, n° 2, 1997, p. 170-183.
Demoulin Esther, « Écrire côte à côte. Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre, un couple littéraire », thèse sous la dir. Jean-François Louette, Sorbonne Université, 2021.
Ducournau Claire, « Pour une sociologie du couple littéraire : Marie NDiaye et Jean-Yves Cendrey », mémoire original de son habilitation à diriger des recherches, intitulée « Capital symbolique et rapports de pouvoir, entre individu et collectif », soutenue le 22 juin 2023 à l’École normale supérieure de Lyon.
Ducournau Claire, « Le couple littéraire comme unité d’analyse croisée. Quelques pistes autour de Marie NDiaye et Jean-Yves Cendrey », COnTEXTES, n° 33, 2023, https://journals.openedition.org/contextes/11268, consulté le 23 février 2024.
Hautois Delphine, « Robert Antelme et Marguerite Duras : le témoignage ou la littérature en question », dans Karsten Garscha, Bruno Gelas et Jean-Pierre Martin, Écrire après Auschwitz : mémoires croisées France-Allemagne, Presses universitaires de Lyon, 2006, p. 135-158.
Hill Leslie, Marguerite Duras: Apocalyptic Desires, Londres, Routledge, 1993.
Jarlot Gérard, Un chat qui aboie, Paris, Gallimard, 1963.
Kritzman Lawrence, « Duras’ War », L’Esprit créateur, n° 33, 1993, p. 63-75.
Margras Fanny, « Simone et André Schwarz-Bart, analyse d’une collaboration littéraire », thèse sous la dir. de Dominique Carlat et Laura Carvignan-Cassin, université des Antilles, 2022.
Monnier Nelly, « De l’amour je me souviens », Initiales, n° 3, « Initiales M.D. », p. 17-21.
Patrice Stéphane et Saemmer Alexandra (dir.), Les Lectures de Marguerite Duras, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2005.
Vallier Jean, C'était Marguerite Duras, t. I : 1914-1945 ; t. II : 1946-1996, Paris, Fayard, 2006.
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[1] Suzanne Horer et Jeanne Socquet, La Création étouffée. Femmes en mouvement, Paris, Pierre Horay, 1973, p. 174.
[2] Colin Davis, « Duras, Antelme and the Ethics of Writing », Comparative Literature Studies, vol. 34, n° 2, 1997, p. 170-183.
[3] Fonds Gérard Jarlot, IMEC, cote 521JRL/1 - 521JRL/37.
[4] Delphine Naudier, « Assignation à “résidence sexuée” et nomadisme chez les écrivaines », dans Audrey Lasserre et Anne Simon (dir.), Nomadismes des romancières contemporaines de langue française, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2008, p. 51-62.
[5] Voir Esther Demoulin, « Écrire côte à côte. Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre, un couple littéraire », thèse sous la dir. Jean-François Louette, Sorbonne Université, 2021 [à paraître aux Impressions Nouvelles en 2024] ; Claire Ducournau, « Le couple littéraire comme unité d’analyse croisée. Quelques pistes autour de Marie NDiaye et Jean-Yves Cendrey », COnTEXTES, n° 33, 2023, https://journals.openedition.org/contextes/11268, consulté le 23 février 2024.