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Approches croisées sur la Révolution française. Avec Hélène Parent et Edmond Dziembowski (Séminaire d'actualité de la recherche, Orléans, en ligne)

Approches croisées sur la Révolution française. Avec Hélène Parent et Edmond Dziembowski (Séminaire d'actualité de la recherche, Orléans, en ligne)

Publié le par Faculté des lettres - Université de Lausanne (Source : Laélia Véron)

Le séminaire d'actualité de la recherche de l'université d'Orléans (laboratoire POLEN) organise une séance interdisciplinaire sur la Révolution française, le mardi 13 février de 18h à 19h30.

Le séminaire est ouvert à toutes et à tous, en ligne uniquement (pour obtenir le lien, écrivez à Laélia Véron: Laelia.Veron@univ-orleans.fr)

Nous recevrons Hélène Parent (stylistique et rhétorique) et Edmond Dziembowski (histoire).

Hélène Parent parlera de son ouvrage "Modernes Cicéron. La romanité des orateurs révolutionnaires (1789-1807)", Classiques Garnier, 2022.

Quiconque a été amené à lire quelques-uns des discours d’assemblée écrits et prononcés durant la période révolutionnaire n’a pu qu’être frappé par le retour obsessionnel des références antiques – et plus particulièrement romaines – sous la plume des orateurs, à tel point que certains critiques ont péjorativement qualifié cette habitude d’« anticomanie ». Ce phénomène a fait couler beaucoup d’encre au cours des xixe et xxe siècles, souvent au détriment des orateurs révolutionnaires. Ce rejet systématique explique en partie le fait que ce corpus a été boudé par la critique littéraire, et que son étude est longtemps restée l’apanage des historiens – même si l’on trouve, depuis le bicentenaire de 1989, de plus en plus de chercheuses et chercheurs proposant d’analyser ces textes du point de vue de la linguistique ou de l’analyse du discours.

Jugés à la fois grandiloquents et insignifiants, ces motifs antiques, et avec eux la langue révolutionnaire dans son ensemble, ont longtemps eu mauvaise presse pour une autre raison : cette langue et l’imaginaire romain qu’elle charrie ont été, dès le lendemain de Thermidor, assimilés à la «Terreur» et à l’«abus des mots», et jugés pour partie responsables de la violence politique. Pourtant, la dénonciation de cette tendance chez les Jacobins de l’an II relève elle-même d’un artifice rhétorique : l’éloquence thermidorienne exploite en fait les mêmes ressorts.

Dans ce livre issu de sa thèse, Hélène Parent a voulu porter un regard nouveau sur cette « anticomanie », qu'elle propose d’appeler la « romanité ». Elle a fondé son travail sur une vaste étude sérielle de discours d’assemblée – 329 discours prononcés par 168 orateurs, qu’ils soient des personnages célèbres ou d’illustres inconnus, parfois anonymes. Il s’agissait, d’une part, de mettre entre parenthèses les « grands hommes » pour revenir à l’étude des textes ; d’autre part, de suivre les préconisations des analystes du discours, qui proposent de construire des corpus à partir d’un « champ discursif » (D. Maingueneau). Son enquête a d’abord consisté à pister les références explicites à l’Antiquité, présentes notamment sous formes de figures d’analogie. Mais la« romanité » dépasse en fait largement ces seules références explicites : cette notion renvoie aussi à un style collectif, à une langue révolutionnaire ressentie comme romaine, ainsi qu’à une manière d'être au monde de l’orateur politique. Elle comporte donc un enjeu à la fois stylistique et éthique, dans le sens rhétorique du terme (l’ethos), mais aussi dans un sens moral et politique.

L’omniprésence de cet imaginaire romain, issu de la formation scolaire des orateurs dans les collèges d’Ancien Régime, soulève également la question de l’imitation qui, dès 1789, se pose dans les interventions à l’Assemblée, à tel point que la rhétorique se substitue parfois à la politique comme objet même des débats, la tribune devenant alors le lieu d’une nouvelle Querelle des Anciens et des Modernes. À ce sujet, Hélène Parent montre dans son livre que la romanité révolutionnaire ne relève pas d’une copie stérile mais d’un geste créateur, et que l’ancienne rhétorique devient le matériau de construction d’un sens neuf qui permet de forger une « communauté imaginée » (B. Anderson). Ainsi, l’éloquence révolutionnaire, à travers la romanité, parvient à forger à la fois un style, un ethos et un récit d’identité national qui dessinent les contours d’un nouveau paradigme : celui de l’orateur révolutionnaire comme « moderne Cicéron », qui s’impose à son tour comme modèle pour les révolutions futures, mais aussi pour bon nombre d’hommes politiques et d’écrivains du 19e siècle. 

Quelques recensions du livre : 

-          Corinne Saminadayar-Perrin, pour la revue Romantisme : https://www.cairn.info/revue-romantisme-2023-4-page-135.htm

-          Philippe Rousselot, pour la revue Ciceroniana Online https://ojs.unito.it/index.php/COL/article/view/7888/6626

-          Jacques Guilhaumou, pour les Annales historiques de la Révolution française, https://www.cairn.info/revue-annales-historiques-de-la-revolution-francaise-2023-4-page-264.htm

 

Edmond Dziembowski présentera son livre "La main cachée. La fièvre complotiste pendant la Révolution française" Perrin, 2023.

À la faveur de la démultiplication prodigieuse de l’information, le monde connaît aujourd’hui une obsession conspirationniste d’une ampleur inédite. Cette propension à interpréter les faits à l’aide d’une grille de lecture faisant fi de la réalité n’a cependant pas attendu notre temps pour prendre forme. Les grands traits du complotisme contemporain prennent en réalité naissance pendant la Révolution française, époque d’une richesse remarquable en matière de complots avérés mais aussi, et surtout, de complots imaginaires. Dès les premiers mois de 1789, ont surgi plusieurs explications alternatives des événements. Pour certains observateurs, qu’ils soient favorables ou non à la Révolution, car le complotisme couvre tout le spectre politique du temps, les faits observables à l’œil nu sont un leurre. Les vraies causes du grand bouleversement politique sont à trouver ailleurs. Sur le banc des accusés figurent les philosophes, les protestants, les francs-maçons, les illuminés de Bavière ou encore l’Angleterre. 

La première partie du livre est consacrée aux multiples facettes de cette fièvre complotiste, dont l’incarnation littéraire prend la forme fascinante d’un roman échevelé ayant pour principaux héros le duc d’Orléans, Jacques Necker, Adam Weishaupt, Voltaire et William Pitt. Dans la seconde partie du livre, l’auteur propose un éclairage de cette obsession de la main cachée. Pour ce faire, il nous entraîne dans les tréfonds de l’imaginaire politique de l’Ancien régime et des années révolutionnaires. Comme le montre presque journellement son inquiétant avatar du XXIe siècle, cet imaginaire mérite d’être pris très au sérieux.

Présentation de l’auteur

Professeur émérite à l’Université de Bourgogne Franche-Comté (Besançon), membre du Centre Lucien Febvre et spécialiste de la culture politique du XVIIIe siècle, Edmond Dziembowski a notamment publié Un nouveau patriotisme français, 1770-1750. La France face à la puissance anglaise à l’époque de la guerre de Sept Ans (Oxford, Voltaire Foundation, 1998), Les Pitt. L’Angleterre face à la France, 1709-1806 (Perrin, 2006), La guerre de Sept Ans, 1756-1763 (Perrin-Ministère de la Défense, 2015, Prix Chateaubriand 2015 et Prix Guizot 2015 de l’Académie française) et Le siècle des révolutions, 1660-1789 (Perrin, 2019, Prix du livre d’Histoire 2020 du château de Versailles).