Proust ou l’effervescence créatrice :
les cinq sens à l’œuvre
Rencontres internationales proustiennes d’Illiers-Combray
Organisées par l’ARIPIC (Association des Rencontres Internationales Proustiennes), sous la présidence de Mireille Naturel.
Illiers-Combray, Eure-et-Loir, 8-9-10 juillet 2024
À l’intelligence, Proust préfère l’impression et la sensation. Il le proclame dès le Contre Sainte-Beuve. Dans « Combray », l’épisode des aubépines est premier et fondamental. L’enfant est séduit par la couleur, la rouge encore plus que la blanche, mais aussi par l’odeur, le bruit et ce qu’il imagine être la saveur de ce qu’il admire. Nous connaissons l’importance de Baudelaire dans l’intertexte proustien, notamment dans cet épisode, où tout est « correspondances ». D’autres écrivains se sont intéressés à la question des synesthésies, illustrant une préoccupation de l’époque, notamment celle du pédagogue et psychologue Alfred Binet, connu pour ses publications sur l’audition colorée. Marisa Verna a consacré un ouvrage à ce sujet, devenu incontournable, Le sens du plaisir. Des synesthésies proustiennes, où elle traite de la « la dimension sensorielle et extatique de l’écriture proustienne », en partant de la notion de « plaisir » comme moteur de la création. L’univers proustien est rempli de sensations, visuelles, olfactives, gustatives, sonores et tactiles, parcourant l’ensemble de l’œuvre. Si « Combray » doit tout à la Petite Madeleine, « un de ces gâteaux courts et dodus », « Un amour de Swann » est parcouru par l’expérience musicale suscitant plaisir et réminiscence, à travers le leitmotiv de la petite phrase, féminine et sensuelle. Le Temps retrouvé multiplie les expériences de résurrection du passé, toutes nées d’une approche sensorielle, menant à la découverte de la vocation. Le Nom Propre – patronymique ou topographique -, si important dans l’imaginaire proustien, se nourrit autant de cratylisme que de rapprochements synesthésiques. La sensation est fondamentale dans la démonstration de l’œuvre puisqu’elle fait renaître le passé, et ainsi retrouver le temps perdu. Elle met en relation le corps et l’esprit. L‘article « Sensation(s) » du Dictionnaire Marcel Proust, confié à Julia Kristeva, est l’objet d’un long développement, ce qui montre déjà l’importance centrale du thème et une ouverture possible vers la psychanalyse. Dans le sillage de Merleau-Ponty, Kristeva affirme : « La sensation est bien le fondement inaugural de la conscience, mais elle s’attache pour toujours au monde par le corps, dans une vibration du sujet qui ne se tient qu’à ce "pli" et à ce prix. ». Si la sensation est du côté du plaisir qui va jusqu’au plaisir masochiste dans la scène de l’hôtel de Jupien, c’est que la frontière entre sensorialité et sexualité est poreuse. La sensation est réjouissante, au sens de « qui donne de la jouissance ». Elle permet, par ailleurs, la construction de l’œuvre, faisant se répondre le premier et le dernier volumes. Elle pétrit l’œuvre, l’ensemence, la fait vibrer ; elle est analogique, elle est métaphorique, elle est style, autrement dit « création ».
Dans le cadre des Rencontres qui se veulent inter-artistiques et ancrées dans le territoire, les conférences seront accompagnées de lectures, de mises en scènes, de déambulations, voire de performances.
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Quelques éléments de bibliographie :
BINET, Alfred, « Le problème de l’audition colorée », Revue des Deux Mondes, octobre 1892, p. 586-614
MERLEAU-PONTY, Maurice, Le Visible et l’invisible, Gallimard, 1964.
MERLEAU-PONTY, Maurice, Phénoménologie de la perception (1945), Gallimard, 1972.
DOUBROVSKY, Serge, La Place de la madeleine, Mercure de France, 1974.
VAGO, Davide, Proust en couleur, Champion 2012.
RICHARD, Jean-Pierre, Proust et le monde sensible, Seuil, 1974.
KRISTEVA, Julia, « Sensation(s) », Dictionnaire Marcel Proust, sous la direction d’Annick Bouillaguet et Brian Rogers, Champion, 2004.
KRISTEVA, Julia, Le Temps sensible. Proust et l’expérience littéraire. Gallimard, 1994.
SIMON Anne, Proust ou le réel retrouvé : le sensible et son expression dans À la recherche du temps perdu, PUF, 2000, rééd. Champion, 2011
VERNA, Marisa, Le sens du plaisir. Des synesthésies proustiennes, Peter Lang, 2013.
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La proposition de communication est à envoyer pour le 20 février 2024.
Elle doit se composer de 3500 caractères (espaces compris), soit environ une page.
proustaripic@gmail.com">proustaripic@gmail.com ou mireille.naturel@wanadoo.fr
Comité scientifique :
Marianne Brody-Baudin (France), Yvonne Goga (Roumanie), Mireille Naturel (France), Kirsten von Hagen (Allemagne), J.M.M. Houppermans (Pays-Bas).