Claire-Lise Gaillard, Pas sérieux s’abstenir. Histoire du marché de la rencontre XIXe-XXe siècle
Le marché de la rencontre n’a pas attendu Meetic, Tinder ou Grindr pour prospérer. Tout au plus l’ère numérique lui a-t-elle conféré, en même temps qu’un regain de vitalité, une légitimité nouvelle. Pendant près de deux siècles, ce domaine d’activité de réputation douteuse a fait de la discrétion une qualité première.
Son entremise est longtemps demeurée taboue dans les familles.
L’examen des registres d’agences matrimoniales et de la presse dédiée aux annonces permet néanmoins de lever le voile. Par-delà les figures chères au vaudeville – ambitieux coureurs de dots, parents autoritaires, oies blanches ou vieilles filles rêveuses –, qui sont les créateurs de ces agences, quels sont les services qu’ils proposent et quelle en est la clientèle ?
Du Courrier de l’hymen dans les années 1790 au Chasseur français (qui revendique 4,5 millions de naissances), les annonces sont aussi la source d’une histoire de l’ordinaire, à hauteur des hommes et des femmes à la recherche d’amour et de bons partis. Par leurs silences entendus et leurs connotations équivoques, elles nous apprennent ce qui, selon les époques, est communément perçu comme admis, désirable ou au contraire inacceptable. Elles sont ainsi des indices de la transformation des sociétés, qu’il s’agisse de l’équilibre entre enjeux économiques et romantiques, du poids des stéréotypes de genre ou des failles grandissantes de la société bourgeoise patriarcale.
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On peut lire sur en-attendant-nadeau.fr un article sur cet ouvrage :
"Au marché des rencontres", par Philippe Artières (en ligne le 9 avril 2024).
Comment diable personne n’avait encore entrepris de faire l’histoire du marché de la rencontre matrimoniale, sujet tout à la fois attrayant, instructif, romanesque ? L’ouvrage colossal de Claire-Lise Gaillard une fois refermé, cet oubli semble moins énigmatique qu’il n’y paraissait. Si le marché matrimonial, et notamment ses petites annonces, est sur le papier un sujet des plus séduisants, il est un objet d’histoire des plus complexes, à la croisée de nombreux domaines, celui bien sûr des rapports de genre, mais aussi de l’histoire sociale, de l’écriture de soi. Bref, un objet des plus sérieux que l’historienne analyse avec toute l’attention nécessaire « et plus car affinités ».