Actualité
Appels à contributions
Langue/s et démocratie (Université d'été, Créteil & Paris)

Langue/s et démocratie (Université d'été, Créteil & Paris)

Publié le par Marc Escola (Source : Yolaine Parisot)

Université d’été de l’EUR du Grand Paris FRAPP « Francophonies – Plurilinguismes :  Politique des langues » (ANR-18-EURE-0015 FRAPP) 

sur le thème :  « Langue/s et démocratie »

21 au 24 mai 2024 à l'université Paris-Est Créteil et Maison de l’Île de France - Cité Universitaire Internationale

comité scientifique et d’organisation : Comité exécutif et doctorant.es de l’EUR FRAPP

Propositions (individuelles, tables-rondes, de sessions ou panels, de workshops ou ateliers pratique) le vendredi 16 février 2024 au plus tard, par mail eur.frapp@u-pec.fr

______________________________

Dans l'introduction de La démocratie impossible ? Politique et modernité chez Weber et Habermas (1999), Yves Sintomer constate la situation paradoxale dans laquelle se trouve la dynamique démocratique aujourd'hui. En effet, s'il est évident que la démocratie semble s'imposer progressivement dans le monde entier, même si elle est souvent partiellement contrée par la montée des intégrismes ou de nouveaux nationalismes et par les multiples formes de « précarisation » de la vie (Butler), cette extension quasi universelle du terme « démocratie » a une contrepartie : elle se fait au prix d'une ambivalence croissante de la signification du terme, conduisant à repenser l’étendue de ce savoir politique au-delà des failles des « démocraties » « contemporaines » et « existantes » (Bouthors et Nancy). 

Comme le constate Martine Boudet dans un travail collectif intitulé Les langues-cultures moteurs de démocratie et de développement (2019), « les recompositions géopolitiques à la faveur de la mondialisation et de la médiatisation des échanges, mais aussi de la crise du système néolibéral, suscitent un regain des aspirations identitaires ». Ces aspirations identitaires se traduisent, en négatif, « par des nationalismes xénophobes voire guerriers » et, en positif, par des formes démocratiques et progressistes, notamment sur le terrain régional, qui sont, elles aussi, bien réelles.

Le lien entre langue/s et démocratie est, selon le linguiste Gilbert Dalgalian, un lien imprescriptible qui va bien au-delà des institutions. La langue est, en effet, au cœur de l'humain, autant d'un point de vue individuel (rapport à soi) que d'un point de vue social (rapport à l'Autre). Si le respect de l'Autre est le fondement de toute démocratie, ce respect doit se vérifier d’abord dans le respect de la ou des langues de l'Autre. Gilbert Dagalian parle de glossodiversité, diversité intrinsèque à l'hominisation, prolongement de la biodiversité sous des formes inédites. Dans un contexte d'uniformisation planétaire du discours et de la pensée, le combat pour les langues doit être indivisible, car l’avenir de toutes les langues est en jeu. Si dès l’aube de l’humanité, l’hominisation a été synonyme de diversification et si cette tendance s’est enrichie avec le temps, « le foisonnement des profils est aussi source de diversité psychologique et intellectuelle et c’est ce foisonnement intellectuel qui constitue le fondement de toute démocratie. [...] En clair, aucune langue ne peut prétendre être la clé universelle. La seule clé universelle, c’est le plurilinguisme. Plurilinguisme des individus et des sociétés.»

Réfléchir aux mutations de la notion de démocratie dans différents contextes socioculturels et étudier le lien entre langue/s et démocratie autant d'un point de vue théorique que dans des cas particuliers, tel est l'objectif de la prochaine université d'été de l'EUR FRAPP. En considérant, avec Michael Hardt et Antonio Negri (2000), que les nouvelles formes de domination, d’inégalité et de violence (la violence des frontières, la périphérie au cœur de la nation, le terrorisme et ses interprétations, etc.) procèdent aussi de mésusages du langage, le programme scientifique de l’EUR FRAPP pose en effet la question de l’accès à la parole et celle de l’autorité de manière transversale et interdisciplinaire et s’intéresse au défi linguistique qu’induisent les crises de la démocratie, et la persistance de l’idéal démocratique, à différentes échelles : évolution des « tensions entre langue populaire », « langue lettrée » et « langue commune » qui sont « au cœur de la diction démocratique » (Wolf, 2017) ; écologie des langues en danger ; politiques linguistiques et des langues et questions de migration, de discrimination et d’intersectionnalité ; éducation populaire ; incidence des dénominations (vocabulaires de la catastrophe historique, de la violence politique, du traumatisme ou de la vulnérabilité) qui procèdent de réifications médiatiques ou institutionnelles ; etc.

Dans le sillage des universités d’été 2022 (« Imaginaires des langues : enjeux de pouvoir, nouveaux savoirs ») et 2023 (« Traduction et politique : un horizon pour les sciences humaines et sociales ? ») de l’EUR FRAPP, les échanges mettront en œuvre une réelle interdisciplinarité associant spécialistes des pratiques langagières et des politiques linguistiques et chercheur.es en sciences humaines et sociales (anthropologie, droit, histoire, histoire de l’art, littérature, science politique, analyse du discours, communication, géographie, économie, philosophie, sociologie). En résonance avec l’un ou l’autre des trois axes de l’EUR du Grand Paris FRAPP – Plurilinguisme dans les institutions et les organisations (axe 1), Communautés imaginées et politique des langues (axe 2), Ethique et gestion de projets interculturels (axe 3), ils prendront la forme de tables-rondes, de sessions ou panels, de workshops ou ateliers pratiques et pourront s’intégrer aux axes suivants (non exclusifs) :

-          Langue/s et replis identitaires ; démocratie et plurilinguisme ; idéologies linguistiques ; langue, colonialisme, colonialité ; langue/s et démocratisation

-          Langue commune, diction démocratique, partage d’autorités, accès à la parole

-          Crises de la démocratie, politiques linguistiques, pratiques langagières

-          « Traduction et consensus démocratique » (Samoyault), traducteurs et interprètes face aux crises de la démocratie »

-          Démocratie, langues et intelligence artificielle

-          Démocratie et langue de bois

-          Langues, démocratie européenne et élections européennes

-          Démocratie, langues et transformations économique et sociale

____________________________________________________

Calendrier

Les propositions sont à adresser à eur.frapp@u-pec.fr le 16 février 2024 au plus tardLes propositions individuelles doivent inclure : titre, résumé de 350 à 500 mots et courte bio-bibliographie.

Réponse du Comité scientifique: première semaine de mars 2024

__________________________________________________

Pistes bibliographiques

Boudet Martine (coord.), Les langues-cultures moteurs de démocratie et de développement, Vulaines-sur Seine, Éditions du Croquant, 2019.

Bouthors, Jean-François et Jean-Luc Nancy, Démocratie ! Hic et nunc, Paris, Éditions François Bourin, 2019.

Brière, Emilie et Alexandre Gefen (dir.), Fiction et démocratie. Revue critique de fixxion française contemporaine, n°6, 2013, https://doi.org/10.4000/fixxion.7864

Butler, Judith, Precarious Life: the Powers of Mourning and Violence, New York, Verso, 2004.

Colloque international « Langue et démocratie », 24 au 26 août 2017 à Tampere en Finlande à l'occasion des 130 ans de la Société Néophilologique de l’Université de Tampere et le centenaire de la déclaration d’indépendance de la Finlande.

Dalgalian Gilbert, « Langues et démocratie : un lien imprescriptible », Éducation et sociétés plurilingues, 43 | 2017, 93-95.

Del Valle José, « Lengua y democracia », Confabulario, suplemento cultural de El Universal, México, 22 de junio de 2019, https://confabulario.eluniversal.com.mx/lengua-y-democracia/

Guénard, Florent, La Démocratie universelle. Philosophie d’un modèle politique, Paris, Seuil, « La Couleur des idées », 2016.

Hardt, Michael et Antonio Negri, Empire, Paris, éd. Exils, 2000.

Mbembe, Achille, Politiques de l’inimitié, 2016, Paris, La Découverte, 2018.

Rancière, Jacques, Le Partage du sensible : esthétique et politique, Paris, La Fabrique, 2000.

—, La Haine de la démocratie, Paris, La Fabrique, 2005.

—, Politique de la littérature, Paris, Galilée, 2007.

Samoyault, Tiphaine, Traduction et violence, Paris, éd. Seuil, Fictions & Cie, 2020.

Veronelli Gabriela, « Sobre la Colonialidad del Lenguaje », Universitas Humanística, 81, 2015, p. 19-44.

Veronelli Gabriela, « La colonialidad del lenguaje y el monolenguajear como práctica lingüística de racialización », Polifonia, 44, 2019, p. 146-159.

Wolf, Nelly, « Roman et démocratie : contrat, fiction, diction », Raison publique, n°21, vol. 1, 2017, p. 87-96.