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Hybridité (revue Trans-)

Hybridité (revue Trans-)

Publié le par Marc Escola (Source : Carola Borys)

Issue du domaine de la biologie, où elle désigne un « croisement de deux espèces ou deux genres différents, pour provoquer la naissance de spécimens réunissant, à un degré plus ou moins marqué, des caractères spécifiques des deux parents » (Encyclopaedia Universalis), la notion d’hybridation, appliquée à la littérature, met en jeu des questions d'ordre poétique, stylistique, linguistique et philosophique. Elle prend toute sa place au sein des réflexions menées depuis plusieurs années sur la dynamique des genres littéraires, et elle s’est notamment imposée pour qualifier une production littéraire récente, principalement narrative, à caractère documentaire ou fictionnel, dont le caractère hétérogène n’échappe pas aux récepteurs et peut même participer à une certaine “séduction” de ce mode (Louis 2020). La grande extension de l’usage contemporain de cette notion, construite à partir d’une métaphore, entre néanmoins en tension avec un certain flou dans sa conceptualisation théorique (Moiroux et Wolf 2004, 111). L’opérativité du terme, qui rencontre un grand succès, n’a donc pas empêché que soit souligné le caractère vague de la notion dans le champ des études littéraires (Gallerani 2016). 

À la suite du séminaire doctoral organisé par Agnès Edel-Roy, Julitte Stioui et Vincent Ferré pour l’EA 4395 « Lettres, Idées, Savoirs » (LIS, Université Paris Est Créteil), dont nous publions une sélection de textes, nous invitons nos contributeurs et contributrices à enrichir la réflexion en cours sur l’hybridité à partir des axes suivants.

Il convient tout d’abord d’interroger l’extension de la notion d’hybridité, en la distinguant d’autres termes dont l’emploi permet de penser le “mélange” en littérature, avec leurs nuances propres, tels le métissage, l’hétérogénéité, le grotesque, l’inquiétante étrangeté, la contamination ou l’idée normative de “pureté” ou “impureté” (cf. Guy Scarpetta 1985). Cet appel invite donc à approfondir les aspects théoriques de la notion d'hybridité, aussi bien dans ce qui la différencie d’autres conceptualisations de l’hétérogénéité (cf. Bakhtine ou encore la pensée métisse chez Serge Gruzinski) que dans les liens qu’elle entretient avec elles.      

La réflexion pourra aussi bien porter sur les croisements entre genres littéraires que découler d’une analyse à l’échelle microtextuelle, attentive aux formes variées de l’hétérogénéité textuelle (polylinguisme, polyphonie de registres, intertextualité, etc.) Elle pourra aussi aborder d’autres phénomènes comme l’intermédialité, ou les expérimentations actuelles de la littérature numérique. Il s’agit non seulement de préciser l’extension de la notion d’hybridité, mais également de se demander dans quelle mesure cette notion permet d’appréhender les procédés d’intégration et de représentation d’autres systèmes textuels et sémiotiques.  

Principalement mobilisée pour l’analyse des corpus modernes et contemporains, en particulier romanesques, la notion d’hybridité se prête également à une évaluation de sa pertinence dans le temps, à travers l’analyse “des frontières temporelles de l’hybridité du discours littéraire” (Krysinski 2004). On pourra ainsi étudier ce qui participe d’une “hétérogénéité générique constitutive” des textes relevant d’esthétiques plus anciennes et appartenant à d’autres genres littéraires comme la poésie, qui se prête à des dynamiques interdiscursives et intermédiales, mais aussi l’essai, dont l’hétérogénéité fait déjà l’objet d’une riche littérature théorique. On pourra également reconsidérer l’application analogique du paradigme biologique auquel renvoie la notion d’hybridité au champ de la littérature, en s’interrogeant, par exemple, sur les liens entre le développement de la notion d’hybridité littéraire et celui des connaissances en biologie et en génétique et des taxinomies scientifiques. On pourra, plus largement, être amenés à s’interroger sur la circulation de la notion entre les sciences du vivant et des études littéraires. 

Cet appel invite aussi à situer le processus d’hybridation au sein des trois “régimes de généricité” : auctorial, lectorial et éditorial, identifiés par Adam et Heidmann (2009). En d’autres termes, l’hybridité est-elle une caractéristique voulue par l’auteur ? Découle-t-elle des classements éditoriaux ? Ou bien la conscience du caractère hybride d’un texte dépend-il de la réception de celui-ci par les lecteurs ? La complexité des critères présidant à l’identification d’un texte comme “hybride” nous amène à envisager la dynamique interdiscursive qui permet à la littérature de dialoguer avec d’autres discours de savoir et de réfléchir à ses propres possibles heuristiques. On sera amené, de cette manière, à reconsidérer la valeur cognitive de la littérature mais aussi le caractère “hybride” des savoirs qu’elle constitue. En plus de la réception de cette littérature hybride, qu'en est-il de son enseignement? Y a-t-il des pratiques didactiques qui prennent en charge l'hybridité formelle et thématique de  la littérature?  Une réflexion plus particulière pourra être menée sur les effets de réel, ou les effets d’autorité, engendrés par un mode hybride. Cette complexité nous invite, en retour, à étudier “l’hybridité” des discours critiques sur les œuvres, et à considérer les effets liés au brouillage ou à la combinaison des savoirs dans des approches elles-mêmes transgénériques (recherche-création, réécritures, fictions critiques) et transdisciplinaires.  

Ce sujet se veut ouvert sans contraintes de période ni de genre. Une approche comparatiste est, en revanche, exigée. Les propositions d’articles (3000 signes), accompagnées d’une brève bibliographie, doivent être envoyées le 1er mars 2024 au plus tard, en fichier .DOC ou .RTF à l’adresse lgcrevue@gmail.com. En fichier séparé, le/la collaboratrice enverra sa présentation personnelle. Les articles retenus seront à envoyer pour le 1er juin 2024. 

Nous rappelons que la revue de littérature générale et comparée TRANS- accepte les articles rédigés en français, anglais, espagnol et italien. Le Comité évalue les propositions selon leur pertinence par rapport à l’appel, l’originalité de leur corpus, leur approche comparatiste ou leur qualité de réflexion théorique sur le thème proposé. Les articles ayant fait l’objet d’une publication antérieure (article, ouvrage, chapitre d’ouvrage), y compris dans une autre langue, ne seront pas retenus.