Faire vivre la chanson de geste, poumon de la littérature médiévale
Appel à communications
Journée d’étude – LARSH – Université Polytechnique Hauts-de-France
28 novembre 2024 – Valenciennes
"Si les Français n’ont pas la tête épique,
cela ne les empêche cependant pas de faire des épopées."
Théophile Gautier, Revue des deux mondes, 1841
La chanson de geste constitue un matériau narratif vivant par essence. La dénomination même interrogera le néophyte qui y verra sans doute un chant accompagné de gesticulations. Aussi, nous pouvons lire dans l’épopée médiévale l’accomplissement d’un récit empreint de voix. Le grand genre épique a marqué la littérature française par sa forme narrative tout autant que ses qualités oratoires, tel un poumon textuel. La respiration du récit devient rapidement une source d’inspiration puisqu’aux carrefours d’influences européennes, la matière de France s’inscrit dans une dynamique créative et innovante, et saura se renouveler tout au long du Moyen Âge. La puissance narrative et stylistique est capable d’innerver tout un champ littéraire, et si le déclin est définitif à la Renaissance, le genre gardera les marques d’une composition remarquable.
Dans une perspective relativement large, l’objectif de cette journée d’étude est de questionner le genre de la chanson de geste et ses possibilités. À l’aune d’une littérature française foisonnante, le genre épique pose des jalons. La métaphore physiologique nous semble une approche intéressante en ce sens où elle sous-tend plusieurs axes d’étude : la musicalité et la performance corporelle, la mouvance et la réception, ou encore la production de textes. À l’heure où la chanson de geste peut encore être redécouverte – les éditions et traductions foisonnent depuis plusieurs décennies – et rencontrer de nouveaux lecteurs enthousiastes, les Français auraient donc bien la tête épique !
Axe 1 : Le succès des chansons de geste au Moyen Âge, comme matières à (re)modeler et à mettre en voix
Cet axe d’étude propose d’évaluer la portée des récits épiques dans leur entourage littéraire. Comment la matière épique devient matière d’inspiration ? Comment les écrivains contemporains et postérieurs au genre réinventent-ils cette matière ? Comment les chanteurs de geste eux-mêmes s’approprient-ils le matériau épique ? Nous pourrons également interroger la capacité pour un récit non épique de le devenir.
Axe 2 : Le rythme et le souffle épiques
Une entrée stylistique permettrait d’évaluer les virtuosités de l’écriture épique. Empreinte d’une force vivante, les performances de la voix et la musicalité mettraient en lumière la sonorité, voire la corporalité, inhérentes à l’écriture épique. Les formules, les clichés, les effets d’échos d’une chanson à l’autre méritent d’être pensés tels une colonne vertébrale de l’écriture. L’étude du transfert de cette musicalité épique vers les mises en prose offrirait une approche complémentaire.
Axe 3 : Les influences dans la littérature française
Quel devenir pour le genre épique ? La possibilité d’observer de près les trésors évanescents de la littérature épique, qu’ils s’agissent des chansons de seconde génération ou des mises en prose, est également proposée. La réception et la signification donnée a posteriori aux chansons de geste questionnent. Dans quelle mesure ce genre aurait-il été victime de son succès, même au-delà du Moyen Âge ?
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Les propositions de communication, de 300 mots maximum, accompagnées de renseignements pratiques (statut, situation institutionnelle, domaine de recherche) sont à envoyer au format PDF, avant le 19 février 2024, à l’adresse suivante : justine.durand@uphf.fr (Justine Dockx).
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Comité scientifique :
Emanuele Arioli, Université Polytechnique Hauts-de-France, LARSH
Justine Dockx, Université Polytechnique Hauts-de-France, LARSH
Jean-Charles Herbin, Université Polytechnique Hauts-de-France, LARSH
François Suard, Université Paris-X-Nanterre.
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Bibliographie indicative
BASTIDE, Mario : « Les actes de parole dans Aliscans », L’Information Littéraire, 45/5, 1993, pp. 5-13.
BUSBY, Keith : « Performance, trahison, espionnage », Moyen Âge, 121, 2015 (3-4), pp. 663-676.
DUGGAN, Joseph J. : « Performance and transmission, aural and ocular reception in the twelfth and thirteenth century vernacular literature of France », Romance Philology, 43, 1989, pp. 49-58.
Le Souffle épique. L’esprit de la chanson de geste, éd. Sylvie BAZIN-TACCHELLA, Damien DE CARNÉ et Muriel OTT, Dijon, Éditions Universitaires (coll. Écritures), 2011.
LEUPIN, Alexandre : « Les pompes funèbres de l’oralité : féodalité dans les Serments de Strasbourg et la Chanson de Roland », PRIS-MA, XXII (1-2), n° 43-44, 2006, pp. 87-98.
MÖLK, Ulrich : « Remarques philologiques sur les gestes autoréférentiels du narrateur dans les premières chansons de geste », Das Potenzial des Epos. Die altfranzösische Chanson de geste im europäischen Kontest, éd. Susanne FRIEDE et Dorothee KULLMANN, Heidelberg, 2012, pp. 43-51.
SCHOYSMAN, Anne : « Voix d’auteur, voix de copiste dans la mise en prose : le cas de David Aubert », Rencontres du vers et de la prose : conscience théorique et mise en page, éd. Catherine CROIZY-NAQUET et Michelle SZKILNIK, Turnhout, Brepols, 20015, pp. 49-60.
STEVENS, John : « Reflections on the Music of Medieval Narrative Poetry », The Oral Epic : Performance and Music, éd. Karl REICHL, Berlin, Verlag für Wissenschaft und Bildung, 2000, pp. 233-248.
SUARD, François : « Conclusions », L’épopée ; mythe, histoire, société, éd. Jean-Pierre MARTIN et François SUARD, Paris, Centre des Sciences de la littérature, Université de Paris X-Nanterre, 1996, pp. 123-130.
ZUMTHOR, Paul : La Lettre et la voix. De la « littérature » médiévale, Paris, Seuil, 1987.
ZUMTHOR, Paul : La Poésie et la voix dans la civilisation médiévale, Paris, P.U.F., 1984.