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"Exemplaire", "didactique", … et pourquoi pas "littéraire" ? Vers une ouverture de la définition du "littéraire" du Moyen âge au XVIIIe s. (Genève)

Publié le par Faculté des lettres - Université de Lausanne (Source : Prunelle Deleville)

« Exemplaire », « didactique », … et pourquoi pas « littéraire » ?

Vers une ouverture de la définition du « littéraire » du Moyen âge au XVIIIe siècle

7 novembre 2024 – Université de Genève

Avant le XIXe siècle, la littérature ne distinguait pas l’écriture littéraire à préoccupation essentiellement esthétique de l’écriture fonctionnelle, utilitaire et notamment scientifique. C’est à partir du XIXe siècle que s’amorce un mouvement de détachement, de scission de l’un et de l’autre. La littérature se définit alors comme un ensemble de textes, un corpus s’appuyant sur une liste de productions restreinte. Il en résulte une exclusion pour les textes à vocation édifiante.

Cette exclusion tient au fait que les définitions actuelles du littéraire reposent principalement sur trois critères. Le premier est d’ordre esthétique ; le second fait reposer sur le plaisir la « valeur littéraire » qu’on accorde à une œuvre ; enfin, le troisième critère valorise le « surplus » du texte, ce qu’une première lecture n’épuise pas en terme herméneutique. En effet, selon Roland Barthes, est littéraire le texte qui dit autre chose que ce qui est dit explicitement (Degré zéro de l’écriture). Ces trois distinctions permettent d’exclure de la littérature un grand nombre de textes. Pourtant, ces critères peuvent être sujets à caution, à nuance. Si la littérature n’est pas encore apparue comme une réalité au Moyen Âge, le littéraire en est-il pour autant absent ? Car pour atteindre leur but – instruire et édifier – leurs auteur.e.s mettent en place des stratégies reposant sur deux piliers de la rhétorique antique : plaire et instruire, docere et placere. En outre, la seule dimension esthétique peut en effet sembler réductrice ; la question du plaisir est subjective ; et celle de la sursignification ne convient pas forcément aux époques que nous souhaitons interroger, dont les textes n’ont pas toujours été étudiés sous cet angle. C’est notamment ce dernier critère qui exclut de la littérature bon nombre de textes médiévaux, pourtant a priori plaisants, comme les exempla. Or cette définition pourrait être questionnée à l’aune des textes didactiques et exemplaires du Moyen âge au XVIIIe siècle, qui font implicitement reposer le littéraire sur d’autres fondements, notamment l’utile mêlé à l’agréable, ou encore la morale, qui justifient le fait d’écrire. Il nous semble donc légitime d’élargir ces grilles d’analyse pour fournir non pas de nouveaux critères une fois de plus excluants mais réfléchir au contraire à des lignes communes, non contraignantes, qui peuvent se dégager du Moyen Âge au XVIIIe siècle.

Quand on évoque la « littérature » didactique ou exemplaire, le terme « littérature » renvoie donc seulement à un ensemble de textes plutôt qu’à la dimension « littéraire » de ce type de textes. Ce type de littérature mérite-t-il pour autant d’être exclu de ce qui est considéré comme littéraire ? Se pose ici la question de la définition que nous donnons, depuis le XIXe siècle, de la littérature.

Le présent colloque envisage de réévaluer cette définition pour admettre que d’autres textes, d’époques passées, pourraient être littéraires, faire partie de la littérature. Nous aimerions ainsi interroger les facteurs de la canonisation littéraire qui s’est imposée à nous. Du Moyen Âge, par exemple, seuls quelques textes ont été consacrés par la critique du XIXe siècle comme « littéraires », comme dignes d’intérêts, tels que l’épopée ou la matière arthurienne. Les œuvres didactiques, sapientiales, morales ou exemplaires ont pourtant eu un large succès en leur temps. Par un examen littéraire, nous pourrions ainsi fournir de nouveaux éléments d’analyse, communs aux textes du Moyen Âge, des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, pour accueillir ces corpus dans l’histoire littéraire. Quelles différences fait-on en effet entre certains textes exemplaires, et les Fables de la Fontaine, par exemple, dont la canonisation est unanime ? Pourquoi ce qu’on accorde, à juste titre, à ce texte est refusé à d’autres qui reposent sur les mêmes mécanismes ?

Des travaux sur la littérature sapientiale ou hagiographique du Moyen Âge ont déjà montré combien des œuvres jusque lors considérées comme essentiellement didactiques ou morales s’avèrent riches lorsqu’on les étudie comme des textes littéraires. En appliquant cette analyse à ce type de textes nous aimerions déterminer en quoi les textes exemplaires et didactiques sont ou ne sont pas littéraires, pour offrir de nouvelles pistes qui sortent du cadre restreint du regard que nous portons actuellement sur ces textes et qui est conditionné par l’histoire littéraire.

En d’autres termes, nous voudrions réévaluer les critères de littérarité actuels (post XIXe siècle) et à la fois rendre compte de la littérarité propre aux textes composés avant le XIXe siècle.

Le colloque tentera d’apporter une réponse à ces quelques questions indicatives :

-       En quoi la contrainte de l’utile, de l’édification morale peut-elle avoir une vertu littéraire ?

-       En quoi la littérature peut-elle avoir une vocation édificatrice ?

-       Comment expliquer la marginalisation de ces textes ?

-       Quelles nouvelles approches peut-on proposer pour définir la littérarité spécifique à ces textes ?

-       Comment les auteur.e.s de la période étudiée réfléchissent à la possible dimension littéraire de leur texte ?

-       Comment peut-on penser une conception large de la littérature, qui s’applique aux époques médiévales et modernes ?

Le colloque se tiendra le 7 novembre 2024 à l’Université de Genève.

Les propositions de communication (max 200 mots) sont à envoyer avant le 29 février 2024 à  prunelle.deleville@unige.ch.

 

Organisation 

Prunelle Deleville

 

Comité scientifique

Camille Carnaille

Prunelle Deleville

Philippe Frieden