Appel à communications
Sexualités : l’intimité entre normes et singularités
Cette journée d’étude, qui se tiendra le 12 avril 2024 à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour, propose d’explorer la question de la sexualité de manière transdisciplinaire. Cet événement scientifique est organisé par les étudiants en master 2 « Histoire, Civilisation, Patrimoine » de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour. Il s’agit, dans le cadre de cette manifestation, de questionner la sexualité à travers l’histoire, l’archéologie, l’anthropologie et l’histoire de l’art sur le temps long et au sein d'espaces géographiques variés.
L’objectif de cette journée sera de questionner l’expression d’une tension entre norme(s) et singularité(s) sexuelle(s) dans le paysage social, politique, culturel et religieux des sociétés anciennes et actuelles.
Cette journée d’étude se veut transdisciplinaire. L’apport de chaque discipline permettra de décentrer les conceptions et les réflexions en apportant des points de vue, des approches et des méthodes différentes. L’intérêt réside dans le dialogue qui peut se créer en confrontant ces différentes sources et disciplines.
La masse de représentations iconographiques, littéraires, cinématographiques ou vidéoludiques qui émanent des représentations individuelles et collectives permettent d’approcher cette thématique par de multiples regards questionnant à la fois les méthodes, les sources et les approches des diverses disciplines à ces enjeux. À l'inverse, la difficulté que présente l'étude de l'intime par les sources archéologiques est un contre-point saillant. L'étude des sources historiques présente souvent la difficulté de saisir le privé par-delà le voile des pudeurs. L'enquête anthropologique quand à elle, interroge les manières d'aller à la rencontre de l'autre, de son affect et de ses sentiments.
À partir de ces éléments, nous pouvons alors entrevoir des pistes de réflexion stimulantes. À cette occasion, nous tenterons de croiser les réflexions autour de ces sujets à la lumière des enjeux actuels de nos sociétés. Une histoire de l'intimité est-elle possible, et à partir de quelles sources ? Comment étudier et appréhender l’intime et la singularité dans une société normative ? Comment questionner et dépasser la rigidité et la régularité de la norme en tant qu’institution sociale ? Comment la norme impose-t-elle un modèle et réprime les singularités ? Comment les singularités peuvent-elles bousculer les normes ?
La sexualité, au sein des sciences sociales, est étudiée au travers des pratiques, des identités sexuelles et de la représentation des pratiques sexuelles et sexualisantes. L’après-guerre, et surtout l’après Mai 1968, est marqué par une libération sexuelle ayant un important écho dans les sciences sociales à partir des années 1970. Dès lors, la sexualité a été pensée dans son rapport au pouvoir, au discours et à la répression (Foucault, 1976). Ainsi, l’encadrement par l’Eglise au sein de l’Europe médiévale et moderne (Rossiaud, 2012), mais aussi le mariage comme système normatif constituent des institutions qui régulent les rapports à la sexualité dans un cadre pratique.
Le corps est sujet à de nombreuses représentations aussi bien érotiques (Journiac, 1972), intimes (Darmon, 2012) et normatives (Buscatto, 2012). Le corps est contrôlé et est investi de normes dominatrices à travers la colonisation notamment (Peiretti-Courtis, 2021). L'histoire des violences sexuelles et conjugales met au jour les rapports entre sexe et domination (Vanneau, 2016) ; dans le cadre colonial ou en temps de guerre, elle revêt une fonction altérisante. Elle est aussi intimement liée à celle des dominations sexuelles. Ainsi, les violences sexuelles et la sexualisation revêtent une fonction altérisante aussi bien du point de vue de l’histoire du genre que dans un rapport de domination coloniale (Boëtsch dir, 2019 ; Blanchard dir, 2018) et en temps de guerre (Branche & Virgili dir, 2011). Il est aussi intéressant de questionner l’évolution des normes et des conceptions concernant les actes et les conceptions sexuelles sur le temps long (Boehringer, 2016).
Un des exemples flagrants du rapport à la norme, à l’intimité et aux singularités est la prostitution (Corbin, 1978 ; Rossiaud, 1988). Son existence et sa polymorphie sont à questionner dans un élan transdisciplinaire afin d’observer les continuités et les ruptures des normes et des représentations qui l'entourent. Imposer des normes insinue aussi l’existence de pratiques et d’identités qui transgressent ces normes, qui forment des singularités. Les relations entre personnes de même sexe n’ont pas toujours été considéré comme le fruit d’une répression ou d’un jugement et varient selon les contextes sociaux, politiques, religieux et culturels (Aldrich, 2006). Néanmoins, l’existence de pratiques sexuelles illégales ou singulières dans un cadre donné rend compte de l’impossible suprématie de la norme (Aldrich, 2002).
L’immiscions des queer studies dans le champ des recherches sur la sexualité et le genre à partir des années 1990 aide à saisir les constructions d’identités genrées et remet en question la nature même des genres qui sont mouvants selon les sociétés et les époques (Boehringer, 2007; Dellile, 2022). Cette historiographie apporte un regard transdisciplinaire majeur entre histoire et histoire de l’art (Warner, 1993 ; Bordes, 2007 ; Barlow, 2017). Les enjeux contemporains qui marquent nos sociétés invitent à historiciser et à repenser ces thématiques afin d’en étudier leurs racines et leurs formes.
Les champs thématiques présentant un certain intérêt pour la journée d’étude, sans pour autant s’y limiter sont les suivants :
● Histoire, archéologie et anthropologie du genre ;
● Histoire, archéologie et anthropologie de la prostitution ;
● L’érotisme et représentation du corps ;
● Histoire de l’éducation sexuelle ;
● Expressions et pratiques de la singularité ;
● Représentations et identités queer ;
● Littérature et imaginaires sexuels ;
● Les représentations sociales et collectives de la sexualité ;
● Sexualité et pouvoir(s) : Le rapport des institutions étatiques, religieuses face aux questions sexuelles ;
● La répression des pratiques et des identités dites déviantes ;
● Colonisation et sexualité ;
● Histoire de la sexualité : sources et matériaux du chercheur.
Modalités de soumission :
La date limite de soumission des communications est fixée au mardi 26 janvier 2024. Les communications (1 page, soit environ 500 mots) devront être envoyées avec une courte présentation de l’intervenant potentiel à vielmas.m@etud.univ-pau.fr
Comité d’organisation :
L’ensemble des étudiants du master 2 « Histoire, Civilisation, Patrimoine » de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour.
Assister à la journée d'étude :
Pour assister à la journée d'étude en présentiel ou distanciel, merci de remplir le formulaire d'inscription suivant :
Bibliographie :
Aldrich, R. (dir.), (2006) : Une histoire de l’homosexualité, Paris, Le Seuil.
Algrain, I. (dir.) (2020) : Archéologie du genre. Construction sociale des identités et culture matérielle, Bruxelles, Université des femmes.
Barry, L., Handman, M.-E., Chetcuti, N. et Pourette, D., (2012) : « Anthropologie de la sexualité », Annuaire de l’EHESS, 57-358.
Bazin, L., Mendes-Leite, R. et Quiminal, C., (2000) : « Déclinaisons anthropologiques des sexualités », Journal des anthropologues, 82-83.
Beauvalet Scarlett (2010), Histoire de la sexualité à l’époque moderne, Paris, Armand Colin.
Benos, M., Guyon, J., Roncière Chr. (de la), Lecrivain P. (1985) : Le Fruit défendu : les chrétiens et la sexualité de l'antiquité à nos jours, Paris, Le Centurion.
Belard, C. (2017) : Pour une archéologie du genre. Les femmes en Champagne à l’âge du fer, Paris, Hermann.
Boehringer S. (2005). “Sexe, genre, sexualité : mode d’emploi (dans l’Antiquité)”, Kentron, 21, p. 83-110.
—, (2007) : Boehringer, S. - L’Homosexualité féminine dans l’Antiquité grecque et romaine, (réédition), Paris, Les Belles Lettres.
Boehringer, S. et Sebillote-Cuchet, V. (2015) : “Corps, sexualité et genre dans les mondes grec et romain”, Dialogues d’histoire ancienne, 14, p. 83-108.
Boswell, J. (1994) : Same-Sex Unions in Premodern Europe, New York, Villard Books.
Calame, C. ( 1996) : L’Éros dans la Grèce antique, Paris, Belin éditions.
Cantella, E. (1991) : Selon la nature, l'usage et la loi : la bisexualité dans le monde antique, Paris, Éditions La Découverte.
Claasen, C. (ed.) (1992) : Exploring Gender Through Archaeology, Selected Papers from the 1991 Boone Conference, Madison.
Chaperon, S., (2007) : Les origines de la sexologie (1850-1900), Paris, éditions Audibert.
Creissels, A. et Zapperi, G., (2007) : « Histoire de l’art en France et gender studies : un mariage contre nature ? », Perspective, 4, 710-715.
Conkey, M. et (D.) Spector, J. (1984) : “Archaeology and the Study of Gender”, Advances in archaeological method and theory, vol. 7, Stanford, 1-38.
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Demoule, J.-P. (2012) : “Pouvoirs, sexes et genres”, Les Nouvelles de l’archéologie, 127, p. 21-25.
Delille, D., (2022) : « Pour une histoire queer de l’art : récits alternatifs et expériences de déplacement », Perspective, 2, 229-248.
Désveaux, E., (2022) : Sexualités, sociétés, nativités : une enquête anthropologique, Ceyzérieu, Champ Vallon.
Donald, M. et Hurcombe L. (ed.) (2000) : Gender and Material Culture in Archaeological Perspective, Londres.
Dover, K., (1978) : L’homosexualité grecque, Grenoble, La pensée sauvage.
Dumézil G., (1995) : Mythes et épopée I. II. III., Paris, Gallimard.
Eloi, T., (2005) : “La sexualité de l’homme romain antique”, Clio - Histoire, femmes et sociétés, 22, 167-184.
Fouclault, M., (1984) : Histoire de la sexualité, Paris, Gallimard.
Frischauer, P. (1969) : L’archéologie de la sexualité, Paris : Stock.
(Le) Guennec, M.-A. (2017) : “De l’usage de jetons à motifs érotiques : les spintriae romaines.”, Bulletin de la Société Française de Numismatique, 72 (10).
Handman, M., (2008) : “L’anthropologue et le système sexe/genre”, Connexions, 90, 77-85.
Houbre, G., (2006) : Insoumises. Police des moeurs et prostitution clandestine au XIXe siècle, Paris, Tallandier.
Laqueur, T., (2005) : Le sexe en solitaire : contribution à l’histoire culturelle de la sexualité, Paris, Gallimard.
Lett, D. et Noûs, C., (2020) : « Les médiévistes et l’histoire des femmes et du genre : douze ans de recherche », Genre & Histoire, no 26.
Liucci-Goutnikov, N., (2022) : « La sexualité dans l’art du vingtième siècle, une histoire de représentations », La Recherche, Paris, Centre Pompidou, musée national d’Art moderne.
Muller, C., (2019) : Au plus près des âmes et des corps. Une histoire intime des catholiques au XIXe siècle, Paris, Presses universitaires de France.
Newton, E., (2008) : “Le mythe de la lesbienne masculine : Radclyffe Hall et la Nouvelle Femme”, Cahiers du genre, 15-42.
Prados Torreira, L. et Lopez Ruiz, C. (ed.) (2008) : Arqueología del género, Primer encuentro internacional en la U.A.M., Madrid.
Pavel, C. (2022) : L’archéologie de l’amour, l’Aube.
Pastorello, T., (2016) : “Sexualités en révolutions, XIXe-XXIe siècle”, Dissidences, vol. 15.
Peiretti-Courtis, D., (2018) : “Sauvagerie, édénisme ou érotisme ? Regards médicaux sur la nudité africaine (1780-1950)”, Outres-mers, n°398-399, 45-62.
Rossiaud, J., (2012) : Sexualités au Moyen Age, Histoire Gisserot, Paris, Éditions Jean-Paul Gisserot.
Schmidt, R. A. et Voss, B. L. (2000) : Archaeologies of Sexuality, Londres.
Steinberg, S., (2018) : Une histoire des sexualités, Paris, Presses universitaires de France.
Stig Sørensen, M. L. (2000) : Gender Archaeology, Polity.
Tamagne, F., (2006) : “Histoire des homosexualités en Europe : un état des lieux”, Revue d’histoire moderne et contemporaine, n°53-4, 7-31.
Tremeaud, C. (2018) : Genre et hiérarchisation dans le monde nord-alpin, aux âges du Bronze et du Fer, BAR Publishing.
Zeller, J., (2021) : “Pour une histoire des sexualités : évolution des représentations et des luttes du XIXe siècle à nos jours”, Silomag, disponible en ligne à l’URL: https://silogora.org/pour-une-histoire-des-sexualites-evolution-des-representations-et-des-luttes-du-xixe-si ecle-a-nos-jours.