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Le monde en crise(s). Langue(s) et société(s) en mouvement

Le monde en crise(s). Langue(s) et société(s) en mouvement

Publié le par Faculté des lettres - Université de Lausanne (Source : Rodolphe Pauvert)

Le mot crise, dérivé du mot grec krisis, signifie jugement, décision. Conceptuellement parlant, « la crise est une maladie » (métaphore conceptuelle justifiée en diachronie d’ailleurs par son sens étymologique de « phase décisive d’une maladie ») ou bien « c’est une guerre », si nous nous attachons au sens de « accès avec manifestations violentes ». Il s’agit, donc, d’un moment de changement majeur.

Nos sociétés sont traversées par des crises qui se succèdent et, bien souvent, se superposent, pour leur permettre - si ce n’est de les y contraindre - d’évoluer, de se transformer.

Le colloque s'intéressera aux deux axes parallèles et complémentaires suivants : La crise économique / L'économie de la crise et Le discours à l'heure de la crise.

Axe 1 : La crise économique / L’économie de la crise

La notion de « crise économique » est relativement récente et il en est de même concernant son étude. La première « crise économique » serait la crise des tulipes du 17ème siècle.

La notion de « crise économique » apparaît ainsi comme une évidence matérialisée par des mesures mathématiques, statistiques objectives. Selon le dictionnaire Larousse, il s’agit d’une « rupture d'équilibre entre la production et la consommation, caractérisée par un affaiblissement de la demande, des faillites et le chômage. ». Il est désormais accepté que c'est bien plus.

Bien qu'il soit difficile de saisir pleinement l'ensemble des facteurs et des impacts d'une crise économique, nous nous proposons d'explorer trois versants :

- La crise économique : au-delà de l’économie

La crise économique ne peut être réduite à une dimension mathématique. Il nous suffit, par exemple, de penser à « l'effet de crise », à l'impact sur la population, en termes psychosociaux, mais également, en amont, à la posture prise par la population, à son influence, sur la crise elle-même, à son déclenchement conscient mais aussi et surtout inconscient. Anticiper la crise peut précipiter la crise, les appréhensions en période de crise établie peuvent avoir et ont un effet qui l'accentue et la prolonge. La crise économique est une question qui intéresse ainsi bien plus que les sciences économiques.

- Économie « en crise », économie « de crise »

Présentée comme un dérèglement, un effondrement, la crise économique peut-elle être simplement perçue comme un autre état, une autre phase du cycle économique qui, malgré la situation, ne s'arrête pas et se ré-organise, générant une « économie de crise » ?

D'un côté se trouveraient ainsi ceux qui exploitent la crise, la misère. Pensons, par exemple, à l'activité nouvelle qui s'est créée autour des mouvements migratoires très importants des dernières années : l'approvisionnement et la gestion des camps de réfugiés.

De l'autre côté se trouveraient alors ceux pour qui le contexte est un facteur positif d'amorce de reprise. A l'instar de la crise financière qui retentit comme un big bang tout en semant les germes de sa renaissance, la crise économique conduirait alors à leur chute les entreprises qui présentent des faiblesses trop importantes tout en créant simultanément un environnement propice à l'émulation et à l'émergence des piliers de la reprise à venir.

La crise économique est-elle multiculturelle ?

Plutôt que de parler de la crise économique, ne faudrait-il pas, pour un même événement, parler des crises économiques ? Un même phénomène connu et rencontré à des époques ou dans des zones géographiques différentes peut-il être réduit à une même modélisation, à une même acceptation, à un même vécu ? La crise économique nous ramène ainsi au débat sur l'uniformisation planétaire des cultures et / ou la persistance, la cohabitation, d'identités culturelles passées, présentes et en formation.

Axe 2 : Le(s) discours de la crise

Dans la perspective de l’analyse du discours, la crise représente un moment de rupture du discours public habituel pour se concentrer sur les aspects provoquant la situation à résoudre et sur les solutions possibles. Au niveau discursif, on voit presque dans toutes les crises une tendance à amplifier les visions pessimistes, maintes fois soutenues par des procédés stylistiques comme la métaphore, utile à rendre plus transparents des concepts difficiles ou, au contraire, à exprimer d’une manière euphémistique une réalité dure.

Le discours de la crise peut devenir excessif dans les médias et l’expression linguistique choisie par les locuteurs peut influencer la perception du public. Dans les crises où il y a aussi des réactions sociales aux événements, les discours servent même à manipuler.

Pendant les crises les plus récentes, on a vu généralement quatre types de discours publics, selon le type de locuteurs et la relation établie avec le grand public :

- Le discours des hommes politiques, pour lesquels la crise peut être, à la fois, un désastre d’image ou bien une occasion pour se faire remarquer et, éventuellement, se poser en sauveur de la Nation

- Le discours des experts, surtout pendant l’épidémie de COVID-19, lorsque les représentants de la politique n’ont pas eu ni la compétence, ni l’autorité de s’exprimer sur l’évolution de la pandémie

- Le discours des journalistes, très varié quant à l’expression de l’information et au but de la transmission

- Le discours des « citoyens », parfois interviewés dans la rue pour obtenir une réaction qui se voudrait un miroir de l’opinion publique, mais qui la représente rarement vraiment

Étant donné la variété des types de discours possibles pendant les crises, cet axe du colloque a pour objectif de réfléchir, à partir des différents corpus de discours publics, sur les possibles interférences du discours public sur la crise avec, par exemple, d’autres types de discours spécialisés comme le discours politique. Les points de vue seront multiples, en allant des unités lexicales aux procédés pragmatiques complexes comme l’ironie et la construction de l’éthos ou du pathos. On s’intéressera aux contributions qui étudient les aspects lexicaux, syntaxiques, sémantiques ou pragmatiques des discours sur la crise, dans la langue parlée, dans les discours transmis au grand public ou bien dans la communication par les médias.

Le présent colloque s’inscrit dans la philosophie de la recherche de spécialité en LEA (Langues Etrangères Appliquées aux affaires, au commerce et à la traduction) en favorisant la rencontre entre :

       - disciplines dont le commun dénominateur est la langue maternelle ou étrangère et la civilisation appliquées aux sciences économiques, à la gestion, à la communication et à la politique notamment (les champs disciplinaires ne sont pas ici limitatifs) ;

       - différentes familles de spécialistes, qu’ils soient chercheurs, professionnels ou encore étudiants initiés à la recherche, à même de questionner un sujet sous différents angles afin d’enrichir le débat ;

       - participants internationaux qui s’intéressent à une / des aire(s) géographique(s) des cinq continents, du monde contemporain (XX-XXIème siècles).

Date limite d’envoi des propositions : 22 janvier 2024

Les langues de travail sont : le français, l’allemand, l’anglais, l’espagnol et l’italien. Les actes du colloque donneront lieu à publication (convention déjà établie).

Les propositions (max. 500 mots), CV courts et éventuelles questions sont à adresser au comité d’organisation aux adresses électroniques suivantes :

claire.decobert@univ-orleans.fr ; rodolphe.pauvert@univ-poitiers.fr

Frais d’inscription au colloque : 

Enseignants-chercheurs et assimilés : 75 euros

Doctorants : 50 euros

Etudiants : gratuit.

Bibliographie indicative :

BENSIDOUN Isabelle et COUPPEZ-SOUBEYRAN Jézabel, « La crise du Covid-19 ouvre-t-elle la voie à une mondialisation moins débridée ? », The Conversation [En ligne], 3 janvier 2022, URL : https://theconversation.com/la-crise-du-covid-19-ouvre-t-elle-la-voie-a-une-mondialisation-moins-debridee-174293

BONNETON Valérie, Les discours de la crise, ENS LSH Lyon, collection Revue Mots, 2017.

ESCANDE-GAUQUIE Pauline, « La crise : les mots pour la dire », Communication & langages, 2009/4 (N° 162), p. 67-74, URL : https://www.cairn.info/revue-communication-et-langages1-2009-4-page-67.htm

GRJEBINE Thomas, « Dettes publiques : quel est le risque d’une nouvelle crise ? », Alternatives économiques [En ligne], 20 janvier 2021, URL : https://www.alternatives-economiques.fr/thomas-grjebine/dettes-publiques-risque-dune-nouvelle-crise/00095182

IMBERT Louis, Fabrique d’un discours de crise, 10/18, collection Amorce, 2022.

KIRMAN Alan, « La théorie économique dans la crise », Revue économique [En ligne], 2012/3 (vol.63), pages 421 à 436, URL : https://www.cairn.info/revue-economique-2012-3-page-421.htm  

LEON Florian et JACOUTON Jean-Baptiste, « Pacte financier mondial : quel rôle pour les banques publiques de développement face aux crises ? », The Conversation [En ligne], 20 juin 2023, URL : https://theconversation.com/pacte-financier-mondial-quel-role-pour-les-banques-publiques-de-developpement-face-aux-crises-205523

LESSUISSE Pierre, « En cas de choc, comment le marché du travail s’ajuste-t-il dans l’Union européenne », La Tribune [En ligne], 2 février 2023, URL : https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/en-cas-de-choc-comment-le-marche-du-travail-s-ajuste-t-il-dans-l-union-europeenne-950147.html

LONGUET Stéphane, MARQUES PEREIRA, Jaime, « Discours de la crise, crise du discours », Économie et institutions [En ligne], 22 | 2015, URL :

http://journals.openedition.org/ei/971

ORDIONI Natacha, « Le concept de crise : un paradigme explicatif obsolète ? Une approche sexospécifique », Mondes en développement [En ligne]  2011/2 n°154 p137-150 URL : https://www.cairn.info/revue-mondes-en-developpement-2011-2-page-137.htm

TOURAINE Alain, Après la crise, Seuil, 2010.