L’Afrique est un continent où la diversité est valorisée par la richesse de ses langues (2500 langues !), de ses ressources, de sa culture, de ses sociétés et de son histoire. Cette particularité distingue ce territoire, car comme le rappelle Fauvelle (2022), elle témoigne d’une histoire de diversification singulière qui ne s’est pas passée ailleurs. La diversité de l’Afrique est ainsi intimement liée à l’ailleurs, un ailleurs qui renvoie à l’occident. Paradoxalement, sous le prisme occidental, l’Afrique est toujours l’autre. La diversité africaine ne renvoie plus à sa richesse culturelle, mais elle devient une altérité uniforme qui marque la différence avec l’occident, effaçant toute différence au sein même du continent africain. Ce processus d’indifférenciation est un des résultats de l’entreprise coloniale, qui a aussi contribué à oublier, voire effacer, une histoire africaine aux « siècles d’or ».
Par conséquent, en réaction au sombre passé colonial et en se calquant sur le concept hégémonique occidental d’universalité, la question identitaire africaine s’est vue repensée par la notion d’africanité. Senghor la définit comme un groupe de valeurs des civilisations propres au monde africain, regroupant ainsi la notion de négritude – l’ensemble des valeurs culturelles de l’Afrique noire – et d’arabité définie par l’arabisme. Dès lors, l’identité de l’Afrique devient plastique, tantôt diverse, tantôt unifiante, mais ces changements sont constitutifs des relations et des paradigmes sociaux, culturels et politiques tant internes qu’externes au continent d’une région ou d’une époque à l’autre.
Aujourd’hui, un regain d’intérêt est porté sur la diversité de l’Afrique, et ce, en particulier, dans le monde académique occidental. Preuve en est l’abondante littérature académique ayant pour thématique centrale : L’Afrique dans sa globalité. Dans une même approche, en 2019, la création de la chaire « histoire et archéologie des mondes africains », au Collège de France, dirigée par François-Xavier Fauvelle est hautement symbolique dans cette démarche qui vise à valoriser les recherches sur l’Afrique, à souligner son multiculturalisme, et à étudier son histoire – notamment la période médiévale encore peu connue. Toutefois, il n’est pas nécessaire d’aller jusqu’au Collège de France pour trouver des chercheurs et chercheuses qui ont pour sujet de recherche l’Afrique. À notre niveau local, l’Université de Lausanne en compte aussi un grand nombre au sein des différentes Facultés.
Ainsi, cette journée d’étude a pour but, par une approche globale, de promouvoir les travaux des jeunes chercheurs et chercheuses de l’Université de Lausanne. Il s’agit de mettre en valeur l’éclectisme des recherches en cours et de croiser les multiples domaines – sociologie, littérature, histoire, linguistique, géographie, écologie, religion, philosophie, économie ou politique – dans lesquels des réflexions sur les cultures et les mondes africains sont abordées. Cette journée est par conséquent l’occasion, d’une part, de sortir l’Afrique d’une vision essentialiste d’un ailleurs resté fermé, sans lien avec le reste du monde, et d’illustrer que le continent africain constitue un élément d’un ensemble. D’autre part, cette journée contribue à renforcer la place de l’Afrique comme un pôle de recherches.
Dès lors, la journée d’étude doctorale et postdoctorale a pour dessein d’intégrer la communauté universitaire lausannoise dans une synergie interdisciplinaire et de rendre visibles les recherches qui ont trait à l’Afrique dans son alma mater. Si cet évènement permet aux jeunes chercheurs et chercheuses de Lausanne de se rencontrer, la volonté est aussi de donner l’opportunité à cette communauté académique d’établir des liens avec la Cité et de prolonger les raisonnements sur les questions de diversité, d’inclusion et de discrimination en discutant avec des acteurs du secteur public, des associations et des élus locaux. Par conséquent, en plus des communications scientifiques, une table ronde sera organisée autour d’un débat entre participants venant de différents horizons, aussi bien académiques que non académiques.
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Cette rencontre s’inscrit dans le projet Interact « l’Afrique d’aujourd’hui, le Monde de demain » (AMD), favorisant un échange civique, culturel et scientifique entre la Ville et l’Université autour d’une réflexion sur les apports croisés, les diasporas et leurs contributions au paysage socioculturel helvétique.
Le projet se concrétise par deux évènements majeurs : d’une part, le festival « Afrique en Ville », qui a eu lieu le 26 août 2023 au parc de Valency, offrant un cadre culturel et artistique tout en créant du lien social et en mettant en valeur la diversité de la population africaine en Suisse romande ; d’autre part, cette journée d’étude doctorale et postdoctorale du 8 décembre 2023 à l’Université de Lausanne.
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Programme
Vendredi 8 décembre 2023 - 8h30 à 17h00 - Université de Lausanne, Amphipôle - 340
Matinée doctorale
8h30-8h45 Accueil et introduction
L’Afrique entre action et interaction (modération Ivan Sainsaulieu)
8h45-9h15 Kevin Rosianu (SSP, doctorant), Entre vulnérabilité et résilience : la reconfiguration des masculinités des combattants congolais de mixed martial arts en Afrique du Sud.
9h15-9h45 Corneille Rogromel (GSE, doctorant), Les réseaux des entreprises multinationales et le développement des villes africaines.
9h45-10h15 Jean-Marie Oppliger (SSP, doctorant), «Si y avait pas de problème de langue, cette coopération allait être du ouf» : la communication dans le travail des équipes médicales chinoises au Cameroun.
L’Afrique entre nature et culture (modération Agathe Sultan)
10h45-11h15 Aurore Rimlinger (GSE, docteure), Rencontre avec le safou, un fruit emblématique mais négligé d’Afrique centrale, du XVIIe au XXe siècle.
11h15-11h45 Carmelle Koné (Lettres, doctorante), Brassage culturel dans les dramaturgies de l’Afrique de l’Ouest francophone.
11h45-12h15 Karine Guillaume et Natacha Hell (Lettres, masterantes), Le Moyen Âge africain, un objet de médiation culturelle pour le festival «Afrique en Ville», entre mémoire culturelle et construction communautaire.
Après-midi Uni-Cité
14h00-15h00 Conférence: Gaële Goastellec (SSP), Ouvrir la boîte noire des discriminations systémiques : éléments de réflexion.
15h30-16h30 Table ronde: Justine Hirschy (BLI), Amina Benkais-Benbrahim (BCI), Gaële Goastellec (SSP), Chritine Le Quellec Cottier (Lettres), Gretchen Walters (GSE), L’échange des pratiques et des savoirs.
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Bibliographie
Bidima, J. G. (2007). "La diversité culturelle africaine vue sous l’angle des médias". Diogène,(4), 138-152.
Fauvelle-Aymar, F.-X. (2013). Le rhinocéros d’or: histoires du Moyen Âge africain. Paris : Alma éditeur.
Fauvelle, F.X. et Lafont A. (dir.). (2022). L’Afrique et le monde : histoires renouées. De la préhistoire au XXIe siècle. Paris : La découverte.
Fila-Bakabadio, S. (2009). "L’étoffe de l’africanité". Civilisations, 58-1, 39-54. https://doi. org/10.4000/civilisations.1899.
Girault J. et Lecherbonnier B. (dir.). (2002). Léopold Sédar Senghor. Africanité et Universalité. Paris : L’Harmattan.
Glissant, E. (1996). Introduction à une poétique du Divers. Paris : Gallimard.
Gueye, A. (2005). "Les chercheurs africains en demande d’Occident". Esprit, 317 (8/9), 219-227.
Hombert, J. M. (2009). "La diversité culturelle de l’Afrique est menacée". La recherche, 429, 36-39.
Kamadeu, B. M. D. (2022). "Évolution des représentations de la diversité culturelle chez les auteurs africains de la migritude". Çédille: Revista de Estudios Franceses, (22), 263-276.
Leguil-Bayart, J.-F. (1999). "L’Afrique dans le monde : Une histoire d’extraversion". Critique Internationale, 5, 97. https://doi.org/10.3406/criti.1999.1505.
Semujanga, J. (2001). "De l’africanité à la transculturalité : éléments d’une critique littéraire dépolitisée du roman". Études françaises, 37(2), 133–156. https://doi.org/10.7202/009012ar.