"Fidélités.
Le Littré nous rappelle que ce mot est pluriel : outre le fait de garder la foi donnée, il est aussi question de vérité, de sincérité… et de probité. Quels mots étranges aujourd’hui ! Mais peut-être vaut-il mieux les illustrer que se perdre en explications.
Qu’un grand écrivain puisse être la conscience morale de son temps, quel que soit le prix à payer, Guéhenno l’a pensé, lui qui se méfiait des écrits de circonstance et de propagande. Donner la parole à Hugo en cette seconde année de l’agression russe contre l’Ukraine nous a semblé une des fidélités possibles à son message.
Ce numéro double ne s’ouvre pas sur les péripéties de la vie de Jeanne du Barry mais s’interroge sur celles de la notion de transclasse, qui a beaucoup intéressé les grands médias ces dernières années. Chloé Leprince, journaliste à France Culture, relit Guéhenno et met en valeur ce qui le relie aux débats en cours, ou l’en détache. Le philosophe Jean-Pierre Richard retrace le parcours de Marcel Conche, dans une « vie parallèle », proche et différente.
Jeanne Étoré-Lortholary, petite-fille de Jeanne Maurel, la première épouse de Guéhenno, qui avait déjà évoqué sa mère dans notre Cahier n° 6 (« Louise Guéhenno, l’élégance des châteaux de sable »), nous donne accès, avec les lettres de sa grand-mère, à une histoire intime qui a aussi une dimension collective très forte. Retenue et lyrisme discret alternent dans un magnifique témoignage.
Patrick Bachelier, inlassable enquêteur, nous donne de nouveaux détails sur la vie de la famille Guéhenno et les mille filets d’eau qui ont alimenté le fleuve d’une œuvre, alors que Jacques Thouroude, par l’étude approfondie de la correspondance entre Romain Rolland et Panaït Istrati, parle encore d’un autre Guéhenno, piégé par l’histoire de l’entre-deux guerres et ses conséquences sur les relations personnelles.
Nous avons aussi voulu prolonger le débat engagé dans le précédent numéro sur l’enseignement de la République, en demandant à l’historien Gilles Candar, qui a toujours soutenu notre entreprise, de nous dire si la référence à Guéhenno pouvait encore inspirer la gauche française. Deux professeurs de l’enseignement secondaire, Anne-Cécile Charritat et Alexandre Saintin, nous parlent de leur expérience de terrain et du rôle que jouent les textes, consacrés ou plus récents, dans leur pratique.
Le linguiste Christian Leray compare les rapports au gallo qu’entretenaient Guilloux et Guéhenno, dont le collectionneur et érudit Alain Feutry décrit les relations avec Bernard Clavel et Maurice Sachs.
Notre rubrique de comptes rendus se partage entre les récits des grèves de Fougères, l’histoire au long cours de la petite cité et le passage en revue des différentes perceptions de l’Allemagne nazie parmi les intellectuels qui s’y invitaient ou s’y faisaient inviter.
Nous présentons enfin une sélection d’informations ayant trait, de près ou de loin à Guéhenno, parmi celles qui paraissent régulièrement sur notre site des Amis.
Fidèlement vôtre !"