
La relation entre allégorie et fiction est aussi ancienne que les origines de l’interprétation et de ce que l’on a appelé ultérieurement la littérature, du moins dans la tradition occidentale. Dès le VIe siècle avant J.-C., les Anciens n'ont cessé de se pencher sur les récits d'Homère pour y déceler une signification cachée d’ordre physique, moral, théologique afin de les réconcilier avec la philosophie. Du Roman de la Rose à The Matrix, les auteurs de récits fictionnels s’ingénient à y intégrer des indices qui incitent, non seulement à suivre les péripéties d’une aventure, mais à appréhender un double sens, à déchiffrer une énigme, ce qui procure un plaisir qui, selon le père Ménestrier, repose beaucoup sur le goût pour la découverte et l’apprentissage.
Cette cohabitation ne va pourtant pas de soi, qu’on l’envisage sur le plan de l’interprétation (la hiérarchie et la rivalité entre sens littéral et sens second ont une longue histoire, dont un épisode important se joue précisément pendant la première modernité) ou sur celui des formes littéraires. À cet égard, il faut d’emblée distinguer le récit, ou, quand il s’agit de théâtre, l’intrigue, et la fictionnalité. Or, c’est bien à la fois l’articulation de l’allégorie au récit et à la fiction qui fait problème et qui donne lieu, entre le XVIe et le XVIIIe siècle, à des expérimentations étonnantes, à des productions culturelles d’une haute complexité, à des débats et des polémiques. L’objet de ce volume est d’éclairer quelques aspects de cet épisode particulier de la sempiternelle crise de l’allégorie, à une époque où l’essor des genres fictionnels, romans et théâtre, est sans précédent.
Sommaire
Jeux complexes de l’allégorie et de la fiction dans la première modernité
Allégorie, dissimulation et métatextualité dans les satires lucianesques de la Renaissance
Fable, allégorie et fiction : le creuset mythographique
Dialectique de l’allégorie : le théâtre politique et moral de Ben Jonson
Usages de la fiction dans le théâtre allégorique de Calderón
Véronique Lochert, Anne Teulade
La Solitude (1640) et Macarise (1664) : romans expérimentaux ou monstres allégoriques ?
Amélie Blanckaert, Camille Esmein-Sarrazin
Allégorie, fiction et sublime dans la querelle des Anciens et des Modernes
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