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Nouvelle parution
Ligature, revue critique du livre d'artiste, n° 25 :

Ligature, revue critique du livre d'artiste, n° 25 : "Le Manifeste du livre d’artiste : dossier génétique"

Publié le par Marc Escola (Source : Serge Chamchinov)

Ligature, revue critique du livre d’artiste, n° 25 :

"Le Manifeste du livre d’artiste : dossier génétique"

Sommaire 

Avant-propos  

Première rubrique : « Discours ». "Le Manifeste du livre d’artiste : une approche conceptuelle" (texte par Anna Samson et Serge Chamchinov).

Deuxième rubrique : « Figures ». Album de cinq dessins inédits pour le Manifeste du livre d’artiste (encres de Chine par Serge Chamchinov, 2020). 

Troisième rubrique : « Traductions (2021) ». - The Artist Book Manifesto (version anglo-américaine par Felip Costaglioli) ; - Il Manifesto del Libro d’Artista (version italienne par Stefania Iannella) ; - Das Künstlerbuch-Manifest (version allemande par Caroline Saltzwedel) ; - Maнифест книги художника (version russe par Serge Chamchinov & Anne Arc) ; - Het manifest van het kunstenaarsboek (version néerlandaise par Sigrid Lescrauwaet)

Quatrième rubrique : « Archives ». « Dossier génétique» du Manifeste du livre d’artiste. (Crédit photographique de François Isson. Présentation des documents par Jean-Pierre Hastaire).

Cinquième rubrique : « Bibliographie ». Le Manifeste du livre d’artiste, références bibliographiques (matériaux préparés par Siméon Biot).

Annexe. Kazimir Malévitch, « Déclaration des droits de l’artiste (1918) » (traduction en français par D.-I. Bokoutchava pour le projet du livre d’artiste "KM", éditions du Groupe Sphinx Blanc, 2024). Costume de  Kazimir Malévitch, tableau par Anne Arc, 2023.

Présentation du numéro

Les définitions du livre d’artiste se multiplient d’une année à l’autre, le caractérisant soit comme un art, soit comme une « production », tantôt comme une pratique artistique singulière, ou même comme un domaine de second ordre. Ceci est une erreur. Chacun croit devoir incruster une nouvelle tesselle dans cette mosaïque chaotique désordonnée. Les critiques d’art se disputent l’apparition du phénomène du livre d’artiste sans avoir accès au panorama réel de la création. En revanche, aucun ouvrage ne le classifie clairement, ne décrit son histoire, ne donne une vision synthétique de ses actualités. Depuis 2012, la revue Ligature se lance dans un tel défi.

Du côté de l’art plastique, le livre d’artiste est un domaine de création au même titre que la sculpture ou la peinture. Toutes les techniques graphiques ou picturales peuvent lui être appliquées. Son avantage par rapport aux autres domaines de l’art visuel est la possibilité d’utiliser l’écriture et le dessin. Le livre d’artiste est donc multidisciplinaire et multifonctionnel. Sa conception artistique réside dans la nature de création. Sous l’expression « conception artistique », il faut comprendre non seulement l’idée artistique mise en œuvre dans le livre, mais tout l’assemblage des éléments créatifs du livre d’artiste. Ceux-ci doivent suivre un fil conducteur entretenant une liaison souvent très subtile entre eux. Le développement d’une forme plastique d’une page à l’autre rend visible un processus de mouvement interne. L’artiste qui créé le livre peut s’exprimer par certains procédés techniques, jusqu’à l’utilisation des unités typographiques. La page du livre d’artiste est l’écran d’une métamorphose survenant dès l’ouverture. Le livre d’artiste est donc tout d’abord un objet physique réel, visible, tactile. Il est un support à manipuler, il faut l’ouvrir, le regarder, et – ou le lire. C’est là, dans ce verbe « lire », que réside une certaine complexité liée à la perception du livre d’artiste.

Le livre comme objet édité, doté d’une apparence habituelle, est souvent considéré par la société comme un objet à lire, et par conséquent un objet à partager. Cette idée-là, naturelle pour les arts « allographiques » comme la littérature et la musique, se confronte à celle de l’œuvre « autographique » de l’art plastique et graphique, selon les termes de Nelson Goodman. On pourrait dire en paraphrasant Henri Michaux que ce livre allographique, paradoxalement, peut facilement devenir ennuyeux, en particulier pour ce qu’il est stéréotypé, banalisé. Tandis que l’artiste qui crée le livre propose une liberté de la perception d’une part immédiate et d’autre part totale, traçant pour le récepteur mille trajets qui lui sont inconnus et surprenants. C’est ici, dans cette position d’indépendance, semble-t-il, qu’il faut commencer à lire et à regarder le livre d’artiste. Car celui-ci n’est pas secondaire, mais autre.

Le verbe « regarder » ne vient pas par hasard. Comme le livre d’artiste appartient à l’art visuel, une de ses destinations principales est d’être contemplé. Mais contrairement au tableau et à la sculpture, il n’est pas seulement à regarder. Il est à déchiffrer à l’aide de tous les sens, à « savourer avec la liberté ». Sa perception doit éveiller des connaissances ultérieures de son récepteur. Celui-ci saisit un message de l’artiste-auteur, message qui n’est pas forcément verbal. Disons autrement (pensant à Paul Claudel) qu’un tel récepteur doit posséder l’œil qui écoute.

Il est irréfutable que la pratique du livre d’artiste suppose un travail individuel de création, et que celui-ci correspond à une branche particulière de l’art. À la fois multidisciplinaire et hybride, il synthétise en soi non seulement les différentes formes d’écriture et d’image, mais propose aussi une approche conceptuelle, ce qui parfois n’est pas très bien compris. En effet, dans la société d’aujourd’hui fonctionne un stéréotype du livre dans le sens large englobant l’industrie de l’édition, ce qui dicte au livre d’être commandé, édité, imprimé, soumis au tirage d’exemplaires identiques. Toutes ces caractéristiques implantées par le marché entrent en contradiction profonde avec la notion du livre en tant qu’œuvre. 

Dans le cas du livre d’artiste, le statut de l’œuvre qui se présente ne cesse d’être « autographique ». C’est ici que surgit le conflit entre l’individu (l’artiste) et la société. La création libre se confronte aux règlements imposés. En revanche, le livre d’artiste, étant un domaine rare, se situe a priori dans une atmosphère non favorable. Dès lors, l’artiste se demande dans quelle mesure la société acceptera son livre-œuvre. Cette question, fondée sur l’échange entre donner et recevoir, a des racines historiques et actuelles.

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Comité scientifique de la revue Ligature

Caroline Bérenger. Docteur ès Lettres de l’université Paris-IV, chercheur et maître de conférences à  l’université de Caen (France).

Serge Chamchinov. Artiste peintre, docteur ès Lettres de l’université Paris-VIII. Co-fondateur de l’Institut de recherches interdisciplinaires du livre d’artiste contemporain (France).

Felip Costaglioli. Poète, traducteur, professeur d’esthétique du Cinéma à l’université de St Cloud (États-Unis).

Louise Dupré. Poète, romancière, membre de l’Académie des lettres du Québec (Canada).

Pascal Fulacher. Docteur en Art et sciences de l’art de l’Université de Paris-I Panthéon-Sorbonne, historien du      papier, du livre et de la reliure (France).

Stefania Iannella. Artiste peintre, maître ès Lettres de l’université Paris-IV, critique littéraire et polyglotte (Italie).

Jean-Nicolas Illouz. Professeur des Universités. Littérature française du XIXe siècle (France). 

Jean-Claude Mathieu. Professeur émérite de littérature française moderne à l’université Paris-VIII Vincennes    St-Denis (France). 

Jan H. Mysjkin. Poète multilingue, traducteur (Paris, France/ Bucarest, Roumanie).  

Yves Namur. Poète et médecin. Secrétaire perpétuel de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique.

Anna Samson. Poète, artiste peintre, docteur ès Lettres, médiéviste. Co-fondatrice de l’Institut de recherches interdisciplinaires du livre d’artiste contemporain (France).

Pierre Schroven. Poète, critique littéraire, formation de bibliothécaire documentaliste (Belgique).

Nicolaus Werner. Artiste plasticien, ancien professeur des beaux-arts à l’université de Mayence (Allemagne).