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Le rythme dans les mondes ibéro-américains contemporains (Paris)

Le rythme dans les mondes ibéro-américains contemporains (Paris)

Le rythme dans les mondes ibéro-américains contemporains 

Paris, 20 novembre 2023

Deadline: 24 septembre 2023

Cette journée d’étude, intitulée « Le rythme dans les mondes ibéro-américains contemporains », répond à une nécessité scientifique et se veut résolument interdisciplinaire et plurilingue, en accord avec l’identité même de l’UR CRIMIC. Elle prend pour objet le rythme, à la fois comme modalité fondatrice de la parole et des activités humaines, et comme concept doté d’une portée heuristique, permettant ainsi de cerner au mieux les liens complexes qui se nouent entre l’individu et les pratiques du commun. Cette journée d’étude s’attachera donc à mettre en évidence tant la richesse des rythmes dans les mondes ibéro-américains contemporains que la complexité de cette notion dans la production scientifique qui s’en saisit.

En effet, le rythme est un concept fuyant qui dépasse le cadre musical et ne se laisse pas enfermer dans la simple idée d’une répétition ou d’une régularité, cette définition traditionnelle ne rendant pas compte de l’ensemble des phénomènes naturels et humains qu’il recoupe (Bourassa, 1992). Preuve en est son étymon grec, rhuthmos, qui renvoie, non pas à une simple récurrence régulière, mais bien à une « manière de fluer », c’est-à-dire à une « forme dans l’instant qu’elle est assumée par ce qui est mouvant » (Benveniste, 1966). Par conséquent, le rythme — qui est avant tout affaire de perception — vient mettre en jeu des catégories aussi diverses et importantes que celles de temps et d’espace, d’identité et d’altérité, d’ordre et de désordre, ce qui en fait un objet d’étude scientifique non pas anecdotique mais bien central (Wunenburger, 1996). Le rythme est tout d’abord celui du langage humain, révélateur d’une subjectivité et opérateur d’une individuation, qui vient inscrire l’être dans une historicité (Meschonnic, 1982). Le rythme est également celui des corps, donné par nature puis infléchi par culture, de manière consciente ou non (Michon, 2010). Le rythme est celui du social, considéré de manière diachronique ou synchronique, l’histoire étant elle-même soumise à une série d’accélérations et de décélérations qui remettent en question sa stricte linéarité (Petitier, Séginger, 2018). Enfin, le rythme est celui de l’environnement, ce qui renvoie tant à notre cadre de vie qu’aux saisons rythmant la vie sociale, comme en témoignent les théories sur l’accélération du temps de la modernité ainsi que celles revenant sur la question des rythmes propres à la « nature » (Lasén Díaz, 2013).

Compte-tenu de la richesse de cette notion de « rythme », les publications et manifestations scientifiques sur ce sujet se sont multipliées ces dernières années. Dans le sillage des théories d’Henri Meschonnic, il est vrai que la question du rythme s’est posée, en première instance, en poésie et dans les autres genres littéraires. À ce titre, la publication du numéro Rythme de la prose de la revue Semen, coordonné par Éric Bordas en 2003, constitue un exemple représentatif. Néanmoins, la place du rythme dans d'autres formes d'arts — notamment visuels — n'a pas manqué d'être interrogée. Ainsi, elle a fait l’objet, en 2015, de la journée d’étude « Rythme et arts plastiques », organisée par l’EHESS, où la participation d'historiens de l’art et de musicologues permettait d'allier des considérations théoriques à de nombreuses études de cas. Plus récemment, en 2022, le symposium « Le rythme au croisement des arts » est revenu sur ces aspects. Par ailleurs, le rythme a aussi été interrogé par d'autres disciplines telles que l'histoire, la sociologie ou la philosophie. Par exemple, en 2014, l’EHESS proposait une journée d’étude, intitulée « Histoire du rythme, histoire des rythmes », autour de ces questions essentielles de rythmanalyse.

Afin de prolonger ces réflexions, notre journée se propose de revenir sur ce qui fait la spécificité du rythme et de l'usage de ce concept dans les mondes ibéro-américains contemporains, que ce soit dans les territoires de langues espagnole, catalane ou portugaise. Les communications pourront répondre aux axes suivants :

1. Notre premier axe portera sur la place du rythme en traduction ou dans l’analyse contrastive. L’espagnol, le catalan et le portugais sont des langues toniques, ce qui pose la question des réappropriations rythmiques lors du passage d’une langue à l’autre. En effet, le rythme – qui n’est pas seulement métrique – inscrit le corps dans le texte et convoque la notion de souffle qui met en jeu la subjectivité écrivante. Nous pourrons nous demander quelles sont les stratégies utilisées pour rendre, au plus près, la parole qui se déploie dans le texte-source. De même, cela pourra nous conduire à nous interroger quant à la manière dont s’opère, au cours du processus traductif, une convergence des voix du créateur et du traducteur dans le texte-cible.

2. Notre deuxième axe s’intéressera à la place du rythme dans la littérature des mondes ibéro-américains contemporains, depuis la spécificité de chacun de ses genres poétiques, narratifs, théâtraux ou argumentatifs. Nous pourrons par exemple voir comment le rythme s'affirme comme principe fondateur de la parole singulière qui voit le jour dans l'œuvre littéraire. D’une part, la voix porte la prosodie et révèle le sujet naissant. D’autre part, la vitesse du discours oral ou écrit, par ses accélérations et ses ralentissements, est intrinsèquement liée à la composition de l’édifice textuel. Par ailleurs, l’analyse des milieux rythmiques, notamment dans le cadre d’une représentation, pourra amener à une réflexion sur la dimension mouvante du rythme et le caractère éminemment vivant de la littérature.

3. Notre troisième axe posera la question de la place du rythme dans les arts visuels. En ce qui concerne l’analyse des images fixes, nous pourrons analyser les représentations du rythme mais également nous demander comment l’alternance des couleurs et des lumières structurent les espaces photographiques et picturaux, laissant ainsi affleurer le sens et la subjectivité créatrice de l’artiste. Pour l’analyse des images mobiles, nous pourrons à la fois nous interroger sur les dynamiques de l’action au cinéma, sur la question de la prosodie de la parole filmique, mais également sur l’articulation des images et de la musique à l’écran lors du montage.

4. Notre quatrième axe sera consacré à l’histoire ibéro-américaine, appréhendée depuis la perspective des rythmes. En effet, le temps social, et donc le rythme, est évidemment une affaire d’ordre et de rapports de pouvoir. Par exemple, nous nous intéresserons à la question de la spécificité du rythme des corps individuels et à la manière dont ils peuvent être retravaillés par l’individu ou façonnés par le politique. Nous pourrons également poser la question des dynamiques d’évolution du social, les recherches qui s'intéressent au temps historique convoquant aussi le rythme en tant qu'elles interrogent la notion de temps, de période, de cycle, de flux. Enfin, nous envisagerons le rythme depuis la perspective de l’histoire des idées, en évoquant la richesse des récentes reconceptualisations de cette notion.

 

Les propositions de communication, d’une longueur de 200-300 mots, pourront être envoyées en français, en espagnol, en portugais ou en catalan pour le 24 septembre 2023 à l’adresse suivante : evenements.critic.organisation@gmail.com. Elles seront accompagnées d’une notice biographique d’une dizaine de lignes maximum.


Comité scientifique


Professeur·e·s des université de Sorbonne Université – UR CRIMIC : Laurence BREYSSE-CHANET, Mònica GÜELL, David MARCILHACY, Françoise MARTINEZ, Michel RIAUDEL, Ina SALAZAR.


Comité d’organisation


Sorbonne Université – UR CRIMIC (CRITIC) : Hélène BASTARD, Aurélia GAFSI, Aleix GUIJARRO PINEDA, Adrien RAOULT, Maria TEIXEIRA.


Bibliographie indicative


Bachelard, Gaston, La Dialectique de la durée, Paris, Presses universitaires de France, 1989.

Benveniste, Émile, « La notion de “rythme” dans son expression linguistique », dans Problèmes de linguistique générale, Paris, Gallimard, 1966, vol. 1, p. 327-335.

Bergson, Henri, Essai sur les données immédiates de la conscience, Paris, Presses universitaires de France, 2003.

Bordas, Éric (dir.), Rythme de la prose, Semen, nº 16, 2003.

Bourassa, Lucie, « La forme du mouvement (sur la notion de rythme) », Horizons philosophiques, vol. 3, nº 1, 1992, p. 103-120.

García Martínez, Manuel, « Le temps et le rythme au théâtre », L’Annuaire théâtral, Revue Québécoise d’études théâtrales, nº29, printemps 2001, URL : https://www.erudit.org/fr/revues/annuaire/2001-n29-annuaire3675/041456ar.pdf .

Jouve, Vincent, Poétique du roman, Armand Colin, Paris, 2010.

Lasén Díaz, Amparo, « Ritmos sociales y arritmia de la modernidad », Política y sociedad, n°25, 2013, p. 185-203.

Meschonnic, Henri, Critique du rythme. Anthropologie historique du langage, Verdier, Lagrasse, 1982.

Michon, Pascal, Rythme, pouvoir, mondialisation. Sur les formes anciennes et nouvelles des processus d’individuation, Paris, Rhuthmos, 2016.

Sauvanet, Pierre (dir.), Les rythmes en arts, Presses universitaires de Bordeaux, 2019.

Sauvanet, Pierre, Wunenburger, Jean-Jacques (dir.), Rythmes et philosophie, Paris, Éditions Kimé, 1966.

Séginger, Gisèle, Petitier, Paule (dir.), Les Formes du temps. Rythme, histoire, temporalité, Presses universitaires de Strasbourg, 2007.

Vasse, Denis, L’arbre de la voix. La chair, les mots et le souffle : le sujet naissant, Paris, Bayard, 2010.