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Appels à contributions
Faire hospitalité au sauvage (INSPE Paris)

Faire hospitalité au sauvage (INSPE Paris)

Publié le par Esther Demoulin (Source : Hoppenot)

Appel à contributions pour le colloque "Faire hospitalité au sauvage"

Organisation : 

Éric Hoppenot, Olivia Lewi, Geneviève Di Rosa, Antony Soron

(INSPE de Paris - Sorbonne Université)

Dates : 4 et 5 juin 2024

Lieu : INSPE de Paris, 10 rue Molitor, 75016 Paris

On se souvient qu’Aristote caractérise la bestialité comme l’au-delà du vice, la perte de toute forme de limite, de normes. C’est pourquoi la sauvagerie est d’abord l’expression de la démesure.

Mais la sauvagerie animale se définit peut-être autrement : sous le mode de la trace, de l’absence et ce, en dehors même de l’extinction des individus. Le sauvage c’est la manifestation de la dérobade, la furtivité, dirait Damasio. Force est de constater que si l’animal est au centre de plusieurs champs des recherches littéraires et philosophiques, l’appréhension de « l’animal sauvage », en dehors de son opposition a priori à la domesticité, est assez peu analysée. Dans notre projet de colloque, il s’agit notamment de s’interroger sur les manifestations d’une écriture (littéraire, philosophique, esthétique) qui pense et représente la sauvagerie autrement que l’expression d’une violence incontrôlée dont nous peinons encore à dire la signification.

La question du réensauvagement du vivant se pose de manière cruciale pour certaines pensées et actions écologiques. Mais quelles peuvent être la part et les limites de l’intervention humaine dans ce qui, par excellence, est censé lui échapper ? Le réensauvagement d’un espace impose-t-il l’exclusion de toute présence humaine ? La réintroduction des ours et des loups nous contraint, comme tente de le faire certains contemporains (Maris, Morizot, Béchet et Mathevet, notamment) à penser notre « rapport » au sauvage comme diplomatie, interrelation et interdépendance, alors même que le sauvage impose la distance, voire la séparation. La pensée récente du concept d’anthropocène modifie la place du sauvage dans notre espace. Cette distance avec le « sauvage », nous l’avons dramatiquement réduite : nous sommes avec les animaux marins lorsque nous les envahissons avec un nouveau continent où s’agglomère les plastiques, nous sommes avec les ours polaires quand le réchauffement climatique que nous avons provoqué les oblige à changer leur habitat, etc. 

Comme le souligne l’œuvre écoféministe de la chercheuse et écrivaine québécoise Martine Delvaux, une insurrection des consciences devient de la plus haute nécessité, ce qui explique le ruissellement des micro-engagements dans l’espace francophone. Ruissellement que l’on peut percevoir dans d’autres écritures francophones et dans bien d’autres aires géographiques. Dans les Caraïbes, les concepts de « mondialité » ou de « créolisation » initiés par Edouard Glissant sont des formes d’engagement pour construire une pensée archipélique où les espaces interconnectés entrent en relation pour protéger toutes les formes de diversité du vivant. Par ailleurs, toute la pensée du marronnage est une pensée de la fuite, d’un certain retour à l’état sauvage. Tandis que dans la littérature francophone africaine, l’animal sauvage ne se réduit ni à la résurgence de paroles mythiques ni à la marque d’un topos folklorique, l’animal est au premier plan de certaines fictions récentes(voir bibliographie) lorsqu’il n’est pas le principal sujet d’énonciation du récit (Mabanckou, 2006). En plusieurs romans, l’animal sauvage apparaît comme une force qui interroge, se rebelle et met à mal la pensée anthropocentrique et les bouleversements infligés aux formes du vivant.

C’est ainsi qu’une certaine littérature contemporaine, de même que certaines philosophies du vivant, nous accompagneront pour interroger une écriture et une pensée où le sauvage requiert de notre part un souci d’hospitalité. Ces textes nous conduiront nécessairement à questionner l’expression même d’« animal sauvage ». Même si le terme « sauvage » est de moins en moins utilisé, voire banni de certains discours écologiques qui lui préfèrent le terme générique de « biodiversité », cette substitution est probablement regrettable parce qu’elle oblitère la singularité du concept de « sauvage ». B. Morizot rappelle par exemple que dans certains langages des signes amérindiens le geste pour signifier « par soi-même » et celui pour dire « sauvage » est identique. Si le sauvage mérite d’être repensé notamment à l’aune de la littérature c’est peut-être pour interroger de nouveau la question de la frontière, des limites à ne pas franchir pour que le sauvage survive, autrement que dans le cadre de l’opposition binaire, espace domestique, espace sauvage et que, comme l’indiquait Deleuze, la question du territoire se pose à partir du mouvement qui permet de s’en extraire. 

Plusieurs directives récentes du Ministère de l’Éducation Nationale invitent les enseignants à accorder une place significative à tout ce qui touche à l’enseignement de la biodiversité et au développement durable. C’est pourquoi ce colloque se donne aussi pour objet d’interroger la question de la transmission du concept de « sauvage », particulièrement dans le cadre de l’enseignement des Lettres et des Arts. Si l’on considère que le sauvage est bien une rencontre avec ce qui se dérobe. Rencontre, à comprendre au sens premier du terme, c’est-à-dire un combat, on peut en effet se demander, sans filer outrageusement la métaphore, si pour beaucoup d'élèves (voire d'étudiants) un texte, une œuvre, ne serait pas une forme d’expérience sensible et cognitive du sauvage : lire c’est aussi une rencontre avec l’inconnu, c'est violent, c'est de l'altérité, ça laisse des traces, ça fuit, ça oblige de négocier avec lui, etc. mais, ça surprend, ça ravit... Autant de modalités qui nous invitent à penser le rapport à la littérature à partir des théories de la réception et du sensible. Nos approches devraient permettre de questionner autrement ce qu’on appelle la lecture participative ou la didactisation de la subjectivité, en vue d’un dépassement des dichotomies subjectivité/objectivité, posture sensible/posture analytique, individu/communauté. 

 

Axes privilégiés : 

- Sauvage et imaginaire

- Formes et enjeux des écritures du sauvage 

- Les esthétiques contemporaines du sauvage

- Sauvage, frontière, démesure

- Sauvage, réensauvagement, préservation

- Lecture et partage du sensible : échanges, frottements, confrontations

- L’animal lecteur et le lecteur animal

Comité scientifique (en cours d’élaboration) :

  • Alexandre Gefen (Sorbonne Nouvelle, CNRS)
  • Thierry Gontier (Université Jean Moulin, Lyon, membre honoraire de l’Institut Universitaire de France)
  • Virginie Maris (CNRS) (en attente de réponse)
  • Alain Milon (Université Nanterre Paris-Ouest, Institut Universitaire de France)
  • Baptiste Morizot ((Université Aix-Marseille, Institut Universitaire de France) (en attente de réponse)
  • Pierre Schoentjes (Université de Gand)
  • Alain Schaffner (Sorbonne Nouvelle, CNRS)
  • Anne Simon (EHESS, CNRS)

 

Modalités pratiques de l’appel à contributions

Si vous souhaitez proposer une communication pour le colloque « Faire hospitalité au sauvage », envoyez un résumé d’environ 500 mots en indiquant l’axe retenu. Ajoutez à votre proposition, une brève présentation biobibliographique ainsi que la mention de votre institution.

Une attention particulière sera accordée aux propositions qui s’attachent aux questions de transmission du concept de sauvage » » et de ses enjeux esthétiques.

Date limite d’envoi : 15 octobre 2023

Retour sur les propositions et préprogramme : 10 décembre 2023

Programme définitif : 15 janvier 2024

Envoi des propositions à : eric.hoppenot@sorbonne-universite.fr

 

Bibliographie et filmographie indicatives

 Essais

- Abram David (2013), Comment la terre s’est tue. Pour une écologie des sens, La Découverte. 

- Baird Callicott John (2010), Éthique de la terre, Wildproject.

- Cavallin Jean-Christophe (2021), Valet noir. Vers une écologie du récit, José Corti.

- Cochet Gilbert & Durand Stéphane (2018), Ré-ensauvageons la France. Plaidoyer pour une nature sauvage et libre, Actes Sud.

- Collot Michel (2022), Un nouveau sentiment de nature, Corti.

- Delvaux Martine (2022), Pompières et pyromanes, Les Avrils. 

- Derrida Jacques (2008), La Bête et le Souverain I, Galilée.

- Descola Philippe (2005), Par-delà la nature et la culture, Gallimard.

- Despret Vinciane :

- Quand le loup habitera avec l’agneau, Les empêcheurs de tourner en rond, 2020

- Autobiographie d’un poulpe. Et autres récits d’anticipation, Actes Sud, 2021        

  - Diderot Denis (2005), Pensées sur l’interprétation de la nature, Garnier Flammarion.

- Garnier Xavier (2022), Écopoétiques africaines. Une expérience décoloniale des lieux, Khartala. 

- Glissant Edouard :

- Traité du Tout-Monde. Poétique IV, Gallimard, 1997

- « Rien n’est Vrai, tout est vivant », conférence, 2013.

- Fontenay Elisabeth de (1998), Le Silence des bêtes, Seuil.

- Goody Jack (1979), La Raison graphique. La domination de la pensée sauvage, Minuit.

- Harrison Jim & Snyder Gary (2022), Aristocrates sauvages, Wildproject.

- Latour Bruno (2015), Face à Gaïa : Huit conférences sur le nouveau régime climatique, La Découverte.

- Lavocat Françoise (2016), Interprétation littéraire et sciences cognitives, éd. Hermann.

 - Leopold Aldo :

- Almanach d’un comté de sable, Garnier Flammarion, 2017

- La Terre comme communauté, Wildproject, 2021

- Lévi-Strauss Claude (1990), La Pensée sauvage, Pocket.

- Marin Louis (1986), La parole mangée et autres essais théologico-politiques, Méridiens Klincksieck.

- Maris Virginie (2018), La Part sauvage du monde. Penser la nature dans l’Anthropocène, Seuil.

- Martin Nastassja 2016), Les Âmes sauvages. Face à l’Occident, la résistance d’un peuple d’Alaska, La Découverte.

- Montaigne Michel (2008), Des Cannibales, Folioplus Classiques Gallimard.

- Morizot Baptiste :

- Les Diplomates. Cohabiter avec les loups sur une autre carte du vivant, Wildproject, 2016.

- Sur la piste animale, Actes Sud, 2018.

- Manières d’être vivant, Actes Sud, 2020.

- Rousseau Jean-Jacques (2011), Discours sur l’origine et le fondement de l’inégalité parmi les hommes, Garnier-Flammarion.

- Simon Anne (2021), Une bête entre les lignes. Essais de zoopoétique, Wildproject.

- Snyder Gary :

- La Pratique sauvage, Wildproject, 1999.

- Le Sens des lieux. Éthique, esthétique et bassins-versants, Wildproject, 2018.

- Rancière Jacques : 

- Le Partage du sensible, Editions La Fabrique, 2000.

 - Les Bords de la fiction, Seuil, 2016.

- Le Travail des images, les Presses du réel, 2019.

- Schoentjes Pierre (2015), Ce qui a lieu. Essai d’écopoétique, Wildproject, 2015.

- Westphal, Bertrand, La géocritique : réel, fiction, espace, Minuit, 2007.

- Zhong Mengual Estelle, Apprendre à voir. Le point de vue du vivant, Actes Sud, 2021.

 

Didactique de la littérature

- Ahr Sylviane (2023), « Place et rôle du sensible dans les approches analytiques des textes littéraires », in Analyser des textes littéraires du collège au lycée, sous la direction de Sylviane Ahr et Isabelle de Peretti, UGA éd. 

- Bolens, Guillemette (2015), « Les simulations perceptives dans la relation aux œuvres d’art littéraires. » Dans M. Besson, C. Courtet, F. Lavocat & A. Viala (dir.), Corps en scènes (pp. 115-125), CNRS Éditions, 2015

- Chabanne Jean Charles, « Écrire le sensible », in, Les formes plurielles des écritures de la réception : Genres, espace et formes, Le Goff, Foutarnier (dir.) 2017 

- Daunay Bertrand (2007), « Le sujet lecteur : une question pour la didactique du français », revue Le Français aujourd’hui, n° 157.

- Dufays Jean-Louis (2013), « Sujet lecteur et lecture littéraire » Revue Recherches et travaux.

- Ducrot Valérie & Lapeyre Chantal (2019), « Textes et gestes de la maternelle à l’université », Le français aujourd'hui, n° 205, 2019/2, p. 7-12.

- Jenny Laurent (2010), « ‘N’imaginez jamais’, pour une pédagogie littéraire de l’immersion », Versants Vol 57 n°1.

- Moinard Pierre (2023), « ‘Ce poème vous le sentez ou toujours pas ?’. Quels enseignements d’une lecture participative lors de l’analyse de texte ? » in Analyser des textes littéraires du collège au lycée, sous la direction de Sylviane Ahr et Isabelle de Peretti, UGA éd. 

- Rodriguez Antonio (2013), « L’Empathie en poésie  lyrique : acte, tension et degrés de lecture », in Empathie et esthétique ; A. Gefen et B. Vouilloux (dir.), Hermann.

 

Littérature (récits et poésie)

- Bass Rick (2007), Le livre de Yaack, Gallmeister.

- Beck Philippe (2023), Ryrkaïpii, Flammarion.

- Bergounioux Pierre (1985), Ce pas et le suivant, Gallimard.

- Darrieussecq Marie (1998), Le Mal de Mer, POL.

- Dorion Hélène (2021), Mes forêts, Bruno Doucet.

- Éric Chevillard :

- Sans l’orang-outan, Minuit, 2007.

- L’Arche Titanic, Stock, 2022.

- Ferney Alice (2014), Le Règne du vivant, Actes Sud.

- Fiteau-Chiba Gabrielle :

- Encabanée, Gallimard, 2021.

- Sauvagines, Stock, 2022.

- Germain Sylvain (2016), A la table des hommes, Albin Michel.

- Grimbert Sibylle (2022), Le Dernier des siens, Anne Carrière.

- Harrison Jim (2019, nouvelle traduction), Légendes d’automne, 10/18.

- Hegland Jean (2017), Dans la forêt, Gallmeister.

- Krakauer Jon (2008), Into the wild, 10/18.

- Kourouma Amadou :

- Les Soleils de l’indépendance, Seuil, 1976

- En attendant le vote des bêtes sauvages, Seuil, 1998

- Lamarche Caroline (2019), Nous sommes à la lisière, Gallimard.

- Le Clezio Jean-Marie Gustave (1992), Pawana, Gallimard.

- London Jack (1995), L’Appel du sauvage, Gallimard.

- Mabanckou Alain (2006), Mémoires de porc-épic, Seuil

- Martin Nastassja (2019), Croire aux fauves, Verticales.

- Melville Hermann (2018), Moby Dick ou Le Cachalot, Quarto Gallimard.

- Muir John (2009), Voyages en Alaska, Payot.

- Thoreau Henry David (2017), Walden ou la vie dans les bois, Gallmeister.

 

Filmographie

- Amiguet Marie & Munier Vinent (2021), La Panthère des neiges.

- Back Frédéric (1993), Le fleuve aux grandes eaux.

- Bertrand Jean-Michel :

- La Vallée des loups, 2016

- Marche avec les loups, 2019

- Dion Cyril (2022), Un monde nouveau.

- Droux Roman (2019), L’Ours en moi.

- Herzog Werner (2005), Grizzly Man.

- Kurosawa Akira (1975), Dersou Ouzala.

- Penn Sean (2007), Into the wild.

- Perrin Jacques :

- Océans, 2009

- Le Peuple des forêts.

- Pollack Sydney (1972), Jeremiah Johnson.