
Historiciser la figure du harceleur : regards et discours genrés
11-12 janvier 2024, Institut d’Études Avancées (Paris)
Deadline: 10 septembre 2023
Le présent colloque s’intègre dans le projet AVISA soutenu depuis juin 2020 par la MSH-Paris Saclay. Le projet AVISA vise à faire émerger des périodes bien avant #MeToo au cours desquelles, en occident, des femmes et des hommes ont subi, parfois dénoncé des comportements relevant du harcèlement sexuel et éventuellement lutté contre eux, de manière juridique ou symbolique.
Dans le cadre de ce colloque, il s’agit en particulier de concentrer nos questionnements non pas sur la figure de la victime mais sur celle du harceleur. Cela nous permettra d’aborder l’histoire du harcèlement sexuel sous l’angle de la dénonciation ou de la justification de comportements relevant aujourd’hui de la catégorie “harcèlement sexuel” que nous définissons avec l’ONU femmes comme « des comportements très suggestifs impliquant des contacts physiques non consensuels, des attouchements, pincements, frottements à connotation sexuelle contre le corps d’une autre personne. Il peut aussi faire allusion à des comportements non directement physiques, comme des sifflets, des commentaires de caractère sexuel sur le corps ou l’apparence d’une personne, à des demandes de faveurs sexuelles, des regards soutenus et des fixations sur toute autre personne, le fait de la suivre ou de la guetter, ou encore à des actes d’exhibitionnisme». Par ailleurs, au regard de la prévalence d’actes de harcèlement commis par des personnes d’identité masculine dans les sources, nous aimerions interroger particulièrement la dimension genrée de cette figure du harceleur.
Comment ont été qualifiés, représentés, commentés ces actes de violences sexuelles, si précisément ils n’ étaient pas considérés comme tels ? N’y a-t-il jamais eu avant la période post-moderne d’éducation des (jeunes) hommes au consentement ? Peut-on continuer de croire que les hommes n’ont jamais été, à des périodes antérieures, critiqués, moqués, dénoncés ou même condamnés pour des faits de harcèlement sexuel et ce dans tout l’occident ?
Pour répondre à cette problématique, les propositions de communication pourront se poser les questions :
- des rapports sociaux, notamment de genre, de classe et de race, entre les auteurs de cette violence sexuelle et leurs victimes telles qu’elles apparaissent dans les sources historiques ou fictionnelles à notre disposition. Nous pourrons ainsi esquisser une typologie sociologique de profils mais également mieux comprendre l’évolution des combinaisons possibles dans le binôme sur la longue durée et ce dans une perspective intersectionnelle ;
- des modèles et des discours éducatifs véhiculés dans la littérature à dimension pédagogique et didactique à destination des hommes et des femmes ;
- de la mythologie construite autour de la figure du harceleur en nous demandant si elle en a fait un monstre ou au contraire un être banal, plus ordinaire, moins criminel ;
- de l’incrustation puissamment entretenue d’un regard masculin sur la question. On s’intéressera particulièrement à la manière dont la justice a traité les remarques graveleuses, allusions grasses, attouchements, demandes pressantes de faveurs sexuelles et tentatives d’imposer des rapports sexuels à travers les âges. Au-delà de la plainte formelle, c’est la dénonciation privée (correspondance, journaux intimes) et publique (dans la presse, dans les médias) qui mérite d’être scrutée ainsi que les mises en garde et les conseils figurant dans les journaux et magazines pour condamner ces agissements. Il s’agira aussi de s’intéresser à la réception des textes de fiction et des films, à la manière dont une même œuvre peut connaître des critiques, professionnelles et amatrices, très différentes d’un contexte social, politique, géographique à l’autre ;
- du contre-discours émanant des femmes devant les tribunaux, dans la presse, la littérature et les arts ;
- des techniques narratives et descriptives utilisées pour évoquer, décrire, rapporter des faits de harcèlement dans des récits, fictifs ou non. On pourra en particulier se pencher sur l’étude du point de vue genré à partir desquels les faits sont rapportés et interroger le positionnement induit pour le lecteur ou la lectrice, en analysant par exemple la présence d’un “male gaze” ou d’un “female gaze”, dans sa dimension littéraire. Il sera aussi possible de proposer une étude syntaxique de ces récits, par exemple en analysant la transitivité des énoncés comme un marqueur de rapports dissymétriques en termes d’agentivité entre les personnages dans les scènes de rencontre entre harceleur et victime. Enfin, la question des effets genrés du genre littéraire (récit, théâtre, poésie, etc.) et de ses caractéristiques poétiques sur la représentation de la figure du harceleur pourra être posée ;
- du degré de gravité perçu ou reconnu (ou non perçu et non reconnu) du harcèlement sexuel dans les textes fictionnels et non fictionnels selon le type d’acte commis, afin d’établir, selon les époques et les contextes, une typologie des actes de harcèlement sexuel en relation avec le concept de continuum de violences ;
- de la manière dont le cinéma et l’audiovisuel, par les choix techniques de cadrage, de montage, d’éléments sonores (musiques, bruits, paroles…) mais aussi par les effets de la narration cinématographique, questionnent cette figure du harceleur, la construisent, et la déconstruisent avec le temps. Comment les représentations filmiques se modifient-elles au gré des discours portés sur le harcèlement ? Quelle place pour le “male gaze” sur ce point particulier? Quels comportements sont ainsi filmés, et en quoi le travail spécifiquement audio-visuel peut-il poser la question de la dénonciation ou non de ces comportements ? On pourra aussi étudier sous cet angle la réception des œuvres et leurs critiques : comment apparaît la figure du harceleur, avec quel(s) affect(s), quelles éventuelles condamnations ? Ces éléments se retrouvent-ils dans les discours promotionnels (entretiens avec l’équipe de réalisation, de production, les acteurs…) ?
Ce colloque souhaite faire se rencontrer des chercheur·euses de différentes disciplines des sciences humaines et sociales. L'enjeu est d'éclairer une figure souvent passée sous silence, en croisant des analyses en histoire des arts, histoire de la pensée, sociologie, recherches audiovisuelles et cinématographiques, philosophie, littérature, études anglophones, études juridiques, etc.
Les propositions de communication (environ 250 mots) devront être envoyées, accompagnées d’une courte notice bio-bibliographique, pour le 10 septembre 2023 à l’adresse suivante: colloqueavisa@gmail.com. L’avis du comité scientifique, composé des membres du réseau AVISA, sera rendu au plus tard le 10 octobre 2023.
Le colloque se tiendra les 11 et 12 janvier 2024 à l’Institut d’Études Avancées de Paris, 17 quai d’Anjou 75 004 Paris.
Comité d’organisation:
Armel Dubois-Nayt
Anne-Claire Marpeau
Juliette Misset
Réjane Vallée
Plus d’informations et bibliographie indicative sur https://avisa.huma-num.fr/s/avisa/page/accueil _________________________________________________________________________
This conference is part of the AVISA project, which has been ongoing since June 2020 with the support of MSH-Paris Saclay. The AVISA project aims at identifying other periods in the past, in the Western world and well before #MeToo, during which behaviours that can be classified as sexual harassment were experienced or exposed by women and men who, in some instances, combatted them either in court or through creative modes of expression.
The forthcoming conference intends to explore the phenomenon of sexual harassment by questioning the way it is perceived through a focus not on the figure of the victim but on that of the perpetrator. This will enable us to approach the history of sexual harassment from the angle of the censure or justification of behaviour that falls today into the category of sexual harassment―which we define along with UN Women as encompassing “non-consensual physical contact, like grabbing, pinching, slapping, or rubbing against another person in a sexual way. It also includes non-physical forms, such as catcalls, sexual comments about a person’s body or appearance, demands for sexual favou
rs, sexually suggestive staring, stalking, and exposing one’s sex organs”. Given that the overwhelming majority of such acts of harassment are committed by people identified as male in the sources, we would particularly like to investigate the gendered dimension of the figure of the harasser. How have these acts of sexual violence been described, represented and discussed, if they were not considered to be sexual violence in the first place? Were (young) men really never taught about consent before the postmodern era? Can we still believe that in the past, throughout the Western world, men have never been criticized, mocked, denounced or even convicted for such acts?
To tackle this issue, we welcome papers on :
- the social dynamics of power, particularly those of gender, class and race, that exist between the perpetrators of this sexual violence and their victims as they appear in the historical and fictional sources available to us. This will enable us to sketch a sociological typology of profiles but also to better understand the evolution of different types of victim-perpetrator relationships over the course of several centuries from an intersectional perspective;
educational models and discourses found in pedagogic and didactic literature geared towards men and women; - the mythology built around the figure of the sexual harasser, considering whether he has been turned into a monster or on the contrary been portrayed as a more ordinary, less criminal being;
- the long-standing influence of the male gaze on the issue. We particularly invite papers tackling the ways in which the justice system has dealt with dirty jokes, sexual innuendos, non-consensual physical contact, pressing demands for sexual favours or attempts to force sexual contact throughout the ages. Beyond formal complaints, private denunciations (through letters, diaries, etc.) as well as public ones (through the press and the media, etc.) deserve to be investigated. This includes words of caution and advice found in conduct books, newspapers and magazines which condemn this type of behaviour. We also encourage participants to look at the reception of fiction, films, artifacts and performances, as the same work can garner very different reviews depending on whether they are done by professionals or amateurs but also on their social, political and geographical contexts;
- the counter narratives delivered by women in the courts, the press, literature and the arts;
- narrative and descriptive techniques used to evoke, describe and report harassment in fictional and non-fictional stories. One may focus in particular on studying the gendered point of view from which the facts are recounted, and question the positioning induced for the reader, by analyzing, for example, the presence of a "male gaze" or a "female gaze", in a literary perspective. One may also propose a syntactic study of these narratives, for example by analyzing the transitivity of statements as a marker of dissymmetrical relations in terms of agency between the stalker and his victim. Finally, one can raise the question of the gendered effects of literary genres (narrative, drama, poetry, etc.) and their poetic characteristics on the representation of the stalker;
- the perception and acknowledgement (or lack thereof) of how serious the instances of sexual harassment are in fictional or non fictional texts, which may vary depending on the type of act committed, so as to build a historically situated typology of such acts within the conceptual framework of a continuum of violence;
- the ways in which cinema and visual media, through technical choices of camera angles, editing, sound effects (music, noise, speech…), but also through storytelling, examine the figure of the sexual harasser, constructing and deconstructing it over time. How have portrayals in film changed alongside evolutions in the wider discourse surrounding sexual harassment? Where does the “male gaze” fall? Which behaviours get shot, and in what way is film work specifically equipped to address the question of the condemnation or lack thereof of these behaviours? Critical and popular reception of these works may also be studied with the harasser in mind: how is the perpetrator perceived over time, what emotional reactions arise, and what possible censure? Can these elements be found in promotional material (interviews with the directing team, production crew, cast…)?
This conference aims to foster encounters between researchers of different disciplines in human and social sciences. The goal is to shed light on a figure not often talked about or prominently featured, by weaving together analyses stemming from art history, intellectual history, sociology, film and media studies, philosophy, literature, anglophone studies, legal studies, etc.
Please submit an abstract (no longer that 250 words) and short CV to by September 10th, 2023 to colloqueavisa@gmail.com. Notification of acceptance by the AVISA scientific committee will be sent on October 10th at the latest.
The conference will be held on 11 and 12 January 2024 at The Paris Institute for Advanced Study, 17 quai d’Anjou 75 004 Paris.
Organisers:
Armel Dubois-Nayt
Anne-Claire Marpeau
Juliette Misset
Réjane Vallée