Revue
Nouvelle parution
Interstudia, n° 32 :

Interstudia, n° 32 : "Observer les expériences scénographiques : créations professionnelles et activités de réception"

Publié le par Faculté des lettres - Université de Lausanne (Source : Simina Mastacan)

Observer les expériences scénographiques : créations professionnelles et activités de réception

Responsables du numéro : François Perea, Lucie Alidières, Simina Mastacan

Table des matières

 INTRODUCTION  
 
Gaëlle Crenn
Les dispositifs immersifs dans les musées 

d’histoire de l’esclavage : empathie, trauma 

et reconnaissance dans la représentation du passage du milieu

 Brigitte Auziol 

Quand le design contribue à la mise en scène du territoire. Isabelle Daëron et le chemin des Roches à Cieux 

Lucie Alidières 

La scénographie entre œuvre et ouvrage :

 une ethnolinguistique des interactions professionnelles 

 François Perea 

Observer les expériences de visites culturelles libres. 

Eléments pour une approche des interactions sujets/objets

 Isabelle Illanes, Arnaud Vena

Saisir le vécu expérientiel des visiteurs de musée. 

Expérimentation d’un dispositif de géo-localisation augmenté

 Valérie Méliani, Caroline Buffoni

Quelle articulation méthodologique pour 

rendre compte de l’appropriation des visiteurs dans 

les lieux d’exposition muséale ?Retour d'expériences 

au musée Fabre et à la Panacée-MO.CO

 Nawel Belghith

Représentations scénographiques : de la mutation spatiale à la mutation sociale

VARIA
 
Luminiţa Diaconu 

 Le « Don du cœur » et ses métamorphoses. Du paradigme courtois à l’iconographie médiévale

 Simina Mastacan

Quelques remarques sur le devenir d’un idéal linguistique. Le roumain face au modèle français
 
COMPTES RENDUS

Toute (re)présentation d’œuvre(s), des expositions muséales aux représentations théâtrales ou chorégraphiques, repose sur la création d’une scénographie qui, matérialisée, constituera le cadre d’expérience du visiteur/spectateur. La scénographie apparait comme une activité complexe en tension entre les processus de production/création et de réception/expérience. Pour le dire à la manière de Veron et Levasseur, il faut donc distinguer la production de la reconnaissance : 

 Notre pari conceptuel a été de postuler que le comportement de visite exprime le décalage entre la production et la reconnaissance, qu’il doit être considéré comme la résultante d’une négociation qui ne peut se comprendre que comme l’articulation (complexe) entre les propriétés du discours proposé et les stratégies d’appropriation du sujet (1983, p. 38, les auteurs soulignent). 

 Au départ se trouve l’œuvre (expôt, pièce de théâtre, chorégraphie, etc.). 

L’artiste ou l’artisan l’a produite comme telle mais pour l’expérimenter, il faut qu’elle soit mise en scène, portée à l’attention, proposée. Ce travail peut être réalisé par le même créateur et/ou par d’autres, souvent en collaboration. Ici apparait l’acte de création scénographique, dans un geste à la fois artistique et professionnel, un geste d’écriture pour Davallon : « Parler de scénographie, c’est parler de scène – et donc d’espace – mais aussi de graphie, autrement dit d’écriture » (2010, p. 229). Pour Guinebault (2012, p. 296), il s’élabore comme un espace scénique selon trois entrées : la définition d’un point de vue, la dramatisation de l’espace et le jeu avec les signes. 

Cet acte scénographique est complexe : il consiste en un écheveau où se mêlent – parfois jusqu’à la confusion – les œuvre(s) exposée(s) et l’œuvre d’exposition.  Il est rigoureux et poétique et il peut être intuitif, partagé, fluctuant… conduisant à une méta-œuvre à la fois palimpseste et inter-discours. Il créé une dialectique entre exigences institutionnelles et individuelles, entre contraintes temporelles et financières, entre aspirations artistiques et intellectuelles. Ce travail répond également à une exigence de captation esthétique pour séduire, favoriser les perceptions du public. Ainsi, il devient lui-même une œuvre qui participe aux conditions de réception du spectateur, qui utilise les cadres de scène et qui nourrit le cadre interprétatif. 

En regard, se trouve donc l’expérience – ou plutôt les expériences – des spectateurs/visiteurs qui composent avec la scénographie dans un réseau d’interactions, comme le souligne Eidelman et al. : 

La visite est une activité, une action ou un événement qui peut s’appréhender à travers des interactions entre de multiples composantes : le visiteur, ses accompagnateurs, les autres visiteurs, l’espace de l’exposition, le bâtiment, les personnels d’accueil, les objets, les textes, etc. (2013, p. 75). 

C’est donc une activité de réception, d’appropriation et d’interprétation propre, à la fois libre et cadrée, qui se déploie dans l’espace scénographié. 

La question de son observation a donné lieu à une abondante littérature et les recherches sont très nombreuses (voir notamment les synthèses dans Eidelman et Roustan, 2008 ; Schmitt et Aubert, 2017) et présentent des démarches méthodologiques variées, depuis l’observation à l’insu des visiteurs jusqu’aux questionnaires et entretiens post-visites, mobilisant souvent des dispositifs variés (par exemple la photographie chez Gilman, dès 1916). Cette littérature grise est le reflet de la diversité des objets observés : réflexions sur les connaissances des publics, fréquentation des établissements, attractivité de certains thèmes d’exposition… A côté des études qui décrivent les caractéristiques préalables et déterminantes dans la visite (telles les caractéristiques sociologiques par exemple), se développent notamment des approches liées à l’expérience réelle des visiteurs. Il s’agit bien « de comprendre les réactions des visiteurs aux expôts du musées (œuvres, objets, dispositifs) » (Schmitt et Aubert, 2017 : 51) et donc à la création scénographique.

Face à tant de complexité, les articles présentés dans ce numéro thématique exposent des angles d’approche à la fois variés et cohérents. Ainsi les analyses sémiologiques, esthétiques ou pratiques des scénographies croisent des observations aux méthodologies variées (questionnaires, dispositifs de captation, approche ethnolinguistique…) des processus de conception et des activités de réception. 

François Perea, Lucie Alidières et Simina Mastacan