Traduit de l'anglais par Charles Baudelaire. Présenté par Lionel Menasché.
“Un malheur qui naît de nos institutions républicaines, c’est qu’ici un homme possédant une grosse bourse n’a généralement qu’une très petite âme à mettre dedans. La corruption du goût fait partie et pendant de l’industrie des dollars. A mesure que nous devenons riches, nos idées se rouillent.”Les trois textes qui composent cet ouvrage – Le Domaine d’Arnheim, Le Cottage Landor et La Philosophie de l’ameublement – présentent une unité d’inspiration qui n’avait pas échappé à Baudelaire puisque, en 1863, celui-ci envisageait de les rassembler sous le titre Habitations imaginaires. Ce livre imaginaire existe enfin.
Trois utopies forment ce triptyque. D’un texte à l’autre, le lecteur est introduit dans des domaines cachés, aux jardins luxuriants et ponctués de prouesses architecturales ou bien à l’intérieur d’une chambre anglaise. La Nature semble imparfaite à Poe, il lui manque cette harmonie dans la composition qui fait l’attrait des toiles de Poussin ou de Claude Lorrain. La description minutieuse de la Nature est de type ambulatoire, où la ligne droite est exclue. La lecture devient une promenade, une dérive, la composition du texte se fait musicale. Si la beauté semble ne pouvoir être atteinte que de façon provisoire, des moments de plénitude esthétique existent dans chaque texte. Le lecteur a l’impression de voler des instants de beauté à des mondes merveilleux, féeriques, auxquels il n’a d’ordinaire pas accès. Question centrale : celle de la fabrication du bonheur, indissociable d’une quête de beauté ; ces textes comptent, de ce fait, au nombre des rares textes “apaisés” d’Edgar Poe.