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Transmédialité et politique (Toulon)

Transmédialité et politique (Toulon)

Publié le par Esther Demoulin (Source : Alessandro Leiduan)

Transmédialité et politique

Observatoire des mondes imaginaires - Laboratoires IMSIC et Babel (Université de Toulon)

Dans le prolongement des notions de « transtextualité » (Genette 1982) et de « trans-fictionnalité » (Saint-Gelais 2011), la notion de transmédialité fait état de la mobilité des contenus d’une œuvre imaginaire, qui ne s’incarnent plus dans un seul et unique support (un livre, un film, une série) mais se répandent dans la société à travers une multitude de plateformes médiatiques. Si les notions de transtextualité et de trans-fictionnalité sont, d’un point de vue politique, tout à fait « neutres », la notion de transmédialité revêt, elle, d’évidentes significations politiques. L’analyse des différentes formes de transmédialité s’est en effet souvent accompagnée chez les chercheurs d’une prise de position politique à l’égard des phénomènes étudiés. Les travaux universitaires consacrés à la transmédialité sont ainsi devenus le support d’une attitude intellectuelle militante (celle des aca-fans), qui rompt avec la « neutralité axiologique » (Wertfreiheit) dont se réclamait, il n’y a pas encore si longtemps, la communauté universitaire. 

Cette interprétation politique de la transmédialité prend le plus souvent appui sur l’observation du rôle fondamental que jouent les fans dans le processus de production et de réception des fictions transmédiatiques. Du côté de la production, certes, ce sont d’abord les industries du divertissement qui élaborent le noyau imaginaire d’un univers transmédiatique, mais ce sont ensuite les fans qui s’approprient le contenu de ce noyau d’origine en le réécrivant à nouveaux frais (les « user generated contents ») avant de le redéployer sur de nouvelles plateformes médiatiques (via les sites de fanfiction, par exemple). Du côté de la réception, les fans ne se limitent pas à interpréter le contenu d’une fiction, ils le réinvestissent dans la réalité en transférant, parfois, dans l’arène politique réelle les batailles que leurs personnages préférés mènent dans l’arène politique imaginaire où se déploie leur existence fictive. Le masque du Jokerest ainsi devenu, partout dans le monde, le symbole de la lutte pour la liberté d’expression, le costume des Servantes écarlates a été utilisé par des mouvements féministes états-uniens pour protester contre la restriction du droit d’avortement, les braqueurs de la Casa de papel ont été adoptés par les nouvelles générations comme symboles d’insoumission à un monde gouverné par l’argent et les banques...

Le nouveau rôle joué par les fans aussi bien dans la production que dans la réception des fictions transmédiatiques (un rôle moins herméneutique et plus engagé) a été interprété comme le corrélat symbolique d’une révolution fondamentale du rapport entre les citoyens et le pouvoir politique. Les fans qui se réapproprient, par les nouvelles technologies numériques, le droit à la création poétique symbolisent l’éveil du peuple, se réappropriant les droits politiques qui lui avaient été confisqués par les élites technocratiques, dans le cadre d’une démocratie en pleine crise d’identité. Exposée dans les travaux du sociologue des médias Pierre Lévy (1994), cette interprétation irrigue la réflexion de beaucoup de spécialistes de la transmédialité (Jenkins 2013, Besson 2021, Bourdaa 2021, etc.)

L’enjeu du colloque est d’explorer, questionner let problématiser a dimension « politique » de l’imaginaire transmédiatique. Que penser des implications politiques rattachées à l’idée de transmédialité ? Que penser de l’utopie (ou de la mythologie) politique dont elle est le support et des pratiques faniques (créatrices ou militantes) qui la véhiculent ? Que penser de cette nouvelle forme de militantisme politique qui rallie, sous une même bannière, passionnés de fiction (fans) et universitaires (aca-fans) ?

Les propositions s’inscriront de préférence dans les axes de réflexion du colloque (voir ci-après) et prendront appui sur un corpus qui pourra faire état soit de la nature d’un univers transmédiatique, soit des modes d’appropriation faniques de son contenu, mais toujours en rapport avec la dimension politique de la transmédialité.

Axes thématiques et pistes de problématisation :

1) Créativité collaborative : réalité ou mythe ? Peut-on vraiment reconnaître dans les formes d’interaction entre les instances de production et de réception des univers transmédiatiques actuels l’expression d’une véritable créativité collaborative ? N’a-t-on pas affaire plutôt à deux formes de poiesis incomparables, dont la phénoménologie mériterait d’être classée dans deux rubriques différentes : la création (des industries) et la créativité (des fans). Faire l’amalgame entre ces deux formes de poiesis ne revient-il pas à méconnaître les modalités foncièrement inégalitaires à travers lesquelles les industries de l’imaginaire et les fans participent au cycle de production d’un univers transmédiatique ? Parler de « convergence », d’« autorat collaboratif », ne revient-il pas alors à sous-estimer (ou à dissimuler) l’emprise hégémonique croissante de « l’industrie culturelle » sur l’imaginaire social ?

2)  Le fan-activisme : un militantisme autonome ou hétéro-dirigé ? De quoi le militantisme fanique est-il l’expression ? Faut-il y voir une forme de « subculture politique », émanant sponte sua d’en bas, des catégories sociales mal intégrées dans la collectivité et revendiquant une identité culturelle spécifique ? Ou bien, faut-il y voir l’effet collatéral d’un endoctrinement, d’une influence émanant d’en-haut, des lobbies économiques et éditoriales (par exemple, Netflix) qui contrôlent de plus en plus en profondeur l’imaginaire social ? Et si l’activisme fanique n’était qu’une forme d’acculturation verticale des pulsions politiques des nouvelles générations ? Une variante insoupçonnée de l’high culture, abusivement vendue à la société comme une forme de subculture ? 

3) Politique sérieuse ou ludique ? Quel est le degré de maturité politique des communautés de fans qui érigent leurs personnages de fiction préférés en paladins des droits sociaux ? Wonder Woman, nouvelle égérie féministe, Superman, porte-drapeau des droits des immigrés... L’entrée de ces héros fictionnels (et de leurs fans) dans l’arène politique marque-t-elle un progrès ou une involution de la vie politique ? Est-ce le signe que la représentativité fictionnelle a définitivement éclipsé la représentativité parlementaire ? Ou s’agit-il, plus prosaïquement, de l’étape finale du processus de décomposition de nos démocraties tardives, condamnant les citoyens à compenser leur impuissance politique par le mirage d’un militantisme spectaculaire et défaitiste ?
 
Ce colloque s’inscrit dans les activités de recherche de l’Observatoire du monde imaginaire, réseau de recherche interdisciplinaire dont les activités ont été inaugurées par l’organisation, en avril 2021, du colloque « Mondes imaginaires et univers transmédiatiques ». L’enjeu du réseau est de développer un vaste champ de réflexion interdisciplinaire autour de la notion de transmédialité dans ses plus diverses manifestations sémiotiques et médiatiques à la lumière des implications culturelles, sociologiques, politiques et philosophiques que revêt son emprise croissante sur l’imaginaire social contemporain. Les travaux de l’Observatoire se poursuivront au rythme d’un colloque tous les deux ans (la « biennale du transmédia » de Toulon) et donneront lieu à la publication des actes de toutes les manifestations scientifiques organisées (colloques, séminaires).  
 
Soumission des propositions :
Le fichier word devra impérativement comprendre les 4 éléments suivants :
- un résumé de 1 000 signes (esp. comprises) en français 
- 3 à 6 mots clés en français 
- un texte principal entre 10 000 et 15 000 signes en français
- une bibliographie de 5 à 10 références.
 
Calendrier :
14 février 2023 : diffusion de l’appel à communication et ouverture de la plateforme pour le dépôt des propositions
15 septembre 2023 : fin des dépôts des propositions de communication.
20 octobre 2023 : notifications à l’auteur.e principal.e de la proposition de communication
14-15 décembre 2023 : Congrès
15 janvier 2024 : Date limite de dépôt de la version (éventuellement revue et corrigée) du texte présenté, en vue de la publication dans les actes du congrès 

Information pratiques : 
Le comité d'organisation prendra en charge les frais de transport, d'hébergement et de restauration des participants en fonction des ressources budgetaires disponibles. Pas de frais d'inscription ni au colloque ni au repas de gala.