— Appel à communications —
Colloque
« Cinéma, séries et société(s) de consommation : interactions, influences, détournements »
sous la direction de
Fanny Beuré et Nataliya Puchenkina (2L2S, Université de Lorraine, Metz)
Date : les jeudi 7 et vendredi 8 décembre 2023
Lieu : Université de Lorraine – Metz – Campus de Saulcy
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Propositions attendues pour le 3 septembre.
Ce colloque s'intéressera, à la fois, à la manière dont le cinéma et les séries contribuent à influencer les comportements de consommation de masse (introduction de nouveaux objets, façonnage de modes vestimentaires ou alimentaires, promotion de nouveaux loisirs...) et à la façon dont ils se font support de leur mise en visibilité (pratique du placement de produits, commercialisation de produits dérivés, partenariats entre salles et commerces de proximité…).
Dans la perspective tracée par la New Cinema History, il s’agira de déplacer le centre de l’analyse des formes audiovisuelles aux relations que celles-ci co-construisent dans leurs interactions avec le(s) public(s). Avant même que le cinéma ne devienne un loisir de masse, sa dépendance grandissante à l’égard des financements extérieurs a contribué à ce que les images représentent à l’écran une “société de consommation”, entendue comme un espace dans lequel des produits sont développés et des individus encouragés à les consommer. Les personnages des vues Edison sillonnent les villes à bord de véhicules Ford, les héros de Méliès transportent une immense bouteille de champagne Mercier, tandis que les compagnies de tabac paient le prix fort pour que les protagonistes soient fumeurs. Objet de reproduction et de circulation généralement vaste, le cinéma s’est rapidement servi de sa capacité à créer des imaginaires autour de produits plus ou moins anodins, jusqu’à devenir l’un des piliers de la société de consommation, tout en portant sur elle un regard critique.
Cette association entre les logiques artistiques et économiques, longtemps décriée, devrait-elle pour autant être considérée comme un simple outil de manipulation des spectateurs ? De quelle manière le fait de reconnaître un produit, une pratique ou une marque s'articule-t-il avec le plaisir cinématographique ? Comment la présence des objets de consommation associés à une époque, une aire géographique ou une personnalité en particulier rend-elle l’univers du film plus authentique ou attirant aux yeux des spectateurs ? Dans quelle mesure la formation du star-system hollywoodien, régulièrement visée par la critique comme une marchandisation du corps d’acteur, n’est-elle pas un parfait exemple de co-création artistique et culturelle, par les producteurs et par les publics ? Comment l’industrie de l’audiovisuel interagit-elle avec les industries à l’origine de produits de consommation courante (prêt-à-porter, alimentation, électroménager…), que ce soit en profitant des effets de modes ou en contribuant en retour à dicter les tendances ?
Ce colloque visera donc à interroger les liens tissés entre le cinéma, les séries et la société de consommation du point de vue des influences réciproques, non seulement économiques, mais aussi esthétiques, qui découlent de l’association entre les œuvres audiovisuelles et les produits.
Plusieurs axes pourront être envisagés, parmi lesquels :
Axe 1 - Rôle des produits de consommation au sein des univers fictionnels
Les communications pourront étudier la façon dont les produits de consommation participent à la construction de l’univers fictionnel, à rebours ou en accord avec l’intention commerciale de leurs promoteurs. Une attention particulière sera portée à la pratique du placement de produits. Si celle-ci est généralement appréhendée dans la seule perspective de son apport au montage budgétaire des films, elle relève également d’un défi d’intégration à leur univers visuel et narratif. Peut-on identifier les cas où ces interactions donnent lieu à des mésalliances, qu’elles soient volontaires ou involontaires? Comment la multiplication de produits identifiables - comme les voitures Simca dans Playtime de Jacques Tati - contribue-t-elle à créer des marqueurs pour une époque particulière et reconnaissable ? Plus généralement, comment le recours aux marques, au-delà des enjeux économiques, est-il associé au plaisir cinématographique de voir à l’écran un univers “authentique”? Des études pourront également s’intéresser au cas particulier de certains réalisateurs, à l’instar de Quentin Tarantino, qui tournent en dérision la tactique de placement de produits en inventant de toutes pièces les marques promues à l’écran.
Axe 2 - Fictions audiovisuelles et comportements de consommation
Il sera également possible de s'intéresser à la manière dont les fictions audiovisuelles ont pu influencer les comportements de consommation, qu’elles mettent en avant des produits ou des usages préexistants, ou qu’elles en fabriquent de nouveaux. Ancrée dans le processus de création cinématographique ou sérielle, la conception et la commercialisation de produits dérivés permettent de porter l’univers de la fiction en dehors des écrans. Des études pourront être menées sur la manière dont ces produits accompagnent, en amont et en aval, la mise sur le marché du film ou de la série. Dans quelle mesure la consommation des produits dérivés peut-elle être considérée comme une prolongation de la fiction audiovisuelle, où le plaisir spectatoriel se conjugue avec le plaisir de consommer? Au-delà du cas, bien connu, des franchises transmédiatiques, ces pratiques sont-elles également identifiables sur d’autres types de productions? Outre les produits dérivés, dans quelle mesure les fictions audiovisuelles encouragent-elles la consommation des produits ou services qu’elles mettent en valeur? Des études de cas pourraient étudier la façon dont les boutiques implantées à proximité de salles de cinéma ont pu se coordonner avec la programmation de ces dernières en mettant en vitrine les produits vus dans les films, en interrogeant notamment la fréquence de telles opérations et leur effet sur l'expérience spectatorielle.
Axe 3 - Stars, publicité et consommation: influences réciproques
Les interventions pourront également porter plus spécifiquement sur le rôle des stars dans la promotion de produits, que ce soit par le biais d’encarts publicitaires ponctuels au sein des fans magazines ou de contrats de partenariat exclusifs. Comment retracer l’histoire multiple de ces liens entre stars et produits de consommation, qui apparaissent dès l’émergence du star-system ? À quelles stars sont associées quelles familles de produits? Comment les stars participent-elles au façonnage de modes susceptibles d'engendrer des actes de consommation, de la robe Vichy de Bardot adoptée par des milliers de Françaises aux prouesses de Fred Astaire et Gingers Rogers ayant incité des millions d'Américains à prendre des cours de danse. Dans quelle mesure les stars ont-elles réussi à dynamiser la consommation d’un produit ou à en modifier l’image? En retour, comment ces apparitions extra-cinématographiques (à l'occasion des campagnes publicitaires par exemple) ont-elles infléchi l’image des stars ?
Modalités de soumission et calendrier :
Les propositions (500 mots maximum), accompagnées de quelques indications bio-bibliographiques, sont à envoyer jusqu’au 3 septembre 2023 à fanny.beure@univ-lorraine.fr et nataliya.puchenkina@univ-lorraine.fr.
La langue de travail du colloque est le français. Toutefois, les communications en anglais seront acceptées.
Les réponses seront communiquées au plus tard le 11 septembre 2023.
Comité scientifique :
Fanny Beuré (2L2S, Université de Lorraine – Metz)
Gaspard Delon (CERILAC - Université Paris Cité)
Kira Kitsopanidou (IRCAV - Université Sorbonne Nouvelle)
Delphine Le Nozach (CREM - Université de Lorraine)
Jean-Marc Leveratto (2L2S, Université de Lorraine - Metz)
Fabrice Montebello (2L2S, Université de Lorraine – Metz)
Nataliya Puchenkina (2L2S, Université de Lorraine – Metz)
Léo Souillés (2L2S, Université de Lorraine – Metz)
Bibliographie indicative :
Bouquillion Philippe, Miège Bernard et Moeglin Pierre, L'industrialisation des biens symboliques : les industries créatives en regard des industries culturelles, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2013.
Debord Guy, La Société du spectacle, Paris, Buchet-Chastel, 1967.
Creton Laurent, Cinéma et Marché, Paris, Armand Colin, 1997.
Epstein Edward Jay, The Big Picture: Money and Power in Hollywood, New York, Random House, 2005.
Esquenazi Jean-Pierre (dir), Cinéma contemporain, état des lieux, Paris, L’Harmattan, 2004.
Ethis Emmanuel, Sociologie du cinéma et de ses publics, Paris, Armand Colin, 2005.
Gundle Stephen, “We Have Everything to Learn from the Americans’: Film Promotion, Product Placement and Consumer Culture in Italy, 1945-1965, Historical Journal of Film, Radio and Television, 40:1, p. 55-83.
Kessler Frank, Lenk Sabine, “When the history of moviegoing is a history of movie watching, then what about the films?” in Maltby Richard, Biltereyst Daniel et Meers Philippe (dir.), The Routledge Companion to New Cinema History, Abingdon/New York, Routledge & CRC Press, 2019, p. 419-328.
Kuhn Annette, An Everyday Magic: Cinema and Cultural Memory, London, I.B.Tauris, 2002.
Le Nozach Delphine, Les produits et les marques au cinéma, Paris, L’Harmattan, 2013.
Leveratto Jean-Marc et Montebello Fabrice, « Présentation: public, identité culturelle et style national : Les limites de l’expertise savante de la consommation cinématographique », Le Portique, 41, 2018, p. 7-14.
Maltby Richard, Biltereyst Daniel et Meers Philippe (dir.), Explorations in New Cinema History. Approaches and Case Studies, Malden, Willey-Blackwell, 2011.
Morin Edgar, Les stars, Paris, Le Seuil, 1957.
Radner Hilary, Neo-Feminist Cinema: Girly Films, Chick Flicks, and Consumer Culture, New York, Routledge, 2010.
Stacey Jackie, Star Gazing: Hollywood Cinema and Female Spectatorship, Londres / New York, Routledge, 1994.
Wasko Janet, Understanding Disney: The Manufacture of Fantasy, 2nd Edition, Medford, MA, Polity Press, 2020.