Arguments et argumentations dans le discours narratif, scientifique et politique : forces et faiblesses (Revue Écho de la Recherche Interdisciplinaire, n°2)
Arguments et argumentations dans le discours narratif, scientifique et politique : forces et faiblesses (Revue Écho de la Recherche Interdisciplinaire, n°2)
Le deuxième numéro de la revue Écho de la Recherche Interdisciplinaire [www.echodelarecherche.com]s’intéresse aux usages de « l’argumentation dans le discours narratif, politique, scientifique, etc. » L’argumentation est, en effet, au cœur de toutes les activités du langage. Sous des formes et des noms différents, l’argumentation fait partie de la tradition scolaire et littéraire depuis le Moyen Age. Ses origines remontent à l’antiquité et son ancêtre, la rhétorique était, chez les Anciens, « une théorie de la parole efficace doublée d’un apprentissage au cours duquel les hommes de la cité s’initiaient à l’art de persuader » (R. Amossy, 2014, p. 3.)
À partir de la seconde moitié du XXe siècle, les approches rhétoriques et argumentatives se sont considérablement diversifiées pour en arriver au rapprochement de ces deux terminologies dans les travaux de S. Toulmin (1958), C. L. Hamblin et L. Olbrechts -Tyteca (1970), O. Ducrot (1973), C. Perelman (1977), J.-B. Grize (1981), R. Amossy (2012, 2014). C’est dans ce cadre que C. Perelman en propose la définition suivante :
« Qu’il s’agisse non de faits, mais d’opinions, et surtout d’appréciations, non seulement la personne de l’orateur, mais aussi la fonction qu’il exerce, le rôle qu’il assume, influencent indéniablement la manière dont l’auditoire accueillera ses paroles (…). Mais inversement, les propos de l’orateur donnent de lui une image dont l’importance ne doit pas être sous-estimée : Aristote la considérait, sous le nom d’éthos oratoire, comme une des trois composantes de l’efficacité dans la persuasion, les deux autres étant le logos et le pathos, l’appel à la raison au moyen d’arguments et les procédés rhétoriques visant à susciter les passions de l’auditoire. » (1977, p. 111).
Dans une récente étude, Jean Jacques Robrieux (2021) s’écarte en grande partie du champ de C. Perelman et de la philosophie moderne qui choisissent de ne considérer que les arguments de bonne foi en les distinguant selon leur degré de pertinence. Robrieux (2021, p.203-227) identifie ainsi des « arguments empiriques », fondés selon lui sur l’expérience, l’explication du réel selon les enchainements qui se déroulent sous nos yeux et des « arguments contraignants et de mauvaise foi ». Dans ce type d’arguments, dit Robrieux, « les interlocuteurs ne sont pas à égalité. Il s’agit de manipuler l’autre ou de le tenir en respect à l’aide de techniques connues, pour la plupart, depuis Aristote » (2021, p. 228-256).
Le discours argumentatif a été caractérisé de manière intradiscursive par ses différentes formes structurelles et, de façon extradiscursive, par l’effet perlocutoire qui lui serait attaché, la persuasion (P. Charaudeau et D. Maingueneau, 2002, p. 66). Cet effet est mis au premier plan par la définition néo-classique de C. Perelman et L. Olbrechts –Tyteca, pour qui « l’objet de la théorie de l’argumentation est l’étude des techniques discursives permettant de provoquer ou d’accroitre l’adhésion des esprits aux thèses qu’on présente à leur assentiment » (1970, p.5).
On le voit, le domaine de l’argumentation a été étendu au-delà des grands genres rhétoriques traditionnels pour coïncider avec celui du débat sous toutes ses formes. Plus encore, pour la théorie de l’argumentation dans la langue, comme pour la logique naturelle, l’activité argumentative est coextensive à l’activité de parole.
Si l’on considère l’argumentation comme une tentative pour modifier les représentations de l’interlocuteur, il est clair que toute information joue ce rôle et qu’elle peut être dite argumentative en ce sens (E. Benveniste, 1966, p.242). Et Jean-Michel Adam de renchérir que « tout texte possède une valeur argumentative, même une simple description dépourvue de connecteurs argumentatifs » (2015, p. 95). Tout énoncé, toute succession cohérente d’énoncés (descriptive, narrative) construit donc un point de vue dont l’étude constitue l’objet de la logique naturelle. Il en est ainsi des discours narratifs, politiques, publicitaires, scientifiques, didactiques, religieux, etc. On peut même avancer que l’argumentation est liée à la vie quotidienne. C’est à juste titre que Robert Tomassone et Geneviève Pétiot (2002, p.251) disent que l’argumentation est à la mode.
De ce point de vue, il importe de dire que l’activité argumentative se trouve à la croisée de plusieurs disciplines. Si elle est prioritairement située dans la perspective de l’analyse du discours, elle s’intéresse aussi aux aspects rhétoriques, cognitifs et pragmatiques des interactions entre l’orateur et son auditoire. Dès lors, par quels mécanismes l’activité argumentative se met-elle au service de l’activité de la parole ? Comment le locuteur arrive-t-il à modifier les diverses représentations de l’interlocuteur dans la perspective de Jean Blaise Grize (1990, p.40) ? La production d’une argumentation répond à quels processus cognitifs ? Quels effets cette opération laisse-t-elle sur son sillage ?
En situant leurs réflexions dans les techniques discursives, les représentations ou les attitudes suscitées par l’activité argumentative, les contributeurs au présent numéro sont invités à proposer des articles traitant cette thématique dans les disciplines suivantes : linguistique, communication, littérature, didactique, sociologie, psychologie, philosophie. Les points d’attention pourraient concerner :
Axe 1 : Les connecteurs argumentatifs ;
Axe 2 : L’argumentation et la création littéraire ;
Axe 3 : La puissance de conviction d’un argument et les procédés stylistiques ;
Axe 4 : La question de l’attribution de l’argumentativité au langage ou à la pensée ;
Axe 5 : La question du bon discours et les normes du discours argumentatif (la cohérence textuelle, l’efficacité, la véridiction ; la rectitude éthique...) ;
Axe 6 : Les caractéristiques d’une thèse rejetée ;
Axe 7 : La question de la construction de l’éthos du pathos et du logos ;
Axe 8 : L’argumentation et la théorie des trois opérations mentales : l’appréhension, le jugement et le raisonnement.
Bibliographie indicative
ADAM Jean-Michel, 2015, La Linguistique textuelle, Paris, Armand Colin.
AMOSSY Ruth, 2012, « Les enjeux du "déraisonnable" : rhétorique de la persuasion et rhétorique du dissensus », in Chaïme Perelman, De la nouvelle rhétorique à la logique juridique, Paris, PUF., p.17-37.
AMOSSY Ruth, 2014, Apologie de la polémique, coll. « L’interrogation philosophique » Paris, PUF.
ANSCOMBRE Jean-Claude et DUCROT Oswald, 1983, L’Argumentation dans la langue, Bruxelles, Mardaga.
ARISTOTE, 1981-1991, Rhétorique, Paris, Gallimard, Coll. Tel.
BENVENISTE Émile, 1966, Problèmes de linguistique générale 1, Paris, Gallimard.
CHARAUDEAU Patrick et MAINGUENEAU Dominique, 2002, Dictionnaire d’analyse du discours, Paris, Seuil.
DOMENACH Jean-Marie, 1950, La Propagande politique, Paris, PUF.
DUCROT Oswald, 1973, La Preuve et le Dire, Paris, Mame.
GRIZE Jean-Blaise, 1982, De la logique à l’argumentation, Paris, Librairie Droz.
GRIZE Jean-Blaise, 1996, Logique naturelle et communication, coll. Psychologie sociale, Paris, PUF.
HAMBLIN Charles Léonard, 1970, Fallacies, Londres, Methuen.
PAGÈS Alain et al. 1995, Lettres. Textes. Méthodes. Histoire littéraire, Paris, Nathan.
PERELMAN Chaïme et OLBRECHTS-TYTECA Lucie, 1976 [1958], Traité de l’argumentation. La Nouvelle rhétorique, Bruxelles, Éditions de l’Université.
PERELMAN Chaïme, 1977, L’Empire rhétorique, Paris, Vrin.
PLANTIN Christian, 1990, Essais sur l’argumentation, Paris, Kimé.
ROBRIEUX Jean-Jacques, 2021, Rhétorique et argumentation, 4e édition, Paris, Armand Colin.
TOMASSONE Roberte et PETIOT Geneviève, 2002, Pour enseigner la grammaire II. Textes et pratiques, Paris, Delagrave.
TOULMIN Stephen Edelson, 1958, Les Usages de l’argumentation, Paris, PUF.
Les propositions des articles devront être adressées, jusqu’au 28 février 2024, à l’adresse revue.echo48@gmail.com
- Comité scientifique et de lecture : www.echodelarecherche.com/comite-scientifique-lecture/
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Superviseur : MANDA Djoa Johnson, Institut National Polytechnique Félix Houphouët-Boigny, Côte d’Ivoire.
Coordination :
KOUAKOU Bah Isaac, Institut National Polytechnique Félix Houphouët-Boigny, Côte d’Ivoire ;
AMAN Aka Geoffroy Junior, Institut National Polytechnique Félix Houphouët-Boigny, Côte d’Ivoire ;
BOHOUSSOU Amoin Véronique, Institut National Polytechnique Félix Houphouët-Boigny, Côte d’Ivoire.
Calendrier
Date de lancement de l’appel : 15 juin 2023
Date limite de soumission : 28 février 2024
Date de renvoi des textes aux auteurs : 30 mars 2024
Envoi des tirés à part : 20 juin 2024
Mise en ligne : 30 juin 2024
Contribution financière
Une contribution financière de 40.000 F CFA/ 61 Euros est demandée aux auteurs dont les articles sont retenus pour la publication.