Université de Sfax — Faculté des Lettres et Sciences Humaines
Laboratoire de Recherche Interdisciplinaire en Discours, Art, Musique et Economie (LARIDIAME, LR18ES23)
Colloque international, du 1 au 2 décembre 2023
Appel à communications
Intertextualité et récritures dans ou de l’œuvre d’Albert Camus
Selon Roger Quilliot, Albert Camus s’est nourri de nombreuses lectures pour rédiger L’Homme révolté. Deux des romans de Dostoïevski, Les Frères Karamazov à travers le personnage d’Ivan, et Les Possédés, « permettent à Camus d’ordonner les figures de la révolte selon les deux niveaux, métaphysique et historique ». La logorrhée de Clamence dans La Chute fait penser au soliloque du Bavard de Louis-René des Forêts. Camus écrit même à René Char une lettre, après la lecture d’À une sérénité crispée : « Ce texte retentit [...] en moi comme une voix plus vraie que la mienne. Je n’ai pas de peine à parler ce langage, à la fois si vaste et si juste, mais j’aurais eu de la peine à le trouver ». Le texte d’Albert Camus peut lui-même servir de référence ou de point de départ à certains auteurs pour écrire leur propre texte. Citons à titre d’exemple Meursault contre-enquête de Kamel Daoud ou de Salah Guemriche, Aujourd’hui, Meursault est mort.
Albert Camus récrit lui-même ses propres textes : L’Étranger reprend dans une certaine mesure La Mort heureuse, « Retour à Tipasa » dans L’Été fait écho à « Noces à Tipasa », La Chute parodie en quelque sorte « La Mer au plus près ». Cette imitation de soi ou cette auto-citation montrent qu’une œuvre se construit tant dans le rapport avec d’autres œuvres que dans sa propre continuité. Albert Camus construit œuvre par œuvre les cycles dont il élabore le plan dans ses carnets : cycle de l’absurde, cycle de la révolte, cycle de l’amour.
Notons aussi que l’intertextualité peut se référer au dialogue entre différents systèmes sémiotiques : la peinture, la musique, la bande dessinée… Dans/d’après l’œuvre d’Albert Camus, on rencontre des échanges « intersémiotiques ». Jacques Ferrandez adapte en bande dessinée Le Premier Homme, L’Hôte, L’Étranger. Le chanteur et poète Abd Al Malik interprète L’Envers et l’Endroit, Ryota Kurumado adapte en manga L’Etranger…
Bakhtine a été le premier (dès 1929 dans ses travaux en russe) à montrer l’intérêt du phénomène de l’intertextualité. Selon lui, tout énoncé, par sa dimension linguistique, renvoie à d’autres textes. Un énoncé ne peut pas ne pas être intertextuel. Le lecteur se rend compte, à tout moment, en parcourant un texte, que des souvenirs textuels affluent dans sa mémoire. Un sentiment de déjà-lu affleure à la mémoire du lecteur. Gérard Genette a cherché à catégoriser les multiples modalités d’interférences intertextuelles, de la plus ostensible à la plus ténue. Barthes ne dit-il pas aussi qu’en « lisant un texte rapporté par Stendhal […] on y retrouve Proust par un détail minuscule ». L’auteur récrit des textes antérieurs, se fonde sur des discours préalablement constitués.
Le concept se renouvelle dans les années 80 avec la réémergence de celui de récriture. Dans La récriture : formes, enjeux, valeurs. Autour du Nouveau Roman, Anne-Claire Gignoux apporte un éclaircissement sur ce concept : « La récriture travaille le texte. Elle travaille le texte récrit : elle le découpe, le déforme, le détourne, ou le cite avec un aspect obstiné. Elle se présente alors sous deux catégories très générales : une récriture exacte, qui cite littéralement, ou une récriture avec variation. Cependant, dans les deux cas, et même si la citation est totalement exacte, la récriture fait subir aux mots récrits un traitement, un travail toujours doublement transformateur : il modifie le texte récrit, fragmenté, exilé de son contexte, éventuellement corrigé, mais aussi le texte où il s’insère et qu’il enrichit. La récriture est polyphonique : mélange de voix, de mots, mots nouveaux, mots répétés à reconnaître ». Mais, qu’elle soit une citation isolée dans un texte, une allusion ou un faisceau de marques concrètes et probantes, la « récriture intertextuelle » n’est pas cependant « clonique, répétition totalement exacte ».
Références bibliographiques :
Bakhtine, Mikhaïl, La poétique de Dostoïevski, Traduction d’Isabelle Kolitcheff, Préface de Julia Kristeva, Le Seuil, « Essais », 1998 (1929).
Barthes, Roland, Le Plaisir du texte, Le Seuil, 1993.
Genette, Gérard, Palimpsestes. La littérature au second degré, Le Seuil, 1982.
Grignoux, Anne-Claire, « De l’intertextualité à la récriture », Cahiers de Narratologie, n°13, 2006.
----------------------------, La récriture : formes, enjeux, valeurs. Autour du Nouveau Roman, https://books.google.dz.
Samoyault, Tiphaine, L'Intertextualité : Mémoire de la littérature, Armand Colin, « 128 », 2005.
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Notre colloque envisage d’examiner l’intertextualité et la récriture dans/d’après l’œuvre d’après l’œuvre d’Albert Camus dans des perspectives différentes : poétique, stylistique, (inter)sémiotique… autour des axes suivants :
- Albert Camus et la littérature
- Récriture et style dans l’œuvre d’Albert Camus.
- Récriture et intersémioticité
- Albert Camus et les arts
- Littérature et philosophie
- Littérature et journalisme
- Récriture des mythes
- Albert Camus et la citation
- Mimétisme, pastiche, parodie
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Les propositions de communication, d’environ une demi-page (titre et résumé), accompagnées d'une courte notice biographique, sont à envoyer uniquement par voie électronique avant le 30 juillet 2023 à l’adresses suivante : mustapha.trabelsi@flshs.usf.tn
Inscription :
Frais de participation :
· 100 euros pour les non-Maghrébins
· 200 dinars TND pour les Tunisiens et les Maghrébins
Les frais d’inscription couvrent les pauses café, le déjeuner et le pack du colloque. Le déplacement et l’hébergement resteront à la charge des communicants.
Calendrier
30 juillet 2023 : réception des propositions de communication
30 août 2023 : notification aux auteurs
1-2 décembre 2023 : Colloque international
Juin 2024 : publication
Responsable scientifique : LARIDIAME, LR18ES23
Comité scientifique : Arselène Ben Farhat, Pierre Garrigues, Senda Jlidi, Martine Job, Anne Prouteau, Mustapha Trabelsi.
Comité d’organisation : Ines Hamed, Laila Euchi, Manel Euchi, Mouna Sassi, Samia Ghadoumi.
Adresse : Faculté des Lettres et Sciences Humaines - Sfax (Tunisie)