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Traduction (auto)censurée dans les mondes francophones depuis 1945 (Saint Étienne)

Traduction (auto)censurée dans les mondes francophones depuis 1945 (Saint Étienne)

Publié le par Esther Demoulin (Source : Raphaël Roché)

Appel à communications – Journée d’étude – vendredi 24 novembre 2023
Université Jean Monnet, Saint Etienne –  Unité de recherche ECLLA


Traduction (auto)censurée dans les mondes francophones depuis 1945
 


Au cours du XXe siècle, la censure est habituellement décrite comme caractéristique des pays dictatoriaux ou de périodes exceptionnelles, à l’instar de la Première Guerre mondiale ou de l’Occupation dans le cas français. Or, Jansen (1988, p.132) définit la censure comme « une forme de surveillance, un mécanisme servant à accumuler des renseignements que les puissants peuvent utiliser pour renforcer le contrôle à l’encontre des personnes ou des idées qui menacent ou disruptent les systèmes de l’ordre établi », ce qui suppose qu’elle n’est pas seulement institutionnelle, caractéristique des dictatures et d’autres systèmes politiques autoritaires, mais qu’elle peut aussi se manifester dans des contextes démocratiques, que ce soit de manière consciente ou inconsciente. Dans les deux cas, le traducteur ou interprète doit traiter le texte ou le discours tout en évitant les obstacles qui surgissent au cours de son acte communicatif. Parfois, le traducteur ou interprète peut avoir recours à l’auto-censure pour échapper à une réaction hostile ou à une réprimande pouvant provenir de  « l’ensemble des groupes ou corps de l’État – ou certains d’entre eux – capables ou habilités à lui imposer des suppressions ou modifications, avec ou sans son consentement ». (Abellán, 1987, p. 18). 


En France, depuis la Libération, l’imaginaire collectif associe le phénomène censorial à des questions de moralité. Néanmoins, de grandes tensions apparaissent dans les années 1960 et 1970, alors que le marché du livre – particulièrement du livre politique – connaît une expansion unique, dans une conjoncture qui associe la massification de l’enseignement secondaire et supérieur, la constitution de mouvements étudiants fortement politisés et les luttes décoloniales. De fait, une censure d’État organisée s’est appliquée dans le contexte de la guerre froide et de la décolonisation – guerre d’indépendance algérienne – et a même été théorisée par le ministre de l’Intérieur de Mai 68, Raymond Marcellin dans son ouvrage L’ordre public et les groupes révolutionnaires. Cette censure touche particulièrement les périodiques associés à l’étranger (en langue étrangère ou traduits) qui pouvaient, à l’époque, être interdits sur simple décision administrative. Dans ce cadre, cette journée d’étude cherche à cartographier la relation encore peu étudiée qui existe entre traduction et (auto)censure dans les pays francophones depuis 1945, s'appliquant à tous types de documents, qu’ils soient imprimés ou audiovisuels, de fiction ou de non-fiction. 
 

De fait, la question de la censure et de la traduction depuis 1945 dépasse les frontières de la France pour s’étendre à l’ensemble de la francophonie, puisqu’elle peut concerner la Belgique, la Suisse, l’Algérie avant et après son indépendance, le Maroc et la Tunisie avant et après le protectorat français, les Etats francophones d’Afrique subsaharienne ou encore le Canada francophone, le Québec ayant par exemple connu des moments d’extrême tension même à l’image de la crise d’Octobre 1970. Ce projet fait écho à des recherches actuelles appliquées dans d’autres espaces à l’instar du numéro spécial de la revue colombienne de traduction Mutatis Mutandis, consacrée à la traduction (auto)censurée dans les mondes hispaniques, à paraître cet été. 


Cette journée d’étude  s’inscrit dans l’axe 1 de l’unité de recherche ECLLA, Territoires et Représentations. En effet, si un document s’insère nécessairement dans une représentation du monde plus globale, les problématiques liées à sa traduction mettent par définition en relation des territoires, qu’ils soient linguistiques, culturels ou politiques en servant d’interface entre une langue-culture source et une langue-culture cible. De même, toutes les censures (institutionnelles, éditoriales ou du traducteur) constituent un filtre régulant le passage d’une weltanschauung d’un territoire à l’autre.


Envoi des propositions

Les propositions sont à soumettre de préférence en français à : raphael.roche@univ-st-etienne.fr avant le 15  juillet. Une réponse sera donnée pour le 22 juillet.

Elles ne devront pas excéder 500 mots et devront comporter une brève notice bio-bibliographique.

 
Bibliographie indicative

Censures: de la Bible aux « Larmes d’Éros », Paris, Bibliothèque publique d’information, Centre Georges Pompidou, 1987.

Abellán Manuel L., Censura y creación literaria en España: 1939-1976, Barcelona, Peninsula, 1980.

Chevrel Yves, Hulst Lieven d’, Lombez Christine, Duché-Gavet Véronique et Banoun Bernard (dir.), Histoire des traductions en langue française, Lagrasse, Verdier, 2012. 

Delhaye, Pierre-Alexis, « Éditer des comics « mainstream » en France (1967-1989) : censure, traduction, adaptation ». Revue française d’histoire du livre. 143, (janv. 2023), 39-70.

Fernández, Fruela et Evans, Jonathan, The Routledge Handbook of Translation and Politics, Londres, 2018.

Jansen, Sue, Censorship. The Knot that Binds Power and Knowledge. New-York-Oxford: Oxford University Press, 1988.

Joubert Bernard, Dictionnaire des livres et journaux interdits: par arrêtés ministériels de 1949 à nos jours, Paris, Éd. du Cercle de la librairie, 2007.

Marcellin Raymond, L’ordre public et les groupes révolutionnaires, Paris, Plon, 1969.

Ory Pascal et Abirached Robert (dir.), La censure en France à l’ère démocratique (1848 - ...), Bruxelles, Editions Complexe, coll.« Histoire culturelle », 1997.

Rioux, Philippe, « Réinventer les comic books de superhéros en contexte québécois: le cas de Matrix Graphic Series ». Image & Narrative, 21(1), 2020.

Zlitni Fitouri, Sonia. « Censure, autocensure et stratégies de détournement : le cas de Rachid Boudjedra », Communications, vol. 106, no. 1, 2020.