« En vérité, dès ma naissance j’ai attrapé l’exil. En premier du pays de ma mère Raquel, l’Uruguay, mais aussi de l’Espagne et de la France, héritées de mes grands-parents. En me remémorant les promenades sur le quai argentin, je ressens la rive de ma mère, et des siens. Les exils là-bas se multipliaient, je ne saurais pas donner un nom à ces sensations qui me retrouvent, non sans mélancolie, et que je reconnais parfaitement.
Aujourd’hui, je contemple la Seine. Je n’aperçois aucun bateau, seulement les sillages des courants qui, après la traversée de l’Atlantique, pénètrent dans l’autre fleuve et entourent les ports de Montevideo et de Buenos Aires. Je ne vois pas d’île dans mon souvenir, rien que le ciel et l’eau. »
Née en 1934, Silvia Baron Supervielle vit depuis 1961 en France dont elle a adopté la langue. Grande traductrice de l’espagnol, elle a fait connaître de très nombreux poètes argentins et uruguayens, elle a également traduit en espagnol Marguerite Yourcenar et a publié leur correspondance. Au Seuil ont paru : La Rive orientale, La Ligne et l’Ombre, Le Pays de l’écriture, Une simple possibilité, La Forme intermédiaire et son œuvre poétique : En marge. Elle a publié par ailleurs chez Corti, Arfuyen et Gallimard.
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On peut lire sur en-attendant-nadeau.fr un article sur cet ouvrage :
"Silvia Baron Supervielle, une écriture nomade", par Albert Bensoussan (le 6 mai 2023)
Elle porte un nom illustre qu’elle partage avec son cousin Jules Supervielle, le poète franco-uruguayen mort à Paris en 1960. Silvia Baron Supervielle aussi est uruguayenne, par sa mère, mais elle naît à Buenos Aires, la ville d’en face : entre les deux, ce flot limoneux et bouillonnant du Río de la Plata, cet « or des tigres » dont parlait Borges, et qu’elle transforme, dans son premier récit, en L’or de l’incertitude (Corti, 1990).