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Au sommet de la vague
Publié le par Marc Escola

On en a des preuves tous les jours, sous les luminaires des librairies comme dans les salles obscures : le cinéma français n'en a pas fini avec la nouvelle vague, qui est donc sans reflux. Agnès  Varda, Louis Malle, Jean-Luc Godard, François Truffaut, Claude Chabrol, Eric Rohmer… Patrick Roegiers a réuni le plus beau des castings dans un "cinéroman" exactement intitulé : Nouvelle vague, roman (Grasset), qui estompe avec malice les frontières entre le réel et l’imaginaire, l'écriture et l’écran, les mots et les images. À travers une bonne quinzaine de films dont l’auteur dévoile les coulisses — les conceptions du cinéma qu’ils défendent et les partis pris esthétiques qu’ils incarnent. De Rivette à Pialat, Sautet et Resnais (en débordant le lit de la Nouvelle Vague proprement dite), des Cahiers du cinéma à l’orée des années 2000, c’est toute une époque qui ressurgit avec des figures que l’on croyait familières mais que l’on regarde sous un jour nouveau. Fabula vous propose de découvrir un extrait de l'ouvrage…

On découvre dans le même temps la Correspondance (1960-1965) échangée par Helen Scott et François Truffaut, "Mon petit Truffe, ma grande Scottie" (Denoël). Helen Scott et François Truffaut se rencontrent à New York en janvier 1960, lorsque le jeune cinéaste s’y rend auréolé du succès de son premier film, Les Quatre Cents Coups. Dès qu’elle l’aperçoit débarquant de l’avion, cette attachée de presse influente a le coup de foudre. Leur amitié fusionnelle commence à cet instant. Entre 1960 et 1965, période où ils se sont le plus écrit, Scott vit à New York et se consacre à la promotion de la Nouvelle Vague et de l’œuvre de Truffaut aux États-Unis. Au gré de cette sélection de lettres inédites, on suit la genèse de Jules et Jim, de La Peau douce, de Fahrenheit 451, mais aussi du livre d’entretiens mythique entre Hitchcock et Truffaut dont Helen Scott fut la cheville ouvrière.

Antoine de Baecque fait paraître de son côté, également chez Grasset, une "biographie définitive" de Jean-Luc Godard, récemment disparu. On y retrouve le cinéaste culte d’À bout de souffle et d’Alphaville, le chef de bande de la Nouvelle Vague, l’agitateur politique des années gauchistes, le publicitaire de lui-même, le provocateur misanthrope, l’archiviste, et l’ermite de Rolle, bref tous ces visages souvent contradictoires réunis en un seul. On l’aime/on ne l’aime pas  : qu’importe, JLG a tissé l’histoire culturelle du vingtième siècle et ses images (le visage bleu de Belmondo dans Pierrot le fou, les fesses de Brigitte Bardot dans Le mépris, Anne Wiazemsky dans La Chinoise, mais aussi un quatuor de Beethoven ou un nuage sur le lac Léman…) ont marqué notre temps.

On pourra encore lire en ligne la première des deux livraisons que la revue Recherches & Travaux entend consacrer à "La Nouvelle Vague à la lettre", sous la direction de Hélène Frazik, David Vasse et Julie Wolkenstein. Quels rapports, à la fois complices et polémiques, les cinéastes de la Nouvelle Vague entretenaient‑ils avec la littérature romanesque ou théâtrale, la lecture, l’écriture épistolaire ou critique, renouvelant les relations du texte et de l’image ? Comment Truffaut, Godard, Rohmer, Chabrol, Rivette, Varda et les autres sont‑ils passés de la critique à la mise en scène, et ont‑ils inlassablement puisé dans leurs lectures la matière de leurs création ? Comment ont‑ils mis en scène sans forcément les adapter leurs fictions favorites ? Ce premier volume examine, à partir d’exemples précis, leurs échanges épistolaires, leurs références à la littérature ou au fait-divers, et en cherche les prolongements chez des artistes plus contemporains. Il fait intervenir les points de vue croisés de spécialistes du cinéma (histoire et esthétique), de la littérature (française et comparée), et d’histoire sociale du XXe siècle.

Rappelons à cette occasion le deuxième sommaire de Fabula-LhT, qui se demandait "Ce que le cinéma fait de la littérature (et réciproquement)", à l'initiative de Jean-Louis Jeannelle et Margaret Flinn.

(Illustr.: Jean Seberg et Jean-Paul Belmondo dans À bout de souffle de Jean-Luc Godard, 1960).